N° 2357 ASSEMBLÉE NATIONALE CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 ONZIÈME LÉGISLATURE Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 3 mai 2000. RAPPORT D'INFORMATION DÉPOSÉ en application de l'article 145 du Règlement PAR LA COMMISSION DES FINANCES, DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN (1) en conclusion des travaux d'une mission d'évaluation et de contrôle constituée le 22 décembre 1999 (2), ET PRÉSENTÉ -- MM. AUGUSTIN BONREPAUX et JEAN-PIERRE DELALANDE, Présidents sur LA MODERNISATION DE LA GESTION DES UNIVERSITÉS (1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page. (2) La composition de cette mission figure au verso de la présente page. Enseignement supérieur.
La commission des finances, de l'économie générale et du plan est composée de : M. Henri Emmanuelli, président ; M. Didier Migaud, rapporteur général ; MM. Michel Bouvard, Jean-Pierre Brard, Yves Tavernier, vice-présidents, MM. Pierre Bourguignon, Jean-Jacques Jégou, Michel Suchod, secrétaires ; MM. Maurice Adevah-Poeuf, Philippe Auberger, François d'Aubert, Dominique Baert, Jean-Pierre Balligand, Gérard Bapt, François Baroin, Alain Barrau, Jacques Barrot, Christian Bergelin, Eric Besson, Alain Bocquet, Augustin Bonrepaux, Jean-Michel Boucheron, Mme Nicole Bricq, MM. Christian Cabal, Jérôme Cahuzac, Thierry Carcenac, Gilles Carrez, Henry Chabert, Didier Chouat, Alain Claeys, Yves Cochet, Charles de Courson, Christian Cuvilliez, Arthur Dehaine, Jean-Pierre Delalande, Francis Delattre, Yves Deniaud, Michel Destot, Patrick Devedjian, Tony Dreyfus, Jean-Louis Dumont, Daniel Feurtet, Pierre Forgues, Gérard Fuchs, Gilbert Gantier, Jean de Gaulle, Hervé Gaymard, François Goulard, Jacques Guyard, Pierre Hériaud, Edmond Hervé, Jacques Heuclin, Jean-Louis Idiart, Mme Anne-Marie Idrac, MM. Michel Inchauspé, Jean-Pierre Kucheida, Marc Laffineur, Jean-Marie Le Guen, Maurice Ligot, François Loos, Alain Madelin, Mme Béatrice Marre, MM. Pierre Méhaignerie, Louis Mexandeau, Gilbert Mitterrand, Jean Rigal, Alain Rodet, José Rossi, Nicolas Sarkozy, Gérard Saumade, Philippe Séguin, Georges Tron, Jean Vila. * * * La mission d'évalution et de contrôle est composée de : MM. Augustin Bonrepaux, Jean-Pierre Delalande, présidents ; M. Henri Emmanuelli, président de la Commission des Finances ; M. Didier Migaud, rapporteur général ; Mme Nicole Bricq, MM. Michel Bouvard, Jean-Pierre Brard, Jérôme Cahuzac, Francis Delattre, Yves Deniaud, Daniel Feurtet, Jean-Jacques Jegou, Marc Laffineur, Jean Rigal, Michel Suchod, membres titulaires ; MM. Jacques Barrot, Gilles Carrez, Yves Cochet, Christian Cuvilliez, Gilbert Gantier, Jacques Guyard, Pierre Hériaud, Gilbert Mitterrand, membres suppléants. Mme Geneviève Perrin-Gaillard, rapporteur pour avis de la Commission des Affaires culturelles, familiales et sociales pour les crédits de l'Enseignement supérieur, et M. Louis Mexandeau, membre de la Commission des Finances, ont également participé à ses travaux. INTRODUCTION 5 PROPOSITIONS DU RAPPORTEUR 7 I._ UNE GESTION CONTESTABLE MAIS EN VOIE D'AMÉLIORATION 10 A.- UN PREMIER CONSTAT : UNE GESTION SUJETTE À CRITIQUES 10 1.- Un désintérêt pour la gestion budgétaire 10 2.- Une gestion comptable peu satisfaisante 12 3.- Les ambiguïtés de la gestion financière 12 B.- DES CONDITIONS « HÉROÏQUES » DE GESTION 14 1._ Une gestion « acrobatique » 14 a) Une « gestion permanente de l'urgence » dans un contexte de forte croissance des effectifs étudiants 14 b) La dispersion des structures au sein des universités 14 c) Les ambiguïtés liées au mode de financement des universités 15 2._ Des améliorations récentes 18 C.- LES UNIVERSITÉS FACE À DE NOUVEAUX DÉFIS 19 1.- Une incitation à la recherche de nouvelles ressources dans un contexte de stabilisation des effectifs 20 2.- Des investissements de grande ampleur : le lancement du plan U3M 21 II.- QUELQUES PISTES POUR UNE MODERNISATION DE LA GESTION AU SERVICE DE L'AUTONOMIE DES UNIVERSITÉS 23 A.- FOURNIR AUX UNIVERSITÉS LES MOYENS D'UNE AUTONOMIE PLEINEMENT ASSUMÉE 23 1.- Accroître la déconcentration des moyens alloués aux universités 23 2.- La constitution d'un véritable pôle financier doit être encouragée 24 a) Le rôle des gestionnaires doit être clarifié et valorisé 25 b) Leurs compétences doivent être renforcées en matière financière 28 3.- Un soutien accru à l'élaboration d'outils de gestion adaptés 28 B.- L'AUTONOMIE DOIT S'INCRIRE DANS UN CADRE CONTRACTUEL RÉNOVÉ ET OUVERT 30 1.- Les conditions d'élaboration de la politique contractuelle doivent être améliorées ... 30 a) Les acteurs de la politique contractuelle 30 b) Le contenu de la politique contractuelle 31 2.- ... et les moyens de son évaluation renforcés. 32 a) Au sein de l'administration centrale du ministère 32 b) Au niveau des rectorats 32 c) Au niveau du Parlement 33 C.- AFFIRMER L'AUTONOMIE FACE À DE NOUVEAUX ENJEUX 34 1.- Les investissements programmés doivent être optimisés 34 2.- Toute incertitude sur les conditions d'exercice d'activités génératrices de ressources doit être rapidement levée 35 a) La mobilisation des universités en faveur des activités de valorisation de la recherche doit être appuyée 35 b) Une clarification rapide du cadre budgétaire et fiscal est indispensable 36 EXAMEN EN COMMISSION 35 AUDITIONS 1.- Mme Francine Demichel, Directrice de l'Enseignement supérieur, M. Michel Garnier, Directeur de la Programmation et du Développement, M. Michel Dellacasagrande, Directeur des Affaires financières du Ministère de l'Éducation nationale, de la Recherche et de la Technologie (27 janvier 2000). 39 2.- Mme Josette Soulas, Directrice de l'Agence de modernisation des universités et des établissements d'enseignement supérieur, M. André Legrand, Président de l'Université de Paris X-Nanterre, premier vice-président de la conférence des présidents d'université (CPU), M. Jean-Yves Mérindol, Président de l'Université de Strasbourg I, président de la commission « recherche » (CPU) (3 février 2000) 77 3.- M. Daniel Le Guillou, Directeur de la qualité et de l'audit de la Société centrale immobilière de la Caisse des dépôts et consignations, Mme Hélène Lamicq, Présidente de l'Université de Paris XII, M. Dominique Gentile, Président de l'Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines, M. Gérard Binder, Président de l'Université Mulhouse-Haute-Alsace (24 février 2000) 105 4.- M. Pierre-Louis Mariel, Chef de service, adjoint au directeur général de la Direction générale de la Comptabilité publique (24 février 2000) 129 5.- M. Claude Allègre, Ministre de l'Éducation nationale, de la Recherche et de la Technologie (9 mars 2000) 145 INTRODUCTION Partenariats avec les entreprises, valorisation de la recherche et transferts de technologie, « compétitivité » internationale et harmonisation européenne des cursus... : les universités sont-elles prêtes à faire face à ces défis ? Assez peu si l'on en croit certaines prises de position récentes décrivant les « trois misères de l'universitaire ordinaire »(1) sur le plan aussi bien matériel qu'intellectuel et moral. De manière moins polémique, le dernier rapport public de la Cour des comptes dresse un bilan assez négatif de la gestion des universités. En conclusion, ce rapport souligne, très justement, les enjeux de la modernisation de cette gestion au regard de l'autonomie des universités : « une autonomie sans capacité de gouvernement, mais aussi sans instruments de pilotage et sans outils de contrôle est une autonomie en trompe-l'_il ». D'un sujet technique, au premier abord, on en arrive ainsi à une interrogation plus large sur la portée actuelle du principe de l'autonomie des universités, depuis son affirmation par la loi du 12 novembre 1968. De quelle manière cette autonomie est-elle assumée et « vécue » par les universités ? Comment la conforter et garantir, dans le même temps, le service public de l'enseignement supérieur que la loi du 26 janvier 1984 proclame dans son titre premier ? Ces interrogations ont conduit la Mission d'évaluation et de contrôle à aborder différents aspects de la gestion des universités. Organisation interne des responsabilités financières, utilisation des outils de gestion mais aussi modalités de financement et conduite de la politique contractuelle sont autant de sujets qui ont retenu son attention. Avec toujours le même objectif : moderniser la gestion des universités en définissant les instruments nécessaires, les orientations souhaitables et en insistant sur l'importance d'une évaluation systématique des mesures prises. Comme l'indique le titre du rapport, il s'agit bien de s'interroger sur les outils et les enjeux de cette modernisation. En définitive, les propositions qui découlent de ses travaux, si elles concernent des questions différentes, convergent toutes vers une même finalité : rechercher un point d'équilibre entre l'affirmation d'une autonomie qui, sans conteste, favorise l'initiative et celle du service public de l'enseignement supérieur auquel la Mission a marqué son profond attachement à travers ses préoccupations relatives à la politique contractuelle. En cela, elle rejoint les positions que M. Claude Allègre a présentées lors de son audition, qu'il avait déjà exprimées dans son ouvrage L'âge des savoirs(2) en insistant sur « le rôle essentiel de l'État, garant de l'égalité des chances, de la justice, de l'égalité entre les régions, un État débureaucratisé certes, un État qui laisse aux universités une large liberté d'initiative et d'innovation, qui fasse confiance et responsabilise les acteurs du système d'enseignement supérieur, qui associe les régions à l'élaboration de la politique universitaire, mais un État qui n'abdique pas ». Il importe, en effet, que l'autonomie des universités s'inscrive dans le cadre d'une citoyenneté réaffirmée afin de garantir une égalité de traitement des universités, sur l'ensemble du territoire. Cette préoccupation essentielle, qui distingue le système français d'enseignement supérieur de ses homologues anglo-saxons, n'est pas incompatible, n'en déplaise à certains, avec un effort de modernisation de son organisation et, notamment, l'émergence de pôles d'excellence dans certaines disciplines. Pour conclure, les propositions formulées dans le présent rapport seront transmises, au moment de leur parution, au ministère chargé de l'Enseignement supérieur ainsi qu'à la Conférence des présidents d'université afin de recueillir un avis sur leur mise en _uvre, l'objectif étant d'engager une réflexion, d'ici la discussion budgétaire des crédits de l'enseignement supérieur, en fin d'année.
I._ UNE GESTION CONTESTABLE Au premier abord, la gestion des universités suscite une réaction de surprise : de nombreuses carences peuvent, en effet, être relevées, comme l'a souligné, en particulier, la Cour des comptes dans un développement consacré à ce sujet dans son dernier rapport public. Mais, si la tentation a parfois été forte, au sein de la Mission d'évaluation et de contrôle, de conclure à une quasi absence de gestion, ce jugement, un peu hâtif, ne paraît plus aujourd'hui aussi fondé. En effet, les auditions réalisées par la Mission ont mis en évidence de réels efforts, au cours de la période récente, qui invitent à une appréciation beaucoup plus nuancée. A.- UN PREMIER CONSTAT : UNE GESTION SUJETTE À CRITIQUES Une première analyse de la gestion des universités conduit à un jugement pour le moins réservé sur ses résultats. S'appuyant sur les travaux de la Cour des comptes, les membres de la Mission ont, en effet, constaté des lacunes importantes dans cette gestion tant au plan budgétaire que financier et comptable. 1.- UN DÉSINTÉRÊT POUR LA GESTION BUDGÉTAIRE En vertu de l'article 42 de la loi n° 84_652 du 26 janvier 1984 sur l'enseignement supérieur, chaque université « vote son budget, qui doit être en équilibre réel et faire l'objet d'une publicité appropriée ». L'adoption du budget est un acte important qui permet à une institution d'afficher les objectifs et priorités qu'elle poursuit, à travers les moyens qu'elle compte y consacrer. Or, il semblerait que les responsables des universités se soient longtemps désintéressés de cette dimension. Certaines pratiques, relevées par l'enquête de la Cour des comptes, sur la période 1994-1997, en témoignent. La Cour observe, ainsi, qu'au cours de cette période, le budget a rarement été voté dans les délais réglementaires. De plus, l'exécution budgétaire ne fait pas l'objet d'un véritable suivi, comme l'attestent les écarts constatés avec les prévisions, qui se sont traduits par l'adoption de décisions budgétaires modificatives (DBM) d'un montant élevé, le recours massif à des reports de crédits d'un exercice à l'autre ainsi que des dépassements fréquents de crédits en fin d'exercice. En outre, ces défaillances ont, parfois, été accompagnées de manquements au code des marchés publics qui s'expliquent, dans la plupart des cas, par l'absence d'un service spécifiquement en charge de ces marchés. S'y ajoutent des problèmes plus spécifiques aux universités, en particulier celui de l'articulation entre le budget de l'établissement et le budget de ses différentes composantes que constituent les départements, instituts ou écoles. Si cette articulation paraît aller de soi, elle est, en réalité, souvent délicate à réaliser. Surtout, une ambiguïté réside dans le fait que le budget des universités ne permet pas d'apprécier l'ensemble des flux financiers qui les traversent. Il ne retrace, en effet, que 30 à 40 % de l'ensemble des masses financières qu'un établissement mobilise puisqu'il ne comprend pas les crédits inscrits sur le budget de l'État pour la rémunération des personnels, les bourses et les constructions dont la maîtrise d'ouvrage n'est pas déléguée. De même, les subventions des grands organismes de recherche, au titre des laboratoires associés ou conventionnés avec les établissements d'enseignement supérieur ainsi que les crédits gérés, dans ce domaine, par les associations, ne sont pas inscrits au budget des universités. En 1999, sur un montant de 51,12 milliards de francs voté en loi de finances en faveur de l'enseignement supérieur, seuls 11,4 milliards de francs environ ont ainsi transité par les budgets des établissements, auxquels il convient d'ajouter 27,6 milliards de francs correspondants aux salaires des personnels, payés directement sur le budget de l'État; 1,75 milliard de francs de charges en découlant ; 8,27 milliards de francs pour les bourses et _uvres universitaires et 2,09 milliards de francs pour les constructions à maîtrise d'ouvrage sous la responsabilité de l'État ou des collectivités locales. Il est, certes, possible d'avoir une vision d'ensemble de ces flux financiers puisque l'article 42 de la loi précitée prévoit qu'« un tableau des emplois budgétaires attribués et des documents décrivant la totalité des moyens hors budget dont bénéficie l'établissement sont annexés au budget ». Toutefois, cette dimension est fréquemment perçue comme un frein à l'autonomie des universités et a, sans doute, contribué au désintérêt, observé chez certains, pour le suivi budgétaire. Mais, si cette situation permet de mieux comprendre certaines lacunes, elle ne les justifie évidemment pas. Il n'en reste pas moins que les conditions d'adoption et d'exécution du budget mettent en lumière les difficultés que rencontrent de nombreuses universités pour maîtriser l'utilisation de leurs ressources financières. 2.- UNE GESTION COMPTABLE PEU SATISFAISANTE Des difficultés de même nature apparaissent au niveau de l'adoption et la transmission des comptes financiers des universités, qui ont souvent lieu tardivement, sans que ce retard des conseils d'administration ne soit compensé par une vigilance accrue des services chargés de la mise en état d'examen des comptes. Les comptes financiers font, en outre, apparaître des pratiques contestables, telles que le recours abusif à la procédure d'affectation des ressources ou le non respect du principe comptable des droits constatés. La Cour des comptes a également déploré l'absence fréquente de comptabilité des engagements, qui affecte le rattachement de toutes les charges à un même exercice, ainsi que celle de dotations aux amortissements ou aux provisions. Ces pratiques nuisent à l'efficacité de la gestion comptable en empêchant de suivre correctement l'exécution du budget, en particulier la disponibilité réelle des crédits et d'anticiper certaines dépenses qu'il est pourtant nécessaire de prévoir sur plusieurs exercices (mise en sécurité des locaux, réparations, etc.). Enfin, les bilans ne fournissent pas une image fidèle de l'état du patrimoine, ni du niveau des réserves dont disposent réellement les universités. La Cour des comptes note, en particulier, qu'en matière de comptabilité patrimoniale, la tenue d'un fichier des immobilisations, complété par un inventaire physique chaque année, est une obligation rarement remplie. Dans ces conditions, le pilotage financier des universités est fragile, dans la mesure où il ne s'appuie pas sur une gestion prévisionnelle, facteur pourtant essentiel au renouvellement des équipements et aux décisions d'investissement. 3.- LES AMBIGUÏTÉS DE LA GESTION FINANCIÈRE Le principal enjeu de la gestion financière est, actuellement, pour les universités, la maîtrise de leurs réserves dont le niveau, mesuré à partir de leur fonds de roulement, est en progression continue depuis quelques années. D'après le ministère chargé de l'enseignement supérieur, leur montant s'élevait, en effet, à plus de 6 milliards de francs, à la clôture de l'exercice 1998, soit une augmentation de 9,5 % par rapport à 1996. La question des réserves est révélatrice des difficultés de gestion rencontrées par les universités, à plus d'un titre. En premier lieu, elle soulève un problème d'estimation de leur montant afin de déterminer les sommes réellement disponibles. A cet égard, la Cour des comptes observe que le résultat comptable ne reflète pas fidèlement la réalité financière en raison de l'absence de comptabilité des engagements et d'opérations de régularisation de fin d'exercice ainsi que de la non prise en compte des opérations traitées en ressources affectées. La Cour conclut que « (...) les milliards de réserves qui apparaissent aux bilans des universités doivent donc être relativisés ». En second lieu, les réserves posent le problème de leur mobilisation au plan interne. Comme le note le ministère, « (...) beaucoup d'universités continuent à pratiquer, en matière de réserves, une politique plus « facultaire » qu'universitaire les empêchant de disposer d'une vision globale et exhaustive des moyens disponibles et donc de mener une véritable politique dans ce domaine ». Enfin, les réserves correspondent à des ressources qui pourraient être utilisées pour le financement des projets de l'établissement. C'est la raison pour laquelle la politique contractuelle entre l'État et les universités cherche à encourager la mobilisation de ces moyens, ce qui nécessite d'en connaître, au préalable, le montant. Dans cette perspective, une annexe spécifique au contrat d'établissement a été établie afin de recueillir certaines informations relatives à l'état des réserves au début du contrat, ce qu'il devrait être à l'issue de la période contractuelle ainsi que la composition et l'origine de ces ressources. Sur ce point, le ministère observe : « (...) que si la plupart des établissements sont en mesure de donner les informations relatives aux montants actuels et envisagés des réserves, très peu ont fournis les informations détaillées demandées ». En définitive, la connaissance et la maîtrise des réserves représentent un enjeu important pour les universités qui sont désormais fortement incitées à développer leurs ressources propres. Mais, les incertitudes qui pèsent actuellement sur leur détermination nuisent à la conduite d'une véritable politique financière et, indirectement, à la portée de l'autonomie des universités. B.- DES CONDITIONS « HÉROÏQUES » DE GESTION Les auditions réalisées dans le cadre de la Mission d'évaluation et de contrôle ont mis en lumière un certain nombre de facteurs permettant de mieux appréhender les conditions dans lesquelles la gestion budgétaire des universités a été exercée et de nuancer la sévérité du jugement porté sur ses insuffisances, sans pour autant en nier l'existence. 1._ UNE GESTION « ACROBATIQUE » a) Une « gestion permanente de l'urgence » dans un contexte de forte croissance des effectifs étudiants Analyser la gestion des universités au cours de ces dernières années sans prendre en compte le contexte dans lequel elle s'est exercée n'aurait que peu de sens. Comment, en effet, apprécier cette gestion en faisant abstraction du très fort afflux d'étudiants - les effectifs sont passés de 1,2 million d'étudiants en 1980-1981 à 1,7 million en 1990-1991 et 2,14 millions en 1995-1996 - qui a affecté l'enseignement supérieur pendant les quinze dernières années ? Durant cette période, la préoccupation principale des responsables universitaires a été l'accueil des étudiants, dans une situation de « gestion permanente de l'urgence », comme l'a qualifiée Mme Francine Demichel, Directrice de l'Enseignement supérieur au ministère. Ces conditions, si elles ne justifient pas toutes les défaillances, permettent néanmoins de mieux comprendre les évolutions constatées. De manière plus générale, les personnes entendues ont fréquemment insisté sur le caractère, en définitive très récent de l'autonomie des universités, dont le principe a été posé dans la loi du 12 novembre 1968, puis la loi du 26 janvier 1984 sur l'enseignement supérieur. b) La dispersion des structures au sein des universités L'organisation interne des universités ne facilite pas toujours leur gestion quotidienne. Cette organisation repose sur un niveau central de décision, dont la responsabilité incombe au Président et un niveau décentralisé, celui des composantes que constituent les différentes unités de formation et de recherche, les instituts ou écoles et les laboratoires de recherche de l'établissement (article 25 de la loi du 26 janvier 1984), regroupés au sein de centres de responsabilité. Or, ces composantes disposent, chacune, d'un budget propre qu'elles élaborent et qui est, ensuite, soumis à l'approbation du conseil d'administration de l'université afin d'être intégré au budget global de l'établissement (article 42 de la loi précitée). Cette autonomie est renforcée dans le cas des instituts et écoles régis par l'article 33 de la loi du 26 janvier 1984 qui en bénéficient dans le domaine financier « pour tenir compte des exigences de leur développement ». Dans la pratique, cette organisation peut être à l'origine d'un certain émiettement des responsabilités financières qui ne facilite pas la conduite d'une politique globale d'établissement. A cet égard, l'Agence de modernisation des universités observe3 : « (...) tant la réglementation, qui reconnaît aux composantes des compétences en matière financière, que la structuration financière et les pratiques « libérales » des universitaires, favorisent des logiques de « propriétaires » en ce qui concerne les moyens et rend parfois malaisée la prise en charge d'un intérêt général primant sur celui de chaque entité » et s'interroge : « si l'enjeu de la maîtrise financière apparaît majeur aux yeux des équipes de direction et des représentants de la tutelle qui négocient les contrats, en est-il de même pour les principaux responsables universitaires, responsables de composantes, de laboratoires, de filières, et a fortiori, des acteurs de base que sont les enseignants ? Ont-ils le sentiment d'appartenir à l'établissement ? » Ces interrogations ne concernent, certes, pas l'ensemble des universités mais elles invitent, en tout état de cause, à réfléchir aux modalités internes d'allocation des ressources. c) Les ambiguïtés liées au mode de financement des universités Les universités sont financées par deux grands types de ressources financières : d'une part, des ressources provenant du budget de l'État pour l'accomplissement des missions de service public qui leur sont assignées ; d'autre part, les ressources générées par les activités propres des établissements (produits des droits d'inscription ainsi que des prestations réalisées au titre de la recherche ou de la formation continue, etc.). Le ministère de l'Éducation nationale(4) estime qu'en 1997, l'autonomie financière de l'ensemble des établissements d'enseignement supérieur, calculée à partir du ratio ressources propres / ressources totales, s'est établie à 43,3 %, ce chiffre masquant cependant de fortes disparités entre les différentes catégories d'établissements (23,9 % pour les Instituts universitaires de formation des maîtres, 42,9 % pour les universités et 54,1 % pour les écoles d'ingénieurs). Le ministère observe, par ailleurs, que les subventions publiques, provenant de l'État et des collectivités, représentent 61,8 % des ressources totales de ces établissements tandis qu'à l'intérieur des ressources propres, les droits universitaires occupent la place la plus importante avec une proportion de 9,9 % dans les seules universités. Cette répartition est retracée dans le tableau ci-après :
Les crédits attribués par l'État aux universités sont alloués, pour l'essentiel, par le canal d'une dotation normée, déterminée à partir d'un modèle théorique de répartition des moyens prenant en compte les besoins en personnel et en crédits de fonctionnement des établissements (SANREMO(5)). Cette répartition est « corrigée » par le biais de la politique contractuelle qui s'intéresse à la politique globale de l'établissement ainsi que par le financement de certains projets spécifiques que le ministère souhaite encourager. Ainsi, dans le budget pour 1999, sur une subvention totale de 5.434 millions de francs, 4.651 millions de francs (86 %) ont été réservés à la répartition « normée » au titre de SANREMO, 600 millions de francs (11 %) à la mise en _uvre financière de la politique contractuelle et 183 millions de francs (3 %) aux actions spécifiques. Dans le contexte actuel de stabilisation des effectifs étudiants, qui entrent en ligne de compte dans le calcul de la dotation SANREMO, cette répartition constitue, pour les années à venir, un véritable enjeu pour la gestion des universités et l'affirmation de leur autonomie. Cette piste a incité la Mission à s'intéresser aux voies d'une plus large déconcentration des moyens alloués par l'État aux universités, comme cela sera examiné infra. 2._ DES AMÉLIORATIONS RÉCENTES Les auditions réalisées par la Mission d'évaluation et de contrôle ont apporté des éléments permettant de nuancer ce premier constat, sévère, sur la gestion financière des universités. Ses auditions ont, tout d'abord, mis en évidence une réelle prise de conscience, de la part des différents acteurs impliqués dans cette gestion, des enjeux que sa maîtrise et sa modernisation représentent. Cette prise de conscience s'est notamment manifestée lors d'un colloque, organisé sur le thème : « Assurer efficacement la gestion financière des établissements publics scientifiques, culturels et professionnels », le 7 mai 1999, par le ministère des Finances, qui a réunit les présidents d'universités, les responsables de la Direction générale de la comptabilité publique, les agents comptables et les secrétaires généraux d'universités. Plus ponctuellement, elle est également perceptible au niveau des établissements qui ont fait appel, pour certains, à l'expertise de la filiale SCIC de la Caisse des dépôts et consignations, dans le but de développer des outils adaptés de gestion. De telles initiatives traduisent une tendance plus générale, que certains qualifient de « révolution culturelle ». Mme Hélène Lamicq, présidente de l'université Paris XII_Créteil, en a ainsi décrit l'esprit : « On passe d'une logique de gestion des procédures à une logique de pilotage, c'est-à-dire, fondamentalement, d'une logique d'administration à une logique de gestion ». Il faut, enfin, insister sur le rôle de l'Agence de modernisation des universités et des établissements d'enseignement supérieur. Cette agence, dont la mission est décrite dans l'encadré ci-dessous, joue un rôle important dans ce domaine par les séminaires d'informations qu'elle anime et les publications qui en résultent. Son expérience en matière informatique, bien que controversée sur certains aspects (logiciel Nabuco, par exemple) lui permet cependant d'apporter un appui technique aux présidents d'université. Face aux mutations actuelles, l'agence permet, en outre, de sensibiliser les gestionnaires aux enjeux qu'elles représentent. L'Agence de modernisation des universités et des établissements d'enseignement supérieur et de recherche L'Agence de Modernisation des Universités et des Établissements d'enseignement supérieur et de recherche (AMUE) est un groupement d'intérêt public, créé pour cinq ans, le 1er juin 1997. Ses actions visent à renforcer l'autonomie des établissements ainsi que leur capacité de gestion et de négociation. A cet effet, deux missions lui sont assignées : d'une part, offrir des services à destination des établissements qui en font la demande, pour leur permettre de mieux maîtriser leur gestion ; d'autre part, être un lieu d'expertise, capable d'instruire techniquement des dossiers à la demande des établissements et de saisir le ministère de questions apparues à l'occasion de ses travaux. L'Agence inscrit son action dans le cadre d'un contrat de développement, signé le 9 juillet 1998 avec le ministère de l'Éducation Nationale, de la Recherche et de la Technologie, qui stipule que « l'Agence concourt nécessairement à la modernisation de la gestion publique souhaitée par le gouvernement à travers la politique des programmes pluriannuels de modernisation », conformément à la circulaire du Premier Ministre du 3 juin 1998. L'Agence développe ses activités (produits informatiques, accompagnement, services aux établissements) dans le cadre de cinq grands domaines de gestion : finances, ressources humaines, ressources informatiques et nouvelles technologies de l'information et des communications, patrimoine et scolarité et, enfin, vie étudiante. Cette prise de conscience s'est traduite par des améliorations non négligeables au cours de ces dernières années, comme l'a rappelé le ministère dans sa réponse au rapport de la Cour des comptes. A titre d'exemple, une évaluation, conduite à la fin de l'année universitaire 1996/1997 auprès de 55 universités, a montré que si tous ces établissements votaient leur budget entre janvier et avril, en 1993, plus de la moitié d'entre eux l'avaient adopté avant le 31 décembre 1996, pour l'exercice 1997. Plus globalement, cette évaluation témoigne d'une volonté, désormais assez largement partagée, de disposer d'outils de gestion adaptés et de maîtriser la politique financière et budgétaire des établissements. Cette volonté doit être mise en relation avec la mise en place, certes lente, mais aujourd'hui effective, d'une nouvelle réglementation comptable, résultant du décret n°94-39 du 14 janvier 1994 qui a permis de clarifier le cadre budgétaire et comptable dans lequel s'exerce la gestion des universités. C.- LES UNIVERSITÉS FACE À DE NOUVEAUX DÉFIS Depuis quelques années, le contexte dans lequel les universités évoluent s'est profondément transformé, du fait de la stabilisation progressive des effectifs étudiants, mais aussi des mutations de leur environnement économique (développement des partenariats locaux, demande des entreprises, etc.) et de la mise en _uvre de la politique contractuelle avec l'État. Comme l'a souligné, lors de son audition, M. Daniel Le Guillou, secrétaire général de la société immobilière de la Caisse des dépôts, ces évolutions placent les universités face à de nouveaux enjeux, en termes à la fois financiers mais aussi de gestion et d'organisation : il s'agit désormais pour elles de maîtriser leurs coûts de fonctionnement (heures complémentaires, dépenses courantes, etc.) et de mettre en place une gestion pluriannuelle permettant d'identifier les marges de man_uvre dont elles disposent. 1.- UNE INCITATION À LA RECHERCHE DE NOUVELLES RESSOURCES DANS UN CONTEXTE DE STABILISATION DES EFFECTIFS La rentrée universitaire 1998-1999 a confirmé la diminution des effectifs, enregistrée depuis trois années consécutives. Cette tendance marque la fin d'une croissance sans précédent du nombre d'étudiants et le début d'une période de stabilisation des effectifs. Par ailleurs, les universités sont, désormais, fortement incitées à s'ouvrir sur l'extérieur, non seulement au plan local, mais aussi au plan européen et international. Votre Rapporteur a récemment consacré un rapport à cette question, intitulé : « L'accueil des étudiants étrangers : enjeu commercial ou priorité éducative ? » (6), qui présente les enjeux de cette ouverture. Enfin, la contribution des établissements d'enseignement supérieur est vivement attendue et sollicitée en matière de recherche et de transfert de technologie, comme en témoigne l'adoption de la loi n°99-587 sur l'innovation et la recherche, le 12 juillet 1999. Cette loi permet notamment aux universités de créer des incubateurs, ainsi que des « services d'activités industrielles et commerciales » (SAIC) pour la gestion des contrats de recherche, des brevets, des prestations de service ou encore des activités éditoriales. Les universités sont, donc, à un véritable tournant de leur évolution : elles doivent développer de nouvelles activités et gérer les ressources qui en découlent. Que ce soit dans le domaine de la valorisation de la recherche ou de la formation continue, cette orientation suppose que les établissements soient en mesure d'analyser les coûts induits et de déterminer une tarification des prestations offertes. Le développement de telles activités constitue un enjeu d'avenir pour les universités, leur dynamisme et leur positionnement international, qu'il faut naturellement encourager mais aussi préparer. A cet égard, la modernisation de la gestion financière apparaît plus que jamais indispensable. 2.- DES INVESTISSEMENTS DE GRANDE AMPLEUR : Un vaste plan d'aménagement et de rénovation du patrimoine universitaire, le plan U3M (Université du troisième millénaire) a été lancé, en décembre 1999, dans le cadre de la préparation des prochains contrats de plan État-régions qui s'étaleront sur la période 2000-2006. Lors de la présentation des grandes orientations de ce plan, M. Claude Allègre, alors ministre de l'Éducation nationale, a annoncé(7) que l'État s'engageait à hauteur de 18,3 milliards de francs pour sa réalisation, cet effort ayant vocation à être complété, à un niveau équivalent, par les collectivités locales. Ce plan portera, pour un quart de son montant, sur les installations de la vie étudiante (restauration, équipements sportifs, bibliothèques, etc.) mais aussi sur l'entretien des bâtiments voire des constructions nouvelles, si nécessaire, et le développement de la recherche. L'importance de cet effort milite fortement en faveur de la mise en place, au niveau de chaque établissement, d'une programmation pluriannuelle des investissements. Il met également l'accent sur la nécessité d'une meilleure connaissance de l'état du patrimoine des universités, afin de procéder aux travaux de mise en sécurité indispensables. Enfin, il soulève la question de la gestion des différentes maîtrises d'ouvrage, qui peuvent relever de la compétence de l'État mais aussi être délégués aux établissements. Compte tenu de ces enjeux, la définition d'objectifs pluriannuels dans le cadre des contrats de recherche mais aussi des contrats d'établissement et, plus largement, des contrats État-régions, devient impérative. Laisser cette page blanche sans numérotation. II.- QUELQUES PISTES POUR UNE MODERNISATION DE LA GESTION AU SERVICE DE L'AUTONOMIE DES UNIVERSITÉS A.- FOURNIR AUX UNIVERSITÉS LES MOYENS D'UNE AUTONOMIE PLEINEMENT ASSUMÉE L'autonomie des universités est un principe clairement énoncé dans la loi du 26 janvier 1984 dont l'article 20 dispose que « les établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel sont des établissements nationaux d'enseignement supérieur et de recherche jouissant de la personnalité morale et de l'autonomie pédagogique et scientifique, administrative et financière ». Pour autant, elle n'est pas vécue pleinement par les universités alors même qu'elle constitue un facteur essentiel de modernisation de leur gestion, dans le contexte actuel. Mais, si l'amélioration de la gestion des universités est indissociable d'un approfondissement de leur autonomie, l'effort à mener dans ce domaine ne peut être qu'un effort partagé entre les différents acteurs impliqués, c'est-à-dire l'État aussi bien que le monde universitaire lui-même. 1.- ACCROÎTRE LA DÉCONCENTRATION DES MOYENS ALLOUÉS AUX UNIVERSITÉS Le système français d'enseignement supérieur se caractérise par un mode de financement dual des universités qui repose sur, d'une part, l'attribution d'une dotation globale de fonctionnement (article 41 de la loi du 26 janvier 1984) ; d'autre part, une répartition financière réalisée, au sein de chaque université, en fonction des objectifs qu'elle a déterminés (contrat quadriennal, U3M, etc.). Renforcer l'autonomie financière des universités suppose, notamment, que la part de la dotation contractuelle occupe une place plus importante, sans nier, pour autant, celle de la dotation allouée par le système SANREMO qui reste indispensable pour garantir l'égalité de traitement au sein du service public de l'enseignement. A cet égard, il faut souligner que la dotation contractuelle a tendance à augmenter depuis le début des années 90, passant de 5 % à près de 13 % des ressources attribuées aux universités. La Mission estime que cette évolution doit être poursuivie afin d'appuyer les efforts des universités pour mener une politique d'établissement et conforter leur autonomie. Par ailleurs, certains crédits devraient pouvoir être gérés, dans une certaine proportion, directement par les universités elles-mêmes. Votre Rapporteur avait, ainsi, suggéré qu'elles puissent disposer librement d'un volant de bourses pour accueillir des étudiants étrangers, en fonction de leurs priorités et des formations qu'elles dispensent avec le plus de succès. Il renouvelle cette proposition, qui pourrait concerner d'autres crédits, afin de donner aux universités une plus grande marge de man_uvre. Il ne s'agit pas de bouleverser l'architecture actuelle du système de financement des universités, mais d'introduire des éléments de souplesse dans leur gestion, destinés à appuyer les efforts de modernisation engagés par de nombreux établissements. Enfin, une plus large déconcentration pourrait être envisagée au niveau du recrutement de certains personnels, en particulier pour ceux de catégorie A de l'administration scolaire et universitaire (ASU), dans le prolongement des mesures prises pour les personnels ITARF(8). Votre Rapporteur précise que la question des droits d'inscription a été abordée au cours des auditions, notamment celle des contributions complémentaires. A cet égard, les termes de la réponse du ministère aux observations de la Cour des comptes sont très clairs : « aucun contrat ne sera dorénavant signé si l'établissement ne s'engage pas formellement à respecter les termes de l'article 41 de la loi n°84-52 du 26 janvier 1984 afin que toutes les pratiques en matière de droits d'inscription soient en conformité avec la réglementation en vigueur ». C'est pourquoi, votre Rapporteur n'a pas jugé utile de développer davantage cette question. 2.- LA CONSTITUTION D'UN VÉRITABLE PÔLE FINANCIER DOIT ÊTRE ENCOURAGÉE Lors du colloque organisé le 7 mai 1999 par le ministère des Finances(9), plusieurs obstacles à une structuration de la fonction financière au sein des universités ont été mis en évidence : la faiblesse des indicateurs de pilotage (tableaux de bord), dont témoigne, notamment, la question de l'utilisation des réserves ; l'absence d'une culture de gestion à l'échelle des établissements, liée, en partie, aux nombreuses composantes qui les constituent ; enfin, un déficit de formation de l'encadrement en matière de gestion financière. La prise en compte de ces difficultés a orienté les réflexions de la Mission d'évaluation et de contrôle, dont les principales conclusions sont retracées ci-après. a) Le rôle des gestionnaires doit être clarifié et valorisé Les auditions réalisées par la MEC ont montré la nécessité de constituer un pôle financier solide au sein de chaque université. Si une telle organisation ne se décrète pas, elle peut cependant être favorisée, à la fois par des actions de sensibilisation et, bien entendu, des moyens correspondants, en termes de personnels. Cette démarche suppose, au préalable, une clarification des fonctions financières au sein des établissements qui passe par une identification des rôles respectifs du Président, du secrétaire général et de l'agent comptable. Votre Rapporteur a conscience de la diversité des situations entre les universités dont la taille ou le champ disciplinaire sont variables et ne permettent pas d'envisager une voie unique d'organisation. Toutefois, quelques pistes peuvent être dégagées, à partir des entretiens qui ont été menés. · Asseoir l'autorité du Président Aux termes de la loi du 26 janvier 1984, le Président, élu pour un mandat de 5 ans non renouvelable, dirige l'université. À ce titre, il est ordonnateur des recettes et des dépenses de l'université (article 27) ; étant entendu que le budget est voté et les comptes approuvés par le conseil d'administration de l'établissement. L'autorité du Président est ainsi clairement reconnue par la loi qui prévoit cependant, dans le même temps que le directeur d'une unité de recherche ou d'un institut est élu, pour le premier, nommé, pour le second, pour une durée de 5 ans renouvelable une fois. Dans le but de faciliter la conduite d'une politique d'intérêt collectif, à l'échelle de l'établissement, la Mission suggère que le rôle du Président soit conforté en lui permettant de prétendre au renouvellement de son mandat. L'objectif recherché est de permettre au Président d'assumer pleinement son rôle de direction de l'établissement et rompre ainsi avec l'ancienne logique des facultés qui persiste dans certains cas. Il s'agit notamment d'encourager le développement de la mutualisation des ressources au sein de l'établissement. A cet égard, votre Rapporteur rappelle une proposition, formulée par l'IGAEN(10) en 1995, relative à l'utilisation des réserves. Cette proposition repose sur l'institution d'un « droit de tirage », ouvert à chaque responsable de budget de gestion, correspondant à de véritables prévisions d'utilisation de ses propres économies. Dans cette configuration, seul le Président peut décider des priorités d'utilisation du droit de tirage, dans le cadre d'un accord collectif sur des programmes d'investissement et de renouvellement de matériels, établi sur trois ou cinq ans. Votre Rapporteur considère que cette proposition mériterait d'être reprise à l'heure où le développement des activités de valorisation ne manquera pas de soulever la question de la répartition interne des redevances perçues. Elle favorise, en effet, la recherche d'un juste équilibre entre la rétribution des efforts d'une équipe universitaire et le financement de nouvelles activités, dans l'intérêt du dynamisme de l'établissement. · Valoriser la fonction de secrétaire général d'université Nommé par le ministre chargé de l'Éducation nationale, sur proposition du président, le secrétaire général est chargé de la gestion de l'université (article 59 de la loi précitée). Il joue un rôle essentiel dans la gestion quotidienne d'une université dont il suit le fonctionnement, dans tous ses aspects. Comme le Président, qui peut lui déléguer sa signature, il est amené à intervenir dans des domaines variés et complexes qui le conduisent à assumer des responsabilités croissantes. Dans son rapport, la Cour des comptes relève que le déroulement de carrière des secrétaires généraux d'université prend insuffisamment en compte cette complexité des tâches et les responsabilités qui en découlent. Le ministère précise qu'une réforme statutaire a été engagée qui apporte des éléments de réponse à cette situation. La Mission juge nécessaire de renforcer les efforts dans ce domaine, de manière urgente afin de ne pas décourager les vocations pour exercer une fonction indispensable dans les universités. Elle recommande, en particulier, d'encourager la mobilité des secrétaires généraux en autorisant le classement de dix universités hors catégorie, avec un accès à l'indice « hors échelle B », correspondant au nouvel indice terminal des administrateurs civils ainsi que celui de cinquante universités dans le groupe 1, avec accès à l'échelle A. Cette mesure permettrait d'améliorer la situation de ces personnels en leur assurant des indemnités supérieures ainsi qu'une ouverture au niveau de leurs perspectives de carrière, nécessaire pour le renouvellement de ces cadres au sein des établissements. · Clarifier la place de l'agent comptable En vertu de l'article 59 de la loi du 26 janvier 1984, l'agent comptable peut exercer, sur décision du président, les fonctions de chef des services financiers de l'université. Dans son rapport que le fonctionnement des établissements d'enseignement supérieur en 1997-1998, l'IGAEN observe que « la répartition des attributions comptables et financières entre un ou deux responsables est également hétérogène. Les deux solutions - regroupement des deux fonctions sous une seule responsabilité ou séparation - peuvent paraître aussi satisfaisantes l'une que l'autre, selon les personnes, les circonstances ou les structures, sans qu'il soit possible de dégager de principe d'organisation a priori plus favorable ». Pour sa part, l'Agence de modernisation des universités considère qu'il est nécessaire de distinguer, d'une part, la fonction financière qui porte sur les recouvrements, le conseil juridique (projets de contrats et de conventions), l'information de l'ordonnateur et la rédaction d'un rapport financier annuel conjoint ; d'autre part, la fonction comptable qui doit appréhender la préparation et le suivi du budget, le contrôle de gestion (suivi des ouvertures de crédits, des contrats de recherche, de l'évolution de la trésorerie) et la passation de marchés afin de favoriser une gestion économique des marchés. Cette identification des tâches constitue un préalable, quel que soit ensuite le choix réalisé entre cumul et séparation des fonctions. En tout état de cause, la Mission considère qu'il faut encourager le recrutement de véritables gestionnaires en qualité de chefs des services financiers. Si la possibilité de cumuler les fonctions d'agent comptable et de chef de services financiers doit être appréciée au sein de chaque université, elle ne doit pas, pour autant, servir de prétexte pour considérer ces fonctions « à l'économie ». A cet égard, la Mission observe que la dualité des fonctions tend à être privilégiée par les établissements dont elle a auditionné les responsables, en raison de la complexité croissante des activités et du développement des actions de valorisation. b) Leurs compétences doivent être renforcées en matière financière La Mission a également constaté la nécessité de renforcer les compétences financières au sein des universités, action indissociable de l'effort d'identification et d'organisation des fonctions dans ce domaine. A cet égard, elle souhaite que le rapprochement qui s'est esquissé entre le ministère des finances (Direction de la comptabilité publique) et les universités pour la mise en place de formations se poursuive et aboutisse, comme cela a été évoqué, à la conclusion d'une convention. Il importe que les formations mises en place s'adressent à tous les acteurs impliqués dans la gestion budgétaire et financière des universités, c'est-à-dire aussi bien les secrétaires généraux que les agents comptables. De même, l'effort de formation engagé par l'Agence de modernisation des universités en direction des présidents d'université doit également être appuyé, en veillant à ce que l'ensemble des présidents puissent en bénéficier. 3.- UN SOUTIEN ACCRU À L'ÉLABORATION D'OUTILS DE GESTION ADAPTÉS En matière informatique, les universités disposent aujourd'hui d'un logiciel, dénommé Nabuco, dont la mise en place a accompagné la réforme du cadre budgétaire et comptable, initiée par le décret du 14 janvier 1994. L'utilisation de ce logiciel est désormais effective dans la quasi totalité des établissements après une période de démarrage assez longue et périlleuse. D'après les témoignages recueillis, ce logiciel semble constituer un bon outil, malgré certaines lacunes mises en évidence par la Cour des comptes au niveau de l'informatisation de la comptabilité analytique, de la gestion de la trésorerie, de l'analyse financière, de la gestion administrative des marchés et de la collecte de la taxe d'apprentissage. Une évaluation de la mise en place du logiciel, réalisée par l'Agence de modernisation des universités(11), montre qu'elle a été d'autant plus délicate à mener qu'elle s'est accompagnée d'un effort de restructuration et d'organisation de la fonction financière dans la plupart des établissements, qui s'est notamment traduit par « une réduction du nombre d'unités budgétaires et de centres de responsabilités avec, en corollaire, une diminution de « l'éparpillement » des budgets ». De plus, elle a permis le développement d'une véritable culture budgétaire et financière tandis que des améliorations ont été constatées au niveau de la préparation du budget ainsi que de son exécution, en matière de gestion des engagements et des recettes, notamment. La Mission insiste donc sur le fait que les carences observées en matière de gestion ne peuvent, toutes, et ne doivent donc pas systématiquement être imputées à l'informatique. Il n'en reste pas moins indispensable de corriger ces imperfections, dans le cadre de la nouvelle génération du logiciel, en cours d'élaboration. Dans cette perspective, il est nécessaire que l'Agence de modernisation dispose des moyens adaptés pour réaliser au mieux ce travail et l'accompagner de formations afin d'assurer la réception de cette nouvelle version par ses utilisateurs. A cet égard, votre Rapporteur considère que cette agence constitue une structure adaptée pour répondre au besoin de concertation entre les responsables universitaires, d'une part, et les représentants du ministère, d'autre part. Par ailleurs, d'autres outils de gestion mériteraient d'être davantage utilisés, comme le budget de gestion, par exemple, qui « présente les recettes et les dépenses par destination et retrace les objectifs de gestion correspondant aux grands axes de développement de l'établissement » (article 6 du décret du 14 janvier 1994). Comme le suggère un rapport établi par l'université Paris IX_Dauphine(12) : « le budget de gestion devrait servir de support spécifique à [une] politique de changement, tandis que le budget normal, par nature, servirait de cadre à la gestion déléguée de la « routine » opérationnelle ». Surtout, il est impératif de former les gestionnaires à la conduite d'une politique systématique de provisions (dépréciation d'actifs et provisions pour risques et charges) et d'amortissements, comme cela est abordé infra. B.- L'AUTONOMIE DOIT S'INCRIRE DANS UN CADRE CONTRACTUEL RÉNOVÉ ET OUVERT 1.- LES CONDITIONS D'ÉLABORATION DE LA POLITIQUE CONTRACTUELLE DOIVENT ÊTRE AMÉLIORÉES ... La politique contractuelle est une contrepartie naturelle de l'autonomie des universités qui participent, d'après la loi du 26 janvier 1984, au service public de l'enseignement. Cadre privilégié des relations entre le ministère de l'Éducation nationale et les établissements dont il assure la tutelle, le contrat d'établissement présente l'avantage d'afficher les grandes orientations de la politique de chaque université sur une période de quatre ans. La Mission considère que l'élaboration de ces contrats doit associer des partenaires mieux identifiés et plus diversifiés tandis que leur contenu même doit accorder une plus grande place aux indicateurs de gestion. a) Les acteurs de la politique contractuelle Une première recommandation concerne l'organisation du département ministériel, chargé de l'élaboration des contrats d'établissement. L'interlocuteur des universités au ministère de l'Éducation nationale est, en principe, la Direction de l'Enseignement supérieur qui a pour mission de coordonner l'élaboration et le suivi de la politique contractuelle. Cette Direction assure, en particulier, l'exploitation des comptes financiers des établissements, ce qui pose la question de l'intervention de la Direction des Affaires financières dans le domaine de la gestion budgétaire et financière des universités. Une note de cette dernière à l'attention des membres de la Mission relève d'ailleurs que l'identification des rôles respectifs des deux directions en matière de suivi de la gestion des établissements d'enseignement supérieur est parfois délicate...De plus, si l'expertise de la Direction de la programmation et du développement reste nécessaire en matière de maintenance, il paraît préférable que la dotation correspondante, intégrée dans les contrats, relève de la compétence de la Direction de l'enseignement supérieur. Il serait donc souhaitable de clarifier le découpage des directions au sein du Ministère dans ce domaine. Du côté des universités, la détermination des priorités inscrites dans le contrat est de la compétence du conseil d'administration de chaque établissement. Toutefois, une coordination est réalisée entre leurs objectifs propres et les priorités nationales, par la Conférence des présidents d'université (CPU) qui joue un rôle d'interface essentiel dans ce domaine comme sur toutes les questions relatives à l'enseignement supérieur en France. Compte tenu de ce rôle, appelé à se développer au niveau européen avec la création d'une instance similaire, M. Claude Allègre a suggéré que la Conférence désigne à sa tête, non plus un président d'université en exercice, comme c'est le cas actuellement, mais un ancien président qui puisse se consacrer entièrement à l'animation de ses travaux. Votre Rapporteur considère qu'il s'agit d'une mesure de bon sens qui pourrait être mise en _uvre à l'expiration du mandat de l'actuel président de la CPU. Enfin, dans le cadre de U3M, les investissements programmés sur la durée des prochains contrats de plan devraient être financés, à parité avec l'État, par les collectivités locales. Lors de son audition, M. Claude Allègre a estimé que les collectivités devraient donc être davantage associées à la définition de la politique contractuelle, au sein d'un groupe de travail auquel les parlementaires pourraient également participer. Si cette initiative correspond à une réalité qui la justifie pleinement, votre Rapporteur rappelle que la Cour des comptes a déploré certaines « dérives » concernant l'implantation d'antennes universitaires délocalisées qu'il importe de ne pas reproduire en fixant au préalable le cadre de la concertation engagée. Sous cette réserve, la Mission approuve la constitution d'un groupe de travail sur les orientations de la politique contractuelle, réunissant les responsables des universités, des représentants des collectivités locales ainsi que des parlementaires. Dans un premier temps, ce groupe pourrait être réuni au niveau national afin de définir les grandes orientations dans ce domaine, puis être décliné au niveau local. b) Le contenu de la politique contractuelle Un effort important a été engagé par le ministère de l'Éducation nationale pour préciser la finalité et le contenu de la politique contractuelle dans une circulaire du 22 mai 1998. L'objectif poursuivi est d'accompagner le projet de l'établissement grâce à une programmation contractuelle de l'ensemble des moyens (emplois et crédits) sur quatre ans, fondée sur les prévisions effectuées, les évaluations menées et les dotations de référence issues du système de répartition sur critères (SANREMO) et les résultats de la négociation contractuelle. Dans ce cadre, chaque établissement dispose d'une vision globale des dotations dont il disposera sur les quatre ans du contrat. Sans perdre de vue les objectifs poursuivis par chaque établissement, votre Rapporteur estime nécessaire d'affiner l'analyse des moyens affectés à leur réalisation en accordant une place plus importante aux indicateurs de gestion, y compris des indicateurs chiffrés, dans le contrat. Cet effort faciliterait l'évaluation des résultats tout en renforçant la portée du contrat. La Mission est ainsi favorable à un approfondissement de la politique contractuelle qui s'appuie sur une plus grande utilisation d'indicateurs de gestion. 2.- ... ET LES MOYENS DE SON ÉVALUATION RENFORCÉS. Au fil des auditions, il est apparu indispensable à la Mission de renforcer les moyens d'évaluation de la politique contractuelle à plusieurs niveaux. a) Au sein de l'administration centrale du ministère Les moyens d'évaluation au sein de la Direction de l'enseignement supérieur du ministère apparaissent assez dérisoires au regard des efforts engagés dans l'élaboration de la politique contractuelle et de l'intérêt que ne manqueraient pas de présenter ses résultats. Au-delà du renforcement des moyens en personnel affectés à ce travail au sein de la Direction, la Mission estime que l'Inspection générale de l'administration de l'Éducation nationale (IGAEN) pourrait utilement être associée à cette tâche. Certes, une telle participation ne répond pas aux missions de l'Inspection, telles qu'elles sont définies dans la loi du 26 janvier 1984 dont l'article 48 prévoit qu'elle exerce un contrôle financier sur les établissements d'enseignement supérieur. Toutefois, une modification pourrait être envisagée visant à mettre en place, au sein de l'Inspection, une cellule spécifique, distincte, dont le rôle serait d'évaluer les aspects liés à la gestion dans les contrats d'établissement, à l'issue de la période de quatre ans. Votre Rapporteur considère que l'implication de l'IGAEN pourrait favoriser une réflexion plus large sur le contenu même des contrats, dont la faiblesse des objectifs « quantifiés » est regrettable. Les conclusions de l'Inspection pourraient, ensuite, être exploitées par le Comité national d'évaluation (CNE), dont le rôle est examiné infra. Dans le prolongement des conclusions de la Cour des comptes, la Mission est favorable à un renforcement du rôle des rectorats en matière de contrôle budgétaire des universités. La Mission estime que ce renforcement doit non seulement porter sur les moyens du contrôle de légalité mais aussi, au-delà de l'article 46 de la loi du 26 janvier 1984 qui limite l'intervention du chancelier à cette fonction, sur le suivi budgétaire des établissements. A cet égard, elle approuve l'initiative, évoquée par M. Claude Allègre lors de son audition, consistant à désigner un vice-chancelier dans les rectorats des grandes villes et recommande sa généralisation. Chaque année, l'examen des crédits de l'enseignement supérieur est une période propice à l'analyse des résultats des politiques menées dans ce domaine. Votre Rapporteur considère que les informations transmises en matière d'évaluation de la politique contractuelle mériteraient d'être étoffées. Certes, le Parlement est destinataire des travaux réalisés par l'Inspection générale ainsi que du Comité national d'évaluation, dont la qualité est indéniable. Malgré leur grande richesse, ces études ne permettent cependant pas de disposer d'une vision globale des résultats de la politique contractuelle, dont l'évaluation n'est pas leur objet : dans un cas, les enquêtes portent, en effet, sur des établissements particuliers, de manière ponctuelle ; dans l'autre, elles s'intéressent à une dimension plus pédagogique que budgétaire. La Mission souhaite donc qu'une évaluation de chacune des vagues successives de contrats soit adressée au Parlement afin de permettre une meilleure appréciation de leurs résultats, à l'issue de la période de quatre ans. Cette évaluation pourrait être réalisée par le Comité national d'évaluation (CNE) dont les missions mériteraient d'être précisées. Comme cela a été évoqué plus haut, le Comité pourrait, dans ce cadre, s'appuyer sur les évaluations effectuées par l'Inspection générale dont l'expertise financière doit être mieux utilisée. C.- AFFIRMER L'AUTONOMIE FACE À DE NOUVEAUX ENJEUX 1.- LES INVESTISSEMENTS PROGRAMMÉS DOIVENT ÊTRE OPTIMISÉS L'Inspection générale, comme la Cour des comptes, ont mis en exergue une pratique très irrégulière des provisions et des amortissements au sein des universités. Si des améliorations sont perceptibles dans ce domaine, on observe, cependant, que seulement une université sur deux mène aujourd'hui une politique d'amortissements, ce qui représente un montant d'environ 350 millions de francs, d'après le ministère chargé de l'Enseignement supérieur. Cette pratique insuffisante des amortissements s'explique, en partie, par le fait que le patrimoine immobilier n'est pas totalement comptabilisé dans le compte financier. Or, l'entretien du patrimoine suppose, en principe, que le montant investi chaque année soit au moins égal à celui de la dotation aux amortissements. De plus, le lancement du plan U3M rend indispensable une programmation pluriannuelle des investissements et ce, d'autant, que les universités souhaitent de plus en plus fréquemment assurer la maîtrise d'ouvrage des opérations engagées à leur profit, comme la loi n° 90-486 du 10 juillet 1989 d'orientation sur l'éducation leur en offre la possibilité. Dans ces conditions, la Mission considère que l'établissement d'un inventaire exhaustif du patrimoine immobilier des universités est une nécessité et pourrait être réalisé à l'occasion du recensement des opérations qui seront financées dans le cadre du plan U3M. Lors de son audition, M. Michel Garnier, Directeur de la programmation et du développement au ministère, a estimé que la mise en _uvre d'une politique d'amortissement par l'ensemble des établissements d'enseignement supérieur représenterait un montant global de 14 milliards de francs (13). Comparant cet ordre de grandeur avec le montant actuel des crédits, il a indiqué qu'« il y a un facteur dix entre les besoins et les dotations accordées ». Consciente de l'ampleur des besoins dans ce domaine, la Mission n'en considère pas moins que la mise en place d'une politique systématique d'amortissements reste nécessaire, au sein de chaque université. Enfin, compte tenu de l'importance des investissements envisagés, elle souhaite que le Parlement soit informé de leur taux d'exécution, chaque année, au moment de la discussion budgétaire. 2.- TOUTE INCERTITUDE SUR LES CONDITIONS D'EXERCICE D'ACTIVITÉS GÉNÉRATRICES DE RESSOURCES DOIT ÊTRE RAPIDEMENT LEVÉE La loi n° 99-587 du 12 juillet 1999 sur l'innovation et la recherche place les universités au c_ur de problématiques nouvelles. Alors que les notions de valorisation de la recherche, de transfert de technologie ou d'incubateurs étaient, encore récemment, peu usitées, elles deviennent désormais de quasi lieux communs dans le positionnement des établissements. Cette loi offre, en particulier, la possibilité aux établissements d'enseignement supérieur de créer des incubateurs, structures d'accueil et d'accompagnement des projets de création d'entreprise, ainsi que des services d'activités industrielles et commerciales (SAIC). Cette dernière possibilité constitue une avancée indéniable qui répond, en partie, à la critique du manque de flexibilité des règles budgétaires, juridiques et comptables des établissements publics et vise à donner aux universités, la maîtrise de leur politique de valorisation. Toutefois, la mise en place effective des SAIC soulève une série d'interrogations, sur lesquelles la Mission d'évaluation et de contrôle souhaite appeler l'attention. a) La mobilisation des universités en faveur des activités de valorisation de la recherche doit être appuyée Les SAIC ne peuvent être efficaces que s'ils disposent d'un personnel qualifié en nombre suffisant. Comme le rappelle un document(14) de la Conférence des présidents d'université (CPU) sur la valorisation, les personnels des SAIC seront, en effet, appelés à intervenir en tant qu'interface avec des partenaires extérieurs tels que les entreprises mais aussi pour la gestion de la recherche partenariale et l'utilisation de ses résultats dans l'industrie ainsi qu'éventuellement, pour la gestion d'un incubateur. Une mobilisation forte des établissements est donc indispensable, qui suppose une claire prise de conscience des implications de la mise en place d'un SAIC. Les compétences exigées ne sont cependant pas disponibles partout tandis que les universités ne sont pas toujours en mesure de s'en doter. La Mission recommande donc de poursuivre les actions d'information et de sensibilisation relatives aux enjeux de la valorisation de la recherche. Elle insiste également sur la nécessité de renforcer les équipes dédiées aux activités de valorisation au sein des universités. b) Une clarification rapide du cadre budgétaire et fiscal est indispensable Les SAIC ont pour vocation de regrouper les activités effectuées par les universités à titre onéreux et supposant une contrepartie financière. Peuvent ainsi y être intégrées les prestations de recherche mais aussi les activités éditoriales ou encore celles liées à la formation continue. Comme le note le mémento précité de la CPU, ces activités ont pour « dénominateur commun (...) la mise en _uvre de relations avec des partenaires extérieurs à l'établissement ». Cependant, si le périmètre des SAIC permet de distinguer nettement les opérations rattachées à l'accomplissement d'une mission de service public de celles à caractère commercial, il suscite des interrogations sur les opérations à la marge de ces deux sphères. C'est le cas notamment de la formation continue qui contribue à la mission de service public des universités en permettant la délivrance de diplômes d'État, tout en se situant aux frontières du secteur concurrentiel. Si elle est actuellement exonérée de TVA, elle est, en revanche, assujettie à l'impôt sur les sociétés et à la taxe professionnelle. Son intégration dans le champ des SAIC aurait pour conséquence son assujettissement aux impôts commerciaux comme le précisent les termes du moratoire décidé par M. Christian Sautter, lors du colloque de Bercy : « Dans l'immédiat et pour tenir compte de l'inadéquation du cadre actuel (...) [j'ai demandé] à mes services d'abandonner toutes les procédures de redressement en cours sous réserve, bien entendu, que les activités industrielles et commerciales de vos établissements soient soumises aux impôts commerciaux dès l'entrée en vigueur de cette loi [loi du 12 juillet 1999 sur l'innovation et la recherche] ». Un groupe de travail a été mis en place sur cette question, réunissant les directions concernées des ministères chargés des finances et de l'enseignement supérieur, qui doit rendre ses conclusions en septembre 2000. Favorable à l'effort de clarification engagé, votre Rapporteur estime cependant que l'intégration de la formation continue dans les SAIC ne s'impose pas dans la mesure où elle joue un plus grand rôle dans le champ du service public de l'enseignement que dans celui de la concurrence et où il importe de mettre en place rapidement un cadre clair pour les activités de valorisation de la recherche. Sur ce dernier point, il paraît plus urgent d'aider les universités à se doter d'outils adaptés pour déterminer les coûts réels de ces activités afin de parvenir à une juste tarification des prestations qu'elles proposent. De plus, des précisions s'avèrent nécessaires sur les règles budgétaires et comptables qui leur sont applicables. M. Pierre-Louis Mariel, adjoint au Directeur général de la comptabilité publique a indiqué à la Mission que la mise en place de SAIC ne nécessite pas une modification du décret du 14 janvier 1994 dans la mesure où leur budget peut être géré dans le cadre d'un budget annexe de l'établissement. Cette possibilité existe déjà pour la gestion des activités de formation continue, pour lesquelles l'ensemble des prévisions de recettes et de dépenses est récapitulé dans « un état présenté en équilibre réel, annexé au budget de l'établissement et soumis à l'approbation du conseil d'administration qui se prononce, par ailleurs, sur le compte financier de la formation continue relatif à l'exercice précédent. » (art. 9 du décret du 18 octobre 1985(15)). Il n'en demeure pas moins que ce cadre doit être clairement fixé, tout en veillant à conserver la souplesse de gestion que le Législateur a souhaité instituer lors de l'adoption de la loi du 12 juillet 1999 ainsi que la marge d'autonomie des établissements dans l'organisation des SAIC. Des précisions complémentaires doivent, par ailleurs, être apportées sur les relations des SAIC avec les unités de recherche au sein des universités. En outre, il paraît souhaitable de favoriser la constitution d'un seul service par établissement afin de préserver la conduite d'une politique d'établissement dans ce domaine et éviter le risque d'un retour aux pratiques antérieures de gestion par chacune des composantes. Il convient, en effet, de ne pas perdre de vue l'un des objectifs de la loi du 12 juillet 1999 qui était de « réintégrer dans le giron de l'université, des gestions actuellement parallèles, dans le cadre d'associations ou de sociétés »(16). Lors de son audition par la Mission, M. Claude Allègre a indiqué que des décrets d'application interviendront sur ces sujets d'ici la fin de l'année 2000. Une parution rapide des décrets d'application de la loi sur l'innovation et la recherche est indispensable afin de clarifier le cadre budgétaire et comptable de la gestion des SAIC ainsi que leur régime fiscal, sans qu'il paraisse nécessaire d'y intégrer la formation continue dispensée par les universités. EXAMEN EN COMMISSION La Commission des finances a examiné, au cours de sa séance du mercredi 3 mai 2000, en application de l'article 145 du Règlement, les conclusions de la Mission d'évaluation et de contrôle (MEC) présentées par M. Alain Claeys sur la modernisation de la gestion des universités. M. Alain Claeys, rapporteur, rappelant que les principales propositions de ce rapport avaient déjà été débattues au sein de la Mission a insisté sur l'esprit dans lequel elles ont été conçues ainsi que sur leur contenu. Il a, tout d'abord, évoqué un premier mouvement de surprise des membres de la Mission qui ont été tentés de conclure, sur le fondement du dernier rapport de la Cour des comptes, à une quasi absence de gestion au sein des universités. Toutefois, l'analyse de la Cour porte sur la période 1994-1997 et les auditions réalisées ont permis de constater une réelle évolution des mentalités et certaines améliorations dans la gestion de ces établissements. Ce constat « en deux étapes » fait l'objet de la première partie du rapport, qui n'élude pas certaines lacunes ou défaillances mais les restitue dans leur contexte. C'est pourquoi, le rapport n'adopte volontairement pas un ton polémique. Il importe, désormais, de s'intéresser aux défis auxquels les universités doivent faire face, qu'il s'agisse des activités de valorisation de la recherche, de la formation continue ou des investissements programmés dans le cadre du plan U3M, qui met en jeu des sommes considérables. Le Rapporteur a donc jugé préférable d'insister sur les principes fondamentaux sur lesquels repose le système français d'enseignement supérieur, l'objectif de la Mission d'évaluation et de contrôle n'étant pas de bouleverser son architecture actuelle mais, au contraire, de la conforter en la modernisant. Contrairement à ses homologues anglo-saxonnes notamment, l'université française participe au service public de l'enseignement. A ce titre, il convient de garantir une égalité de traitement sur l'ensemble du territoire, ce qui n'exclut pas la possibilité de « pôles d'excellence » dans certaines disciplines. En d'autres termes, l'autonomie des universités doit s'inscrire dans le cadre d'une citoyenneté réaffirmée. M. Alain Claeys a suggéré que les propositions du rapport soient adressées au ministère chargé de l'Enseignement supérieur ainsi qu'à la Conférence des présidents d'université, afin de recueillir leur sentiment et demander une évaluation des mesures qui auront été prises en conséquence. Un débat pourra ainsi être engagé au moment de la discussion budgétaire, permettant d'en apprécier la portée. Puis, le Rapporteur a présenté le contenu de ces propositions, qui s'organisent autour de trois idées principales. En premier lieu, il a insisté sur la nécessité de donner aux universités les moyens d'assumer pleinement leur autonomie afin que ces dernières puissent faire preuve d'innovation et répondre aux attentes qu'elles suscitent dans un environnement en rapide mutation. Dans cette perspective, il convient de procéder à une plus large déconcentration des moyens alloués aux universités, au niveau du recrutement de certaines catégories de personnel de l'administration scolaire et universitaire. Il faut également reprendre une suggestion faite dans un précédent rapport sur l'accueil des étudiants étrangers visant à attribuer aux universités un contingent de bourses destinées à cet accueil ainsi que les crédits correspondants. Il importe, ensuite, de favoriser la constitution d'un pôle financier cohérent au sein des universités. A cette fin, le rapport propose de : _ renforcer l'autorité du Président en lui permettant de prétendre à un renouvellement de son mandat et de décider de l'utilisation des réserves de l'établissement dans un système reposant sur la reconnaissance d'un droit de tirage aux différents directeurs de composantes ; _ valoriser la fonction de secrétaire général, selon des modalités décrites dans le rapport ; _ encourager la séparation des fonctions d'agent comptable et de chef des services financiers, compte tenu de la complexité croissante des tâches dans ce domaine. Ces mesures devront s'accompagner d'un effort de formation, tout à fait indispensable pour clarifier les fonctions financières. Enfin, il est nécessaire d'encourager une meilleure utilisation de certains outils de gestion, mal exploités à l'heure actuelle ainsi que leur adaptation, dans le domaine informatique en particulier. En second lieu, M. Alain Claeys a abordé la politique contractuelle entre l'État et les universités qui constitue, selon lui, la contrepartie naturelle d'une autonomie renforcée, ce qui milite en faveur d'une amélioration de son contenu et de son évaluation. D'une part, l'élaboration de la politique contractuelle doit faire appel à des partenaires mieux identifiés et plus diversifiés. S'agissant de la Conférence des Présidents d'université, il est souhaitable qu'elle soit présidée par un ancien président et non par un président en exercice, comme c'est le cas aujourd'hui. Il est également proposé de recourir à davantage d'indicateurs de gestion dans les contrats d'établissement. Le rapport reprend une proposition, formulée par M. Claude Allègre lors de son audition, visant à mettre en place un groupe de travail sur les orientations de la politique contractuelle, qui réunirait des responsables universitaires, des représentants des collectivités locales ainsi que des parlementaires, au niveau national pour commencer. En ce qui concerne l'évaluation, il a recommandé de mieux utiliser les travaux du Comité national d'évaluation, dont les missions mériteraient d'être précisées. De plus, l'Inspection générale de l'administration de l'Éducation nationale, qui dispose d'une forte capacité d'expertise en matière de gestion, pourrait être utilement associée à ce travail tandis que le rôle des rectorats en matière de suivi budgétaire devrait être renforcé, grâce à l'institution d'un vice-chancelier dans les rectorats des grandes villes. Enfin, une évaluation de chacune des vagues successives de contrats, adressée au Parlement, est souhaitable. En troisième lieu, le Rapporteur a insisté sur les nouvelles problématiques auxquelles sont aujourd'hui confrontées les universités, en particulier les activités de valorisation de la recherche ainsi que de la formation continue. Sur ce point, une parution rapide des décrets d'application de la loi sur l'innovation et la recherche est souhaitable pour la mise en place de services d'activités industrielles et commerciales (SAIC) au sein des universités. Pour autant, la formation continue ne doit pas être intégrée dans le champ de ces services, car cela impliquerait qu'elle soit assujettie à la TVA alors qu'elle n'entre pas toujours dans le domaine concurrentiel. Enfin, le lancement du plan de réaménagement universitaire U3M devrait être l'occasion de réaliser un recensement exhaustif du patrimoine immobilier des universités tandis que le Parlement devrait être destinataire, au moment de la discussion des crédits de l'enseignement supérieur, d'un document retraçant le taux d'exécution des investissements programmés dans le cadre des prochains contrats de plan. M. Alain Rodet a demandé des précisions sur le nombre d'universités récemment contrôlées par les chambres régionales des comptes, qui ont entrepris d'harmoniser leur activité dans ce domaine. M. Maurice Adevah-P_uf a souhaité savoir si le principe de séparation de l'ordonnateur et du comptable était appliqué dans l'ensemble des universités et s'il ne convenait pas d'en imposer partout, si nécessaire, le respect. Le Rapporteur a précisé que la séparation entre l'ordonnateur et le comptable était effective dans la moitié des universités, mais qu'il convenait d'en étendre l'application avec pragmatisme, en prenant notamment en compte les moyens respectifs de chaque université. La Commission a autorisé la publication du présent rapport. AUDITIONS Laisser cette page blanche sans numérotation 1.- Auditions de Mme Francine Demichel, Directrice de l'Enseignement supérieur ; de M. Michel Garnier, Directeur de la Programmation et du Développement ; de M. Michel Dellacasagrande, Directeur des Affaires financières du Ministère de l'Éducation nationale, de la Recherche et de la Technologie (Extrait du procès-verbal de la séance du jeudi 27 janvier 2000) Présidence de M. Augustin Bonrepaux, Président. Après avoir rappelé le programme des prochains travaux de la Mission d'évaluation et de contrôle, à savoir successivement la gestion financière des universités, le recouvrement de l'impôt, le fonctionnement du COTOREP et la gestion minière en Nouvelle-Calédonie, le Président indique, qu'à la suite du dernier rapport de la Cour des comptes, la fonction publique pourra également être examinée. Il remercie M. Collinet, Président de la 3ème chambre et M. Duchadeuil, Conseiller-maître à la Cour des comptes de leur présentation des grandes lignes du rapport public sur la gestion financière, budgétaire et comptable des universités. Puis, il accueille Mme Francine Demichel, M. Michel Dellacasagrande et M. Michel Garnier en leur rappelant les règles définies par la mission pour la conduite des auditions : pas d'exposé introductif, échange rapide des questions et des réponses. Il donne ensuite la parole, pour une première question, à M. Alain Claeys, rapporteur spécial des crédits de l'enseignement supérieur. M. Alain Claeys, rapporteur spécial : Je voudrais tout d'abord saluer Mme Demichel qui est Directrice de l'Enseignement Supérieur, MM. Garnier et Dellacasagrande car ils sont au c_ur des problèmes que nous souhaitons aborder sur la question de la gestion des universités. Monsieur le Président, je voudrais brièvement exposer la problématique qui est la nôtre en abordant la gestion financière, budgétaire et comptable des universités. Pourquoi s'intéresser à cette question aujourd'hui ? Comme l'a indiqué le Président de la troisième Chambre, M. Collinet, la Cour des Comptes a rendu une première partie de son travail sur l'autonomie des universités et va le poursuivre sur la politique contractuelle puis sur le personnel. En termes d'actualité, le moment était donc bien choisi. Il y a d'autres raisons et j'en retiendrai trois. La première raison, c'est que le plan U3M est lancé, pour lequel l'État mobilise plus de 18 milliards de francs en faveur des universités après un effort de grande ampleur dans le cadre du précédent schéma U2000. On peut penser que cette somme va doubler avec l'intervention des collectivités locales qui se sont mobilisées très fortement sur U2000 et qui le feront également sur U3M. Quand je dis " collectivités locales ", ce sont aussi bien les régions, les départements que les agglomérations. Il y a ainsi un effort financier sans précédent en termes d'investissement, destiné notamment à rattraper un retard considérable sur Paris et la Région Parisienne. Nous sommes, et je pèse mes mots, y compris en termes de sécurité et d'accueil des étudiants, dans une situation dramatique dans certains établissements de Paris. Je mesure l'effort qui va être engagé dans ce domaine-là. Deuxième élément qui nous a conduits à aborder ce sujet aujourd'hui, ce sont les effectifs étudiants. Jusqu'à une date récente, en effet, l'Université au sens large avait pour objectif prioritaire d'accueillir des flux d'étudiants croissants. Troisième raison : le contexte change. Les universités sont fortement incitées à développer certaines activités de valorisation de la recherche, mais aussi de formation continue. Si ces activités sont génératrices de ressources nouvelles, elles nécessitent également une gestion rigoureuse. La question qui se pose à nous, et qu'a parfaitement présentée la Cour, est donc de savoir comment les universités vont être amenées, demain, à faire face à ces nouvelles évolutions. Si l'on devait résumer l'objectif de la mission qui est la nôtre, je dirais qu'il s'agit de s'assurer de l'utilisation optimale des crédits disponibles. Je considère que cette utilisation optimale n'est pas atteinte aujourd'hui. Si vous l'acceptez, je souhaiterais, Monsieur le Président, que nos questionnements puissent s'articuler autour de trois thèmes. Premier thème : l'autonomie des universités. Est-ce que réellement, aujourd'hui, en termes d'organisation de la fonction financière, de compétence, d'outil de gestion, de gestion du patrimoine, les universités ont les moyens de leur autonomie ? Deuxième thème : l'État, aujourd'hui, a-t-il les moyens de contrôle, d'évaluation de sa politique contractuelle et de sa politique financière vis-à-vis des universités ? Troisième thème, c'est le thème de service public qui est un sujet qu'abordera peut-être ma collègue tout à l'heure concernant les droits d'inscription. J'ai proposé au Président que l'on puisse vous entendre ensemble. Ma première question découle d'une note que M. Dellacasagrande a adressée à la mission qui précise que : "L'identification des rôles respectifs de la Direction de l'Enseignement supérieur et de la Direction des Affaires financières en matière de suivi de la gestion financière des établissements d'enseignement supérieur est parfois délicate." Monsieur le Directeur, j'aimerais savoir quels sont les éléments qui conduisent à considérer que cette gestion est délicate. M. Michel Dellacasagrande : J'ai effectivement précisé cela dans la note que j'ai adressée à la Commission sur les rôles respectifs de la Direction des Affaires financières et de la Direction de l'Enseignement supérieur en matière de suivi budgétaire, financier et comptable. Les textes sur l'organisation du Ministère donnent une compétence à la Direction des Affaires financières pour ce qui concerne la préparation du budget, son exécution et l'interface notamment avec la Direction du Budget à Bercy. Pour ce qui concerne le régime financier et comptable, les choses sont un peu plus compliquées dans la répartition des compétences entre la Direction de l'Enseignement supérieur et la Direction des Affaires financières pour la bonne raison que la Direction de l'Enseignement supérieur est chargée de tout ce qui est l'environnement juridique de l'enseignement supérieur, ce qui couvre de nombreux domaines dont la réglementation financière et comptable. D'un autre côté, la Direction des Affaires financières est chargée du suivi de l'exécution financière et comptable. Ainsi, entre une direction qui est chargée de la mise en _uvre de la réglementation et la direction qui est chargée du suivi, la répartition des compétences respectives de l'une et de l'autre n'est pas toujours d'une grande clarté. Voilà ce que je voulais dire. M. Alain Claeys, rapporteur spécial : Merci, Monsieur le Directeur. On va peut-être entrer dans le vif du sujet sur les moyens d'autonomie. Je voudrais aborder tout d'abord l'organisation de la fonction financière. Dans son rapport, la Cour des Comptes fait le constat d'un émiettement des compétences financières entre le Président d'université, ordonnateur principal, et les responsables des différentes composantes de l'établissement que sont les départements ou les écoles. Cette organisation, qui repose souvent sur des " logiques de propriétaires " de chaque composante - chacun étant maître chez soi- pour ce qui concerne les moyens, peut nuire à la gestion de l'établissement dans son ensemble. Quelle analyse, au niveau de l'administration centrale, faites-vous de cette situation et comment le Ministère est-il conduit à prendre en compte cette réalité, voire à l'influencer dans le cadre de la politique contractuelle ? Mme Francine Demichel : Vous l'avez dit tout à l'heure très justement, on a vécu une période, disons depuis la loi de décentralisation des établissements de 1984, extrêmement difficile où, pour parler de façon un peu brutale, les établissements comme le Ministère et l'État ont été confrontés à la déferlante étudiante. Pendant dix ans, il y a eu en gros entre 400 000 et 450 000 étudiants de plus, selon la date à partir de laquelle on fait partir la comparaison. Qu'ont fait les établissements et qu'a fait l'État ? On a essayé de rattraper ce flux avec des constructions, des postes ; mais, dans les établissements, il faut bien dire que cela s'est traduit fondamentalement par une gestion au jour le jour, une gestion de l'urgence permanente. C'est une des raisons qui explique le décalage entre des textes qui sont des textes de principe - la loi du 26 janvier 1984 - et les véritables textes de mise en _uvre -le décret du 14 janvier 1994. On peut être surpris de ce délai en se demandant comment on a pu mettre dix ans pour mettre en _uvre, au niveau de l'État et en accord avec les établissements, une gestion financière qui soit une gestion normale d'un établissement responsable, mais décentralisé sous le contrôle de l'État. La deuxième explication est qu'il y a quand même un problème de culture. Je pense, bien que je ne sois pas une spécialiste, que l'arsenal juridique existe aujourd'hui. Ce qui manquait, mais qui est en train de s'améliorer car on va, dans le sens de l'amélioration de la gestion, même si ce processus est lent, c'est, au-delà des textes, une culture de gestion. Du côté des établissements, il n'y avait pas une véritable culture de rigueur budgétaire, comptable et financière, les services financiers étant souvent mêlés avec les agents comptables. M. Alain Claeys, rapporteur spécial : Justement, si je peux vous interrompre, même si la loi du 26 janvier 1984 permet à l'agent comptable d'être chef des services financiers, aujourd'hui, vous paraît-il utile qu'il y ait cependant une clarification des fonctions financière, d'une part, et comptable, d'autre part ? Mme Francine Demichel : Elle se fait de plus en plus dans les établissements. C'est peut-être encore insuffisant. M. Alain Claeys, rapporteur spécial : Pouvez-vous évaluer le nombre d'universités où la clarification se réalise ? Mme Francine Demichel : Le processus de distinction est en train de se faire au niveau fonctionnel, même si au niveau organique, parfois, l'agent comptable continue à exercer les deux fonctions. En tout cas, au niveau fonctionnel, la séparation est beaucoup plus nette qu'elle ne l'était il y a quelques années. Pour répondre sur la politique contractuelle, concernant le deuxième retard, l'État avait, pour accompagner ce mouvement, une logique de contrôle, a priori, réglementaire et assez tatillon. On l'a vu pour le décret du 25 janvier 1985, pour le logiciel NABuCo. C'étaient des mécanismes un peu tatillons et uniformisateurs qui se sont heurtés à la politique des établissements. On a pris acte de cela. Le décret de 1994 est beaucoup plus nuancé. C'est pour cette raison que la politique contractuelle me paraît importante. On essaie de compléter une culture administrative de contrôle a priori qui doit exister par une culture d'évaluation, de suivi et d'accompagnement. C'est en cela que la politique contractuelle que vous évoquiez est importante. M. Alain Claeys, rapporteur spécial : Justement, arrêtons-nous sur l'observation que la Cour a formulée concernant les défaillances de l'informatique de gestion. Dans le cadre de la rénovation budgétaire et du décret de 1994, il y a eu le logiciel NABuCo. Quelle était l'implication du Ministère dans la mise en place de ce logiciel ? Quelles sont les évolutions envisagées et avec quel financement ? Comment allez-vous essayer de corriger ces difficultés qui sont quand même notoires ? M. Michel Garnier : Je vais essayer de répondre et Francine Demichel complétera. Avant l'arrivée de NABuCo, la majorité des universités étaient gérées par le logiciel GFC qui ne prenait pas en compte la comptabilité d'engagement, ce qui est pourtant le rôle de l'ordonnateur dont on n'a pas encore parlé. L'objectif de NABuCo, qui est un logiciel élaboré à la suite d'une initiative conjointe des établissements et du Ministère qui s'est traduite par la mise en place logique d'un groupement d'intérêt public, transformé ultérieurement en Agence de modernisation des universités, était de doter les établissements d'un logiciel leur permettant d'assurer réellement les trois fonctions d'ordonnateur, de service financier et d'agent comptable, de maîtriser leur gestion et surtout de pouvoir faire remonter, au niveau central, des éléments partagés permettant d'assurer un certain contrôle. Cette mise en place de NABuCo a été beaucoup critiquée. M. Alain Claeys, rapporteur spécial : Récusez-vous cette idée de défaillance ou considérez-vous qu'il y a eu des défaillances et lesquelles ? Comment les analysez-vous ? M. Michel Garnier : Défaillances sur NABuCo ou avant NABuCo ? M. Alain Claeys, rapporteur spécial : Sur NABuCo. M. Michel Garnier : Le produit a été considéré comme un mauvais produit car peu convivial. J'ai été responsable de l'une des premières universités à mettre NABuCo en place. S'il y a une réelle volonté de paramétrer en vue d'instaurer un véritable contrôle de gestion, NABuCo se prête à l'opération. Il n'est certes pas suffisamment convivial, flexible, mais une université ne doit pas se laisser contrôler par l'informatique, elle doit imposer ses volontés à l'informatique. C'est ce qui n'a pas toujours été fait dans les établissements. M. Alain Claeys, rapporteur spécial : Au-delà de la convivialité, y a-t-il un problème de compétence, de formation pour l'utilisation de NABuCo ? Ce n'est pas uniquement la convivialité ou le manque de convivialité qui ont été à l'origine de défaillances ? Quelle est l'analyse du Ministère sur ce point ? M. Michel Dellacasagrande : Quand quelque chose ne fonctionne pas ou ne fonctionne pas bien, la tentation est forte de dire que la responsabilité en revient à l'informatique. Préalablement au problème de l'informatique, il est clair qu'il n'y avait pas une culture de gestion assez répandue dans le milieu universitaire, que la réglementation demandait à être profondément modifiée, et elle l'a été en 1994, qu'il fallait donner plus de souplesse à la gestion financière et comptable. Que le produit, en l'occurrence, NABuCo, ait posé des problèmes ici ou là, c'est vrai. La mise en place de la réglementation en a aussi posé. Aujourd'hui, NABuCo 1 est implanté dans la plupart des universités. L'Agence de modernisation des universités travaille sur la mise en place d'une nouvelle version, NABuCo 2. Le problème de l'informatique de gestion, - je ne suis pas assez spécialiste dans ce domaine pour dire s'il y a problème ou non - à la base, est plutôt lié à des faiblesses dans notre réglementation. Mme Francine Demichel : Pour compléter, il y a eu un réel problème lié au fait que les personnels n'étaient pas formés à l'informatique de gestion. Comme la mobilité des personnels de l'administration des établissements est très faible, il a fallu mettre en place des plans de formation. C'est assez long et compliqué surtout en matière d'informatique de gestion. De plus, les personnels d'un certain âge ont une réserve, une réticence à l'égard de l'informatique, même si c'est moins le cas aujourd'hui. En conséquence, on a essayé de mettre en place le système en donnant plus d'autonomie aux établissements, notamment en leur proposant des repyramidages de fonction. L'Agence de modernisation a été un élément important dans ce dispositif car elle a permis de lancer un message aux établissements : "Désormais, vous allez vous gérer, vous cogérer collectivement." Ce qui est un autre mode d'approche que le fait de dire : "C'est l'administration centrale qui va regarder directement comment vous allez fonctionner." Là, il y a un progrès objectif, même si toutes les conséquences de cette organisation n'ont pas été tirées, mais on constate que depuis sa mise en place, en 1995, le système de l'informatique de gestion au sens large des établissements s'est amélioré. Les produits -M. le Président Legrand vous le dira mieux que nous- sont qualitativement bien meilleurs car il y a un retour rapide des établissements qui contrôlent leur système. On a essayé de faire un système complet de modernisation de la gestion qui implique beaucoup plus les établissements grâce à l'Agence de modernisation que l'État finance, ainsi que les établissements. Cette agence, cofinancée, constitue un outil dont les Présidents ont une maîtrise beaucoup plus grande que dans le cadre de rapports exclusifs avec des administrations centrales dont on vous disait tout à l'heure que la division interne n'est peut-être pas toujours des plus judicieuses, mais c'est aussi le principe de l'État. M. Augustin Bonrepaux, Président : Je vais donner la parole à Mme le Rapporteur pour avis afin qu'elle puisse poser à son tour une série de questions. Mme Geneviève Perrin-Gaillard, rapporteure pour avis : Merci, Monsieur le Président. Dans le cadre de ma mission de rapporteur pour avis de la commission des Affaires familiales, culturelles et sociales de l'Assemblée nationale, mon travail consiste essentiellement, au regard du budget qui nous est proposé tous les ans, de voir quelle en est la traduction pour les élèves et les personnels des universités. L'année dernière, je m'étais intéressée essentiellement à l'utilisation des nouvelles technologies de l'information et de la communication ; donc, je ne reviendrai pas dessus puisque je voulais, le cas échéant, vous poser une question sur l'utilisation du logiciel NABuCo et ses limites. Nous en avons parlé. Cette année, j'ai été particulièrement sensible à ce que l'on appelle les différences des droits d'inscription qui sont demandés aux étudiants dans les universités : les " frais annexes ", qui sont parfois exigés, laissent penser que les directives données par le Ministère ne sont pas totalement appliquées dans les universités. Ainsi, les étudiants, selon l'université à laquelle ils appartiennent, n'ont pas tout à fait les mêmes dépenses. C'est un problème qui m'apparaît un peu pervers. Je souhaite donc que vous nous donniez des informations concernant ces différences de frais d'inscription. Comment se fait-il que l'on en soit arrivé là ? Quelles sont les possibilités de revenir à une situation normale ? Mme Francine Demichel : Un constat, que vous connaissez mieux que nous, est que les droits d'inscription sont relativement faibles en France par rapport aux autres pays. Actuellement, ils représentent un peu plus d'un milliard de francs, 1,6 milliard de francs exactement. Ils correspondent à 10 % des budgets des établissements, les ressources propres des établissements s'avérant très variables entre une université scientifique très riche où elles peuvent atteindre 40 à 50 % du total et une université pluridisciplinaire à dominante littéraire où elles représentent à peine le tiers. Les ressources propres des établissements sont en définitive très faibles. Évidemment, quand vous avez affaire à une université très peu centralisée dans laquelle vous avez des potentats locaux, - il faut bien dire que les directeurs d'UFR sont souvent des roitelets - dans les antennes délocalisées, ce genre de pratique existe. Le problème est rarement posé au niveau du conseil d'administration. Très souvent, quand des compléments de droits d'inscription sont votés au niveau des conseils d'administration, la procédure est publique et conduit à l'adoption de droits facultatifs qui peuvent faire l'objet d'une demande de remboursement. Les étudiants ont en effet cette possibilité même si, dans la chaîne d'inscription, le droit complémentaire peut leur être demandé. Mais, la difficulté n'est pas là. Les pratiques vont s'harmoniser grâce à la prise de conscience des universités. Le vrai problème auquel on se heurte se situe au niveau des composantes, c'est-à-dire dans les formations professionnalisantes de bonne qualité, notamment les instituts qui demandent des droits complémentaires relativement élevés. Cela nous préoccupe beaucoup. Quand on demande 100 ou 150 francs de plus à un étudiant, c'est scandaleux sur le plan des principes, mais on peut dire que ce n'est pas une somme extraordinaire. En revanche, lorsque, pour s'inscrire dans telle ou telle formation, sous couvert d'avoir des polycopiés ou accès à une prestation particulière, mais en réalité obligatoire dans le cadre du cours, on demande des sommes beaucoup plus importantes, pouvant aller jusqu'à 2 000 ou 2 500 francs parfois, nous sommes interpellés. Face à cette situation, on dispose de deux pouvoirs. Le pouvoir du recteur, mais le problème est que, très souvent il n'est même pas au courant, le président d'université n'était lui-même parfois informé qu'a posteriori, à l'occasion de plaintes des étudiants. Ce problème nous préoccupe : désormais, dans tous les contrats d'établissement, une clause indique aux établissements qu'ils doivent mettre fin à cette pratique. Ainsi, le Président de l'établissement doit, dans le cadre du contrat, c'est-à-dire sur une période de quatre ans, mettre fin impérativement à tous les droits d'inscription illégaux, quels qu'ils soient. Ici et là, cette exigence provoque quelquefois des remous, comme cela a été le cas à l'université Lyon II, mais c'est la politique que l'on espère mener car il est vrai qu'il y a eu des dérives qui tiennent aux structures très différentes des établissements. M. Alain Claeys, rapporteur spécial : Il y a en effet le pouvoir du contrat comme vous le précisez dans la réponse faite à la Cour, où il est écrit noir sur blanc qu'aucun contrat ne sera dorénavant signé si la législation n'est pas respectée. Mme Francine Demichel : C'est un engagement que nous avons pris cette année car c'est un problème qui avait été soulevé. M. Didier Migaud, rapporteur général : Notre sujet est la gestion des universités. Quand on lit le rapport de la Cour des Comptes, on a plutôt envie de parler d'absence de gestion. J'avais envie de réagir par rapport à vos propos de tout à l'heure quand vous parliez de gestion et de contrôle car le sentiment que l'on a à la lecture du rapport de la Cour des Comptes, c'est que les universités sont certes présidées, mais ne sont pas gérées, encore moins administrées et que le contrôle de l'État est complètement défaillant, voire inexistant. Si l'on reprend les observations de la Cour des Comptes, en grossissant à peine le trait, on constate que les budgets sont votés tardivement et ne correspondent pratiquement pas à la réalité. Leur exécution laisse complètement à désirer. Il y a des écarts entre l'exécution et le budget initialement voté. Quant aux comptes financiers, ils ne reflètent pas la situation réelle des établissements. Le bilan ne fournit pas non plus une image fidèle ni de l'état du patrimoine, ni du niveau des réserves. Donc, on prend peur à la lecture de ce rapport. Vous nous parlez de NABuCo, c'est bien, mais comment peut-on faire en sorte que cette culture de gestion que vous avez évoquée puisse un tout petit peu pénétrer dans l'université car, manifestement, elle a l'air d'en être totalement absente ? A partir de ce constat que vous semblez d'une certaine façon un peu partager, comment peut-on faire pour que la gestion de nos universités soit réelle ? Deuxième aspect de ma question, vous avez parlé du contrôle, Madame la Directrice, en décrivant un contrôle tatillon. Or, on a plutôt l'impression qu'il n'y a pas de contrôle l'État ne se fait pas. Pourquoi ne se fait-il pas ? Comment a-t-on pu accepter une absence de gestion aussi éclatante au cours de ces dernières années ? Comment peut-on faire en sorte que le contrôle, sans être tatillon, s'exerce néanmoins ? Au niveau des collectivités locales, nous avons l'habitude de l'autonomie, au nom du principe de libre administration, mais un contrôle s'exerce. Si les collectivités locales étaient gérées comme les universités, cela ferait longtemps que nous serions je ne sais dans quelle situation, mais très certainement interpellés. Donc, il y a là un réel problème. Mes questions peuvent vous sembler brutales, mais le rapport de la Cour des Comptes est d'une certaine façon relativement accablant à la fois au niveau de la gestion de l'université et de l'absence de contrôle de l'État en la matière. M. Jean-Pierre Delalande, co-président : Dans le prolongement de l'interrogation de mon collègue Didier Migaud, je pense qu'on peut se demander s'il n'y a pas un vrai problème de conception des relations entre l'État et les universités. On a dit aux universités qu'elles vont s'autogérer. Très bien, mais comment se peut-on se gérer quand on n'est pas maître de ses finances, de son personnel ? Apparemment, à notre grande surprise, il n'y a pas un plan comptable adapté à la gestion de ces universités. Il faut déjà apprendre comment constituer un budget dans ces conditions, comment le consolider avec toutes les entrées qui ne sont pas forcément connues. Comment peut-on envisager l'avenir en l'absence de plan comptable qui prévoit les amortissements, les dotations en provision et qui permette une gestion sur le long terme d'un équipement ? Je me demande si le fait que vous n'arriviez pas à contrôler la façon dont les choses se passent n'est pas dû au fait que personne ne se sent vraiment investi au niveau des universités, de la responsabilité de l'équilibre financier et de la gestion financière et administrative. Chacun opère donc avec les éléments dont il dispose, sans doute du mieux qu'il peut, mais sans vision d'ensemble. Ne vaut-il pas mieux essayer d'imaginer un dispositif où les universités auraient la maîtrise complète de leur gestion, y compris en termes de personnel, sur la base d'une négociation avec l'État, dans le cadre de plans pluriannuels ? L'État n'intervient ainsi qu'au niveau du contrôle des règles essentielles, applicables sur l'ensemble du territoire. Il me semble que, dans cette hypothèse, vous auriez de vrais Présidents, un vrai conseil d'administration et une vraie gestion. On s'interroge aussi sur les possibilités qu'ont les secrétaires généraux des universités d'apporter un appui administratif, technique et financier aux Présidents, mais cela nécessiterait une redéfinition complète des relations entre l'État et les universités. Cela vous paraît-il une voie envisageable ? Avez-vous le sentiment que votre bonne Maison y est prête ? Est-ce une voie que nous pouvons approfondir ? M. Alain Claeys, rapporteur spécial : L'intervention du rapporteur général et de mon collègue Delalande sur les règles financières entre l'État et les universités, fait apparaître que l'autonomie des universités, au-delà des problèmes de compétence ou d'outil de gestion, est limitée par la prépondérance des crédits d'État. A cet égard, pouvez-vous nous dire très précisément quelle est la répartition entre la dotation globalisée, la dotation allouée dans le cadre de la politique contractuelle et ce que l'on appelle les dotations spécifiques afin que l'on y voit parfaitement clair ? Pensez-vous que, dans le cadre de la stabilisation des effectifs étudiants, on aura une modification de cette répartition et comment ? Appréciez-vous cette évolution au niveau de cette répartition ? Deux autres questions qui prolongent celles-ci. M. Augustin Bonrepaux, Président : On a encore une heure d'audition. Vous aurez le loisir de poser d'autres questions plus précises, plus spécifiques. Aussi, je vais donner la parole pour une première réponse. M. Michel Dellacasagrande : Dans la réponse adressée par le Ministère et la Cour des Comptes, nous soulignons que, globalement, nous partageons l'analyse qui a été faite par la Cour. Je voudrais compléter par un certain nombre de remarques. S'agissant du vote tardif des budgets, il était effectivement rare que le vote d'un budget intervienne au début de l'exercice, mais ce n'est pas le cas aujourd'hui. D'après les informations que nous avons obtenues auprès des universités, il apparaît que la quasi-totalité des universités auront voté leur budget ou ont voté leur budget avant le début de l'exercice 2000. Sur le problème de la sincérité du budget, toute une série de dépenses n'est pas retracée dans le budget des établissements d'enseignement supérieur et notamment les dépenses de personnel puisque ces dépenses figurent sur le budget de l'État. La réglementation prévoit qu'il doit y avoir une annexe au budget de l'établissement retraçant les moyens en personnel alloués aux universités par l'État, mais il est vrai, et ce n'est pas normal, que l'intégralité de la dépense liée au personnel, inscrite sur le budget de l'État n'est pas reprise dans le budget des universités. M. Jean-Pierre Delalande, co-président : Reconnaissez que ce n'est pas très responsabilisant que de demander, par exemple, un poste de chercheur ou d'enseignant supplémentaire si l'on ne connaît pas le coût qu'il représente pour la collectivité. On est dans une logique de requête et non de responsabilité. Ne doit-on pas imaginer un dispositif qui permette d'introduire plus de responsabilisation ? M. Michel Dellacasagrande : J'ai dit que ce n'était pas dans le budget, pour autant, tout le monde aussi bien dans les universités qu'au niveau de l'administration centrale, connaît très bien la manière dont sont répartis les emplois et leur utilisation. S'agissant de la politique d'amortissement, c'est un sujet plus compliqué qu'il n'y paraît. En bonne logique, il devrait y avoir une dotation aux amortissements. Mais quand une partie importante des investissements des établissements d'enseignement supérieur est réalisée sur crédits d'État, le problème de l'amortissement se pose dans des termes différents par rapport à une situation où ces investissements sont faits sur ressources propres des universités. Une réflexion est engagée sur ce thème au sein de l'administration centrale, grâce à la constitution d'un groupe de travail qui comprend les trois Directions ici représentées. Nous aurons ensuite des discussions avec la Direction de la Comptabilité Publique notamment sur ce problème, moins simple qu'il n'y paraît si l'on ne souhaite pas se limiter à faire de l'amortissement pour ordre. M. Alain Claeys, rapporteur spécial : Ce problème ne se pose pas qu'au niveau de l'université. Quand l'État décide d'investir comme il le fait à travers le plan U3M, et il a raison, il doit également se poser la question de l'amortissement. M. Michel Dellacasagrande : C'est un problème général. Michel Garnier répondra là-dessus. Dans les termes où vous le posez, c'est plus un problème posé à l'État ou c'est au moins autant un problème posé à l'État qu'à l'université. M. Jean-Pierre Delalande, co-président : Pas forcément. Si les crédits sont déconcentrés, l'université aura une vision de son avenir. Elle pourra notamment organiser l'entretien de ses bâtiments. Tout ce qui a été fait en matière de décentralisation a conduit une réelle amélioration en permettant une meilleure lisibilité et une plus grande maîtrise des décisions. M. Michel Dellacasagrande : Je n'ai probablement pas été assez clair. Je ne dis pas qu'il ne faut pas avoir de politique d'amortissement. Je disais que la traduction comptable dans le bilan des universités est quelque chose d'un peu plus complexe, mais, bien entendu, il faut avoir une connaissance de l'amortissement, des coûts de renouvellement des équipements ou des coûts de maintenance. Je ne contestais pas le principe de l'amortissement, mais se pose le problème de sa traduction comptable. M. Jean-Jacques Jegou : Je souhaite revenir sur ce qui a été demandé à M. Dellacasagrande et ne semble pas obtenir de réponse pour le moment. Il faudrait nous dire ce que l'État a déconcentré, afin de savoir si les Présidents d'université ont la responsabilité en nature budgétaire de réaliser des amortissements de manière, comme le précise d'ailleurs la Cour des Comptes, à prévoir l'entretien ou la construction des bâtiments. Il ne faut pas s'en sortir, pardonnez-moi puisque, ici, nous avons l'habitude d'avoir des réflexions directes, en disant que c'est complexe. Cela nous renvoie un peu dans nos buts et ne répond pas à la question. Nous avons le sentiment depuis ce matin, que nous ne sommes pas vraiment dans un État de droit. Le Rapporteur général a rappelé que, les collectivités locales, ont du passer du plan M12 au plan M14, elles ont été soumises au contrôle de légalité. Pour l'instant, j'ai du mal à saisir s'il y a un contrôle de légalité concernant les décisions des Présidents d'université. Pouvons-nous savoir s'il est oui ou non de la responsabilité des Présidents d'université, dans le cadre de la présentation de leur budget, dont on sait qu'elle est parfois sujette à caution, de prévoir une dotation aux amortissements ? Il ne s'agit pas de dire qu'il s'agit d'une règle de comptabilité publique. Pour l'instant, est-ce dans le cadre de la loi ? M. Michel Garnier : Je ne peux pas répondre sur le cadre législatif - je laisserai Michel Dellacasagrande intervenir sur ce point, mais je voudrais, en tant que responsable de l'ensemble du patrimoine immobilier des universités, vous préciser quelle est notre politique. Lorsque nous construisons un mètre carré universitaire, il nous coûte environ 10 000 francs. Si on l'amortit sur 30 ans, je dois prévoir 300 francs d'amortissement par an. Par ailleurs, je l'équipe avec environ 3 000 francs d'équipements par mètre carré que j'amortis sur cinq ans. Je dois donc prévoir 600 francs d'amortissement des équipements. Il faut donc, chaque an, que je prévois grossièrement 1 000 francs d'amortissement pour le mètre carré construit. Il y a 14 millions de mètres carrés de bâtiments universitaires. Il faudrait donc que nous affections, en dotation aux amortissements, 14 milliards de francs pour donner simplement un ordre de grandeur. Actuellement, notre Direction gère certes le plan U3M et les constructions, nous y reviendrons certainement, mais aussi l'intégralité de la dotation de maintenance et de sécurité allouées aux établissements pour leur permettre de maintenir l'état de leur patrimoine. L'ensemble de ces deux enveloppes représente environ 1,2 milliard de francs par an, montant qu'il convient de comparer à la somme de 14 milliards de francs qui serait nécessaire. Que faisons-nous dans les contrats ? Dans le cadre d'un nouveau plan de sécurité, nous avons demandé aux établissements avant de contractualiser de nous remonter, d'ici fin mars, un schéma directeur de mise en sécurité, validé par leurs ingénieurs sécurité et les commissions de sécurité pour que nous sachions où nous allons. Ensuite, nous contractualiserons une dotation de mise en sécurité en fonction de nos moyens et, dans le contrat, il sera précisé que la dotation " maintenance " allouée doit permettre de conserver les avis positifs formulés par les Commissions de Sécurité. Donc, nous nous engageons, par le plan de sécurité, à lever les avis négatifs et, par la dotation maintenance, les universités s'engagent à les maintenir positifs. Mais, il est clair qu'avec les dotations qu'on leur donne, on ne peut pas leur demander de faire les amortissements et la reconstruction éventuelle. Il y a un facteur dix entre les besoins et les dotations accordées. M. Alain Claeys, rapporteur spécial : Sur ce patrimoine immobilier, je voudrais bien comprendre deux choses. Comment ce patrimoine est intégré dans les comptes financiers des universités ? Sur quels éléments s'appuient les décisions d'investissement prises dans le cadre des contrats passés avec les universités ou dans le cadre de U3M ? Mme Francine Demichel : Cela dépend des établissements. Depuis deux ans, on essaie de faire une politique contractuelle qui intègre tous ces éléments. Quand on fait le bilan d'un établissement, quand on lui demande son bilan et quand on constate que c'est insuffisamment intégré ou incomplètement intégré, on demande que ce soit intégré. Mais je ne peux pas vous dire qu'aujourd'hui, dans toutes les universités, ce soit fait. Le constat que vous faites est assez pessimiste. Je suis plus optimiste que vous car, pendant dix ans, on ne s'est pas préoccupé de ces problèmes-là. Pendant des années, il n'y a pas eu de construction universitaire. On a laissé les universités gérer. Aujourd'hui, on est tente d'assurer une gestion correcte dans le cadre des constructions qui ont été réalisées, en intégrant les problèmes d'amortissement. J'ai été Présidente d'une université. Il a fallu qu'il y ait une commission du budget avec des gens compétents qui me disent que l'on a des problèmes d'amortissement des bâtiments, des équipements. Vous savez bien que le seul amortissement qui a réellement été fait de façon régulière, c'est la recherche. L'université française - dont vous le disiez très justement, la gestion n'est pas une préoccupation principale - a été construite autour de la recherche, autour de l'enseignant-chercheur. La priorité symbolique, c'est la recherche, ce qui n'est pas sans conséquence sur la gestion quotidienne. Tout ce qui a trait aux crédits de recherche, aux laboratoires de recherche et aux équipements de recherche, a été traité correctement sur le plan budgétaire. Les Présidents ont eu longtemps un rôle symbolique non un rôle de gestion. Une nouvelle génération de Présidents essaie de prendre en compte les problèmes de gestion, et dans un cadre unifié. L'avantage du contrat, - vous me direz que c'est un discours généraliste, sans doute - c'est que l'on essaie d'avoir une vision globale de l'université. Le contrat permet au Président de l'université de dire : « Voilà mes priorités dans les quatre ans à venir. Voilà les amortissements qu'il faudra que je fasse. Voilà le pourcentage de crédits que je compte réserver à cela. » Pendant très longtemps, la gestion a été abandonnée. D'ailleurs, on le voyait bien quand on allait dans les universités : les problèmes de constructions et d'entretien étaient des problèmes secondaires. Il me semble que l'on est en train de remédier à cette situation, traditionnelle dans le système universitaire, parce que l'université n'était pas une université de masse. Pour vous répondre sous l'angle de la politique générale, il y a une volonté très forte des usagers de l'université, des étudiants, d'un certain nombre de syndicats et aussi du Gouvernement de disposer d'un service public national. Quand vous dites qu'il faut laisser les établissements se gérer, si j'ai bien compris, avec une forte autonomie dans le cadre du contrat quadriennal, il faut quand même que vous sachiez qu'il y a des établissements riches qui s'en tireraient très bien dans la mesure où ils bénéficient de bons contrats de recherche et que leurs ressources propres (formation continue, valorisation de transfert) sont en voie de développement. Il y a des établissements qui vont devenir de plus en plus riches. Mais vous avez aussi un lot d'établissements que le service public de l'État - c'est un problème d'égalité devant le service public - est obligé de prendre en compte. On a une obligation, chaque année, de regarder un peu ce qui se passe, de mettre des moyens en enseignants, en IATOS, de les aider d'une façon ou d'une autre. Ce sont ces établissements qui ont une mauvaise gestion financière et budgétaire. Ce sont ceux-là qui nous posent le plus de problèmes. Ce ne sont pas les établissements riches. Les établissements riches ont appliqué les règles. Quand on leur demande un état des lieux précis, ils le font. Les grandes universités scientifiques ont une gestion à peu près transparente. On sait très bien comment elles fonctionnent, même si on ne leur demande pas de rendre des comptes au jour le jour. En revanche, un certain nombre d'établissements sont en grande difficulté encore aujourd'hui. Ce sont les établissements pluridisciplinaires, les universités nouvelles qui démarrent, les universités en sciences humaines et sociales dont on sait très bien que, si l'État ne fait pas un effort considérable en leur faveur, ils ne fonctionneront pas. Il est vrai que là-dessus nous n'allons pas -je parle de ma Direction- leur mettre concrètement le couteau sur la gorge en leur disant : "Si votre gestion financière et comptable n'est pas complètement régulière, l'année prochaine, on va vous baisser votre dotation globale de fonctionnement. Vous ne voulez pas appliquer les règles budgétaires et comptables, on va vous baisser votre dotation globale de fonctionnement." Après, on a des étudiants qui ne peuvent pas avoir de cours. Il y a un problème. C'est un système complexe car il doit fonctionner sur une double logique. Ce n'est pas une logique d'autonomie totale comme dans certains autres pays où chaque établissement fait face, mais, en même temps, fixe librement le montant des droits d'inscription. Il y a une logique d'autonomie des établissements que l'on souhaite développer, mais, dans le même temps, on souhaite qu'il y ait un cadrage national et que l'État continue d'exercer ses responsabilités par rapport à des établissements qui sont encore en situation difficile. Je n'ai pas répondu à votre question sur le plan technique. M. Michel Garnier : Je vais essayer de répondre dans mon domaine de compétence sur le plan technique. Il est clair que les comptes financiers ne me permettent pas de retracer l'effort d'investissement des établissements pour l'amortissement de leur patrimoine. C'est le but du groupe de travail, que j'ai mis en place avec les trois Directions, que d'y parvenir. Nous souhaitons, par la contractualisation, que les universités ne nous remontent pas simplement un compte financier ésotérique que les Présidents d'université ne savent souvent pas lire, - j'ai été Président d'université, je m'accuse donc moi-même en disant cela - mais un compte financier de gestion nous permettant d'être capables de mesurer réellement l'effort des établissements dans les domaines que nous voulons surveiller après la contractualisation. Le décret de 1994 le permet puisque les conseils d'administration doivent définir les rubriques et les destinations pour l'établissement du budget de gestion. Nous souhaiterions aussi établir un corpus partagé de rubriques. Ce groupe de travail va les établir. Ensuite, on les proposera aux établissements et ce sera dans le cadre d'un contrat qu'ils accepteront de faire voter ces destinations par leur conseil. Il restera à compléter cet ensemble par un réel compte de bilan des universités car les comptes financiers ne retracent pas ce qui est réellement disponible dans les universités. Nous nous attelons aussi à ce sujet. M. Augustin Bonrepaux, Président : Vous avez demandé la parole, puis M. Jérôme Cahuzac. Ensuite, je demanderai au Rapporteur spécial de poser une autre série de questions. M. Gilles Carrez : Je vais peut-être prendre le relais de ce que disait Mme Francine Demichel. C'est tout à fait exact qu'il faut rechercher une meilleure gestion comptable, financière, une plus grande rigueur, mais certains établissements, je vais prendre l'exemple de Paris XII-Val de Marne, sont aujourd'hui confrontés à des problèmes d'extension de locaux absolument considérables. Une université qui doit accueillir entre 30 000 et 40 000 étudiants avec un demi mètre carré de surface par étudiant est un programme immobilier gigantesque à mettre en _uvre. Lorsqu'on essaie de regarder comment peut être mis en _uvre ce programme immobilier, on est absolument effrayé par la complexité des montages juridiques et financiers qui ne peuvent que générer des retards, des sous-consommations de crédit et, à terme, des surcoûts. Pour le foncier et la maîtrise foncière, l'université est obligée de procéder à une sorte de mise aux enchères car elle bénéficie de terrains qui sont propriétés, en général, des communes. Quand la commune, en l'occurrence Saint-Maur, n'est pas capable d'apporter le foncier suffisant, on va taper à la porte de Créteil. Les problèmes se posent un peu de cette manière et on s'interroge sur la cohérence de l'ensemble. Quand on passe au financement de l'immobilier proprement dit, on arrive à un véritable patchwork des maîtrises d'ouvrage car il n'y a pas suffisamment de financements émanant de l'État lui-même. On découpe. Comment procède-t-on ? Tout ce qui est école, individualisable ira plutôt à la Région. Ainsi, la Bibliothèque ira à la Région. D'autant qu'il y a pour des collectivités locales qui sont sollicitées, d'une part, un souci d'affichage et on les comprend, elles souhaitent que leur effort soit visible, et, d'autre part, l'éternel problème fiscal que l'on connaît bien de la non-récupération de la TVA sur les fonds de concours. Donc, chacun veut avoir son unité. On découpe. La région prend telle ou telle unité, le département prendra plutôt les départements d'IUT, l'État prendra plutôt ce qui est faculté elle-même ou laboratoire de recherche et on arrive à une collection de maîtrises d'ouvrage, à une sorte de puzzle qu'il va falloir coordonner dans le temps. Quand, de surcroît, l'université elle-même est prête à mettre un peu d'argent sur ces fonds propres, voire à emprunter, elle doit attendre pendant des années pour obtenir une autorisation de Bercy d'emprunter qu'à ma connaissance, elle n'obtient pas toujours. Je me mets à la place du Président ou de la Présidente, en l'occurrence, de l'université. Il est extraordinairement difficile de gérer des programmes qui vont se dérouler dans de telles conditions. Lorsqu'il va s'agir de passer concrètement, je le lui disais récemment, à l'application - car nous, élus locaux, on en a l'expérience, des procédures du code des marchés publics - je ne sais pas du tout comment elle va s'en sortir. Je n'ai pas de solution. Je me tourne vers vous. Comment pourrait-on simplifier ces différentes procédures pour se donner un maximum de garanties que des montages aussi complexes ne donnent pas lieu à des retards, à des reports, à des désaccords car on sait bien qu'il est très difficile de coordonner ces différentes maîtrises d'ouvrage ? C'est un peu l'inquiétude dont je voulais vous faire part en prenant cet exemple de Paris XII. M. Michel Garnier : En reprenant l'exemple de Paris XII, que je connais très bien, je vais essayer de vous donner deux éléments de réponse. Le premier est que nous préférerions que les contrats de plan U3M et U2000 soient négociés globalement et qu'ensuite on ait une maîtrise d'ouvrage unique pour une opération unique. Mais, ce n'est pas notre faute. Je négociais encore hier le contrat de plan Ile-de-France. Les collectivités veulent voir leurs sommes identifiées sur tel projet au lieu de dire que l'État et les collectivités se mettent globalement autour d'une table, mettent 8 milliards de francs dans le pot pour le plan U3M. On veut réaliser telle opération et telle opération sera réalisée entièrement par l'État, telle opération sera réalisée entièrement par la collectivité. Ce ne sera pas encore le cas et cela ne relève vraiment pas de nous. Pour l'Ile-de-France, il y aura une liste d'opérations et une globalisation des enveloppes de l'État. Je voudrais répondre sur un deuxième point. M. Gilles Carrez : Cela impliquerait la récupération de la TVA. M. Michel Garnier : Oui, il y a la récupération de la TVA et, dès à présent, nous allons appliquer totalement les décrets concernant les crédits de catégorie 2. Jusqu'ici, les crédits de construction étaient délégués aux Préfets, mais les crédits d'équipement restaient au niveau de l'État, en catégorie 1. Nous allons, dans le cadre du plan U3M, mettre les crédits équipements de l'État en catégorie 2 de sorte que, lorsqu'une collectivité construira et équipera, elle récupérera aussi la TVA sur les équipements. Ce qui permettra peut-être d'aider un petit peu. Je voulais avancer plus loin sur Paris XII Saint-Maur. C'est un excellent exemple qui permet d'apprécier là où une avancée est possible. Que l'on ne me dise pas, car on va me le dire encore en fin d'année, surtout en première année de contrat de plan : "Vous avez tant d'autorisations de programme qui ont été déléguées, mais qui ne servent à rien, ou de crédits de paiement délégués qui ne servent à rien." Hélène Lamicq, Présidente de l'université de Saint-Maur, m'a demandé de venir à une réunion à la Préfecture de Créteil il y a deux ans pour la construction de la Faculté de sciences économiques. Elle ne pouvait pas signer ces marchés car nous étalions les autorisations de programme sur deux ans et le contrôleur financier voulait que toutes les autorisations de programme aient été déléguées pour permettre la signature du marché. Nous sommes dans le cadre d'un programme pluriannuel d'investissement et on nous demande de le mettre en _uvre sur des autorisations de programme annuelles. Il est clair que, si nous nous permettions dans le cadre de la pluriannualité des crédits du plan U3M de dire que nous déléguerons les autorisations de programme et les crédits de paiement au moment où il y en a besoin, je lancerais deux fois plus d'opérations la même année et j'aurais deux fois plus de satisfaits, mais cela ne dépend pas de moi mais de la réglementation telle qu'elle est. M. Michel Dellacasagrande : Dans le cas particulier des autorisations d'emprunter, il faut rappeler que ces autorisations remontent à la Direction du Budget après discussion au niveau local, puis des services centraux. S'agissant plus précisément des universités, leurs demandes d'emprunt sont peu nombreuses. Sur les trois dernières années, il y a eu quatre demandes d'emprunt dont trois ont été acceptées et une, celle de Paris XII, refusée, mais la réponse est connue. M. Jérôme Cahuzac : Je voudrais aborder deux sujets qui viennent d'être évoqués relativement brièvement. En premier lieu, peut-on désormais considérer comme réglés les problèmes d'imposition à l'impôt sur les sociétés et à la taxe d'apprentissage des universités ? Autrement dit, les instructions du Ministre du Budget telles qu'elles ont été données à la fin de l'année dernière ont-elles été suivies d'effet ? Les différents contentieux peuvent-ils être considérés comme apurés entre les différentes universités et la Direction du Budget ? De la même manière, cela vient d'être évoqué, les problèmes de TVA et de récupération sont-ils désormais des problèmes que l'on peut considérer comme réglés puisque des règles de proratisation semblent avoir été mises en place facilitant en l'espèce le travail des Présidents d'établissement ? Le deuxième sujet concerne les reports. Vous y avez fait d'une certaine façon allusion. Estimez-vous que l'on va constater une diminution du nombre de décisions modificatives entre un budget primitif et le compte financier tel qu'il peut être approuvé ? La Cour relève qu'à l'université de Reims, en 1994, une vingtaine de décisions modificatives ont pu être prises. Si les règles ont été assouplies et évitent ainsi d'imposer aux Présidents d'université autant de décisions modificatives, peut-on espérer une plus grande cohérence entre le budget primitif et le compte financier tel qu'il est approuvé et surtout, que comptez-vous faire pour qu'entre le compte financier tel qu'il est approuvé et la dernière décision modificative, on ne constate pas des écarts considérables qui génèrent à leur tour des reports qui altèrent par voie de conséquence le principe d'annualité du budget ? Dès lors, pourrait-on espérer que la faible consommation des crédits gérés de façon très décentralisée diminuer ? M. Michel Dellacasagrande : Sur le problème de l'impôt sur les sociétés, il est aujourd'hui réglé : les universités, qui avaient fait l'objet de mise en demeure des services fiscaux pour ne pas avoir payé cet impôt, n'auront pas à le payer. Cela, c'est pour le passé. En revanche, les Services d'activités industrielles et commerciales (SAIC) - créés par la loi du 12 juillet 1999 sur l'innovation et la recherche - qui devront retracer toutes les opérations de nature commerciale conduites par les universités seront assujettis à l'impôt sur les sociétés. S'agissant de la TVA, le problème est aussi lié à la mise en place des SAIC, c'est-à-dire que toutes les activités assujetties à la TVA passeront nécessairement par les SAIC. Toutes les activités hors SAIC ne seront pas assujetties à la TVA. Le problème de la taxe d'apprentissage est encore en discussion avec la Direction Générale des Impôts. Nous attendons sa réponse sur ce point. M. Jérôme Cahuzac : Et sur les reports ? Mme Francine Demichel : On va avoir - les deux ou trois années précédentes et l'an 2000 le montreront - des décisions budgétaires modificatives (DBM) beaucoup moins nombreuses. Certaines universités commettent des abus, mais on s'achemine vers des décisions budgétaires rectificatives beaucoup moins nombreuses. Le Ministre a alerté les recteurs en leur demandant notamment d'être présents dans les conseils d'administration. Vous savez qu'ils sont juridiquement présents, mais très souvent représentés. On constate que la présence du recteur ou d'une personnalité importante du rectorat permet d'éviter, au moment des discussions budgétaires, des dérives de ce genre. En conséquence, il a demandé aux recteurs d'être présents et d'assurer réellement ce contrôle au niveau des DBM pour donner une plus grande sincérité aux discussions budgétaires. Les universités ont tendance, dans les conseils d'administration, à discuter de problèmes de boutique, de contenu et non de problèmes de régularité ou de régulation budgétaire. On s'oriente nettement vers une amélioration. Ce n'est pas un discours de circonstance, c'est réel. Sur les reports, on doit faire respecter davantage l'annualité budgétaire. Je vais prendre un exemple pour vous montrer qu'il y a une partie de ce que l'on appelle les fonds de réserve qui ne peuvent pas être utilisés ni comme du budget virtuel, ni être redéployés par le conseil d'administration. Ce sont de fausses disponibilités. On vous l'a dit pour les constructions. Quand un établissement est maître d'ouvrage, il dispose de crédits importants, qu'il utilise avec beaucoup de retard. En matière de recherche, les crédits des établissements, je ne parle pas simplement des crédits publics, mais des crédits qui viennent des contrats ou des collectivités ou d'autres partenaires, sont en général versés en avril ou mai dans les établissements, guère avant. Que va faire le laboratoire de recherche ? En juin, les enseignants font passer les examens Ils ont ensuite une courte période libre en juillet, puis en septembre, il y a les examens. Ils commencent donc à se préoccuper de leurs dépenses de recherche en octobre. Le 5 décembre, on arrête les dépenses. On fait les comptes. Quelquefois, cela dure jusqu'au mois de février. Ainsi, vous avez des reports. Dans un certain nombre de cas, ce sont des reports systématiques compte tenu du décalage entre le rythme annuel de la recherche et le rythme budgétaire. C'est absolument inévitable. Même si les laboratoires sont rapides, mêmes si les enseignants s'en préoccupent, même s'ils ont des personnels qui sont aujourd'hui affectés à cette question-là, vous avez automatiquement, compte tenu du décalage de ces deux rythmes, des reports. Dans certains établissements, vous pouvez avoir des reports beaucoup plus importants. On considère qu'en termes de réserves, trois mois d'avances permettent un fonctionnement satisfaisant. Cela nous paraît correct. Au-delà, on regarde un peu. Il y a nécessairement des reports en raison de ces décalages. Les enseignants chercheurs font leur cagnotte. Ils vont faire un colloque dans deux ou trois ans. Ils disposent de 150.000 francs de financement par an et constituent leur cagnotte dans cette perspective. Cette cagnotte-là, si vous avez un Président autoritaire qui dit : "Je remets les comptes à zéro et chaque année on refait l'annualité budgétaire et on récupère", peut-être que la première année il récupérera, mais l'année suivante, que feront-ils ? Ils dépenseront. Vous aurez un surcroît de dépenses avec parfois des dépenses qui ne seront absolument pas justifiées. Tandis que si on leur permet de gérer leur contrat recherche sur plusieurs années, c'est une meilleure gestion. C'était un exemple. Incontestablement, on doit faire progresser l'annualité budgétaire, on en est bien conscient, mais on ne parviendra pas à un système proche de celui existant dans toutes les autres structures décentralisées qui respectent complètement l'annualité budgétaire pour ces raisons. Une gestion pluriannuelle est nécessaire et il y a de l'anticipation dans un certain nombre de domaines. M. Michel Garnier : Je voudrais faire un petit complément sur cette notion de réserve. Mme Francine Demichel a bien décrit le phénomène " recherche ", mais j'y ajouterai un point. Lorsque nous avons des subventions des collectivités, notamment du Conseil Régional Ile-de-France avec les projets SESAME, c'est souvent pour des dotations d'investissement. Lorsque l'argent arrive au mois de mai et que nous signons un marché au mois de juin, si tous les appels d'offres ont été lancés avant, le matériel n'est pas livré avant l'année suivante, et les crédits sont reportés. Il faut distinguer dans les réserves - et c'est l'un des buts d'un groupe de travail, cela me paraît très important, et je vais vous en dire la finalité ultime - le disponible financier et le disponible utilisable dans les universités. Quand vous gérez votre compte en banque, c'est la même chose. C'est une notion que j'avais introduite lorsque j'étais Président de Paris VI et on voyait de grosses différences car il y a des engagements non soldés en fin d'année. Par exemple, l'Université de Versailles-St-Quentin, dans les bilans qui ont été faits, était taxée dans son compte financier de 1995, de 1 400 jours de fonctionnement en trésorerie alors qu'elle n'existait que depuis trois ans d'existence. Elle aurait eu cinq ans d'avance après trois ans d'existence. On peut se poser la question. Fin 1994, on nous avait versé 140 millions de francs de crédits de paiement pour des opérations de maîtrise d'ouvrage conduites sous la responsabilité de l'université. Le temps que ce soit dépensé, livré, c'était automatiquement en report. C'est pour ceci que je souhaite un compte de bilan pour connaître réellement les disponibilités des universités et les mobiliser pour abonder un franc pour un franc dans le plan de sécurité que l'on démarre au cours de la vague 2000 de contractualisation. Mais, on ne doit pas mobiliser de l'argent qui n'existe pas. M. Alain Claeys, rapporteur spécial : J'aurais quatre ou cinq questions, trois pour prolonger ce qu'a dit Mme Francine Demichel sur les ressources financières et peut-être deux sur les moyens de contrôle du contrat. Sur les réserves des universités, j'ai bien compris et je retiens votre explication. Toutefois, vous avancez un chiffre de 6 milliards de réserve à la clôture de l'exercice 1998, soit une augmentation de près de 10 % par rapport à 1997. De quelle manière obtenez-vous ce montant en tenant compte des distinctions que vous faites ? Quelle analyse faites-vous de ce montant des réserves ? Ensuite, sur les réserves, je reviendrai sur une proposition que l'Inspection générale de l'Éducation nationale (IGAEN) avait faite en 1995 sur la mutualisation des réserves et la mise en place de droits de tirage qui permettent aux Présidents d'université de gérer et d'accorder ces droits aux différents éléments de l'université, en fonction de priorités clairement affichées. J'aborderai ensuite un sujet qui est d'actualité, à savoir les activités de valorisation que les universités sont désormais appelées à développer. M. Michel Dellacasagrande : Le chiffre que vous évoquez de 6,1 milliards de francs a été établi au 31 décembre 1997et représente, au vu des comptes financiers de l'année 1997, le fonds de roulement cumulé de tous les établissements d'enseignement supérieur. Fonds de roulement ne signifie pas que le montant correspondant soit nécessairement disponible à cette hauteur pour réaliser des opérations. Cela ne traduit pas une réserve à cette hauteur. Il convient de se méfier des raisonnements globaux compte tenu des pratiques différentes selon les universités, selon qu'elles font ou qu'elles ne font pas de l'amortissement. Pour une meilleure appréciation des réserves, l'analyse doit se faire établissement par établissement. La négociation du contrat est une occasion de discuter avec chaque université du niveau de ses réserves. On ne peut pas poser de règle générale applicable à chaque université. S'agissant de ce montant de 6,1 milliards de francs, qui était effectivement en augmentation de 500 millions de francs par rapport à 1996, pour avoir une idée de ce qui est réellement disponible, il faut enlever de ces 6 milliards de francs ce qui constitue le besoin normal en fonds de roulement. La comptabilité publique estime que ce besoin doit correspondre à trente jours de fonctionnement tandis que l'Inspection générale de l'administration de l'Éducation Nationale considère qu'il doit s'établir à trois mois. Si l'on part de la base de trois mois, on doit retenir un montant de 2 milliards de francs puisque, aujourd'hui, les 6 milliards de francs représentent en moyenne 227 ou 228 jours de disponibilité. Donc, il faut enlever ces 2 milliards de francs qui correspondent au besoin en fonds de roulement. Ensuite, il faut enlever ce qui correspond à des reports de charges. Lorsque des crédits ont été engagés mais n'ont pas été mandatés, ce sont, de toute façon, des charges à venir qu'il faudra, en tout état de cause, payer. Ces reports ne peuvent être analysés - et c'est un vrai problème - qu'établissement d'enseignement supérieur par établissement d'enseignement supérieur. Et puis, il faut retirer les amortissements, lorsqu'il n'y a pas de dotation aux amortissements. Pour ce qui concerne le passage du fonds de roulement aux réserves, - encore une fois il faut se méfier des chiffres globaux - notre analyse, partagée avec la Direction de la Programmation et du Développement, c'est que le montant réel de réserves mobilisables s'élève à environ 2 milliards de francs. M. Michel Garnier : D'où notre groupe de travail pour analyser cette question. Mme Francine Demichel : Pour compléter, d'après les analyses qui ont été faites sur quelques établissements, les 4 milliards de francs que nous considérons comme de réels fonds de réserve, se décomposeraient à hauteur de 60 % en recettes de fonctionnement, de 25 % en subventions d'équipement et de 15 % en provisions. Actuellement, plus d'un établissement sur deux, et on espère que cela va progresser, a une politique d'amortissement. On doit continuer. Dans le contrat, vous verrez, si vous avez l'occasion de regarder notre circulaire contractuelle, que les annexes sont très importantes et que l'accent est mis sur les exigences de l'orthodoxie budgétaire. Nous essayons de nous donner les moyens de garantir une exécution dans les meilleures conditions en négociant, pendant près d'un an, chaque contrat. Il y a beaucoup d'aller retour sur le terrain, les équipes des différentes directions vont dans les établissements, et se font remettre les documents nécessaires. Ce n'est pas simplement un échange épistolaire de circulaires que l'on peut mettre dans un tiroir si l'on ne veut pas les appliquer. Là, les échanges sont réels sur le terrain et la politique contractuelle inclut cette dimension, depuis deux ans, de façon quasi systématique. Il va donc y avoir un comportement réciproque qui va s'améliorer. M. Michel Garnier : Sur le dernier point, vous avez évoqué la mutualisation et le droit de tirage. Mutualisation et droit de tirage sur les réserves utilisables, c'est-à-dire ce que j'ai appelé disponibles et utilisables, me paraît très bien et avant que je ne quitte Versailles-St-Quentin, j'étais en négociation avec les directeurs d'UFR pour un virement systématique à la deuxième section de leur reliquat de fin d'année et mutualisé avec droit de tirage par la présidence. Je crois que c'est la bonne méthode, mutualiser les investissements, chacun se constitue sa cagnotte pour acheter son équipement en mutualisant, certains seront servis plus tôt et d'autres seront servis à l'heure et jamais en retard. C'est la meilleure des choses. M. Alain Claeys, rapporteur spécial : Sur la politique contractuelle, je sais le travail considérable qu'accomplit Mme Francine Demichel. Je voudrais que l'on puisse faire le point, savoir de quels moyens vous disposez à la fois pour élaborer le contrat et pour l'évaluer. C'est une question centrale pour nous. L'Inspection Générale de l'Administration de l'Éducation nationale (IGAEN) pourrait-elle être associée à cette démarche d'évaluation ? C'est ma première question. La deuxième question concerne une demande. Chaque année au moment où le Parlement examine les crédits de l'enseignement supérieur et de la recherche, pourrait-il être informé, dans un document annexe, de la politique contractuelle de l'évaluation université par université, contenant l'information annuelle sur l'exécution des contrats université par université ? Mme Francine Demichel : Je vous réponds tout de suite, oui. On fait désormais l'évaluation et on a les moyens de vous donner toutes les informations que vous souhaitez avoir, d'abord le contrat lui-même qui est la traduction de l'accord de l'État et de l'établissement sur un projet d'établissement et les améliorations de gestion qui sont très nettement inscrites dans les contrats d'établissement. Sur l'amélioration du système, vous avez raison, aujourd'hui, il y a un décalage dans le temps entre les enquêtes de l'IGAEN et les contrats. Il faudrait arriver à articuler les deux rythmes. Vous savez que l'Inspection Générale répond aussi aux demandes du Cabinet, aux demandes du Ministre, il y a des problèmes urgents dans telle ou telle université, ils sont obligés de s'y rendre. Et puis, ils ont une inspection annuelle régulière des établissements. Jusqu'à ce jour, il n'y avait pas de concordance entre les établissements que l'IGAEN inspectait régulièrement et notre politique contractuelle. On en a discuté et je souhaite qu'à partir de l'année prochaine, en accord avec le responsable de l'Inspection, on procède à une évaluation, mais on doit l'expliquer aux établissements car, aujourd'hui, l'Inspection est vécue comme un instrument de contrôle et de "flicage", alors que nous, nous travaillons en confiance. Ce qui n'est pas le cas de l'Inspection générale, si les rapports sont très bien faits, les établissements vivent plus mal cette démarche que notre évaluation. Il est donc nécessaire de bien articuler ces interventions. De fait, nous nous appuyons sur les rapports de l'Inspection. Quand on rédige un contrat d'établissement et qu'une inspection a été effectuée récemment, - évidemment si elle l'a été il y a quatre ou cinq ans, les choses ont évolué et on en tient moins compte - on travaille avec les inspecteurs en organisant des réunions régulières afin de faire le point. Il y a une autre évaluation que l'on pourrait utiliser et que l'on sous-utilise aujourd'hui, c'est l'évaluation du Comité National d'Évaluation (CNE). Elle croît à un rythme beaucoup plus lent, mais là aussi, nous souhaitons mieux articuler nos interventions avec les visites du Comité National d'Évaluation qui sont des visites complètes, beaucoup plus pédagogiques, mais très importantes. Nous devons améliorer le système global d'évaluation du Ministère. Nous disposons d'instruments d'évaluation mais si, en matière de recherche, on peut dire qu'ils sont au point depuis une dizaine d'années, on peut encore les améliorer. Tout le monde s'accorde à dire qu'il s'agit d'une évaluation à la fois pointue, générale et transversale. Nous avons des progrès à faire, au sein de ma Direction, en ce qui concerne l'évaluation des formations ; l'évaluation de la pédagogie, n'est pas encore au point. Vous récusiez tout à l'heure mon idée de contrôle tatillon, peut-être n'est-ce pas vrai sur le budget, mais, au niveau des formations, nous sommes partis d'un système de contrôle à la virgule près pour savoir si tel enseignement était bien donné dans les conditions prévues. C'est un système qui ne fonctionne pas. On tente de mettre en place un système d'évaluation réelle prenant en compte le soutien apporté aux étudiants, le taux de réussite, les débouchés professionnels et l'évaluation globale de la formation. Des améliorations restent nécessaires en particulier par l'évaluation pédagogique au sens large. Ceci étant, nous disposons d'un véritable atout depuis plusieurs années, qui est la mixité de notre administration centrale. Dans ma Direction, il y a d'anciens Présidents d'université qui sont ce que l'on appelle des conseillers d'établissement. C'est une procédure un peu bizarre, mais le conseiller d'établissement qui a été lui-même Président d'université fait le lien et accompagne le contrat. Donc, il suit de façon très précise plusieurs établissements. Aujourd'hui, sans forfanterie, au niveau de la recherche, on sait à peu près où en sont les établissements, discipline par discipline. On peut vous le communiquer en veillant à ne pas faire des palmarès de type journalistique. Il en est de même au niveau des formations notamment de troisième cycle, ainsi que des formations professionnalisantes. En revanche, on doit améliorer l'évaluation pour les premiers cycles pour lesquels on essaie de mettre en place un système d'accompagnement et d'amélioration du système. Simplement pour vous donner un exemple, le Ministre est très préoccupé de la chute des effectifs en premier cycle " sciences " qui est d'ailleurs un problème européen. Nous avons réagi immédiatement dans le cadre de la politique contractuelle. Dès l'année dernière, nous avons réalisé une évaluation de ce qui se passait dans les filières scientifiques des universités avec lesquelles nous avions conclu un contrat, c'est-à-dire une quinzaine d'établissements. Nous avons immédiatement aidé les universités qui ont des filières scientifiques. Nous avons tenté d'analyser les raisons pour lesquelles cela ne fonctionnait pas et d'améliorer le système. Nous avons tout de suite aidé les établissements à mettre en place des petits groupes. Dès cette année, à l'université de Lille I, par exemple, les effectifs en premier cycle science sont remontés. Le contrat nous permet non seulement de faire un bilan, d'aider l'établissement dans le cadre de ses projets structurants et stratégiques, mais constitue aussi un instrument de pilotage, si possible immédiat. M. Alain Claeys, rapporteur spécial : S'agissant de la suggestion de la Cour relative à la faible intervention du recteur dans le contrôle budgétaire des universités, pourrait-on envisager de mettre en place des moyens supplémentaires afin qu'il y ait véritablement, en termes d'évaluation et de contrôle, une déconcentration du Ministère ? Pensez-vous que le rôle du recteur dans cette politique d'évaluation et de contrôle pourrait être renforcé ? Comment voyez-vous les choses ? Mme Francine Demichel : C'est faisable. Les recteurs ont été très mobilisés sur le second degré qui leur demande beaucoup de temps. De nombreux recteurs - ce n'est pas le cas de tous les recteurs - se sont assez peu préoccupés du supérieur considérant qu'il y a des problèmes nationaux et que les universités jouissent d'une autonomie de fonctionnement . Le Ministre souhaite une déconcentration, et il y a des opérations très claires que l'on pourrait déconcentrer. On a commencé sur le premier cycle. C'est un point difficile car on ne peut pas avoir de mesure générale sur les premiers cycles, cela ne fonctionne jamais. On a donc mis en place ce que l'on appelle un schéma de développement concerté avec les Présidents d'université et les proviseurs car il y a le problème des BTS, des IUT et des classes préparatoires. Le pilotage de ce dispositif incombe au recteur. On peut progresser dans la déconcentration du pilotage académique pour les cartes de formation, par exemple. Dans une académie comportant plusieurs établissements, il y a, en effet, un problème d'harmonisation de la carte des formations. Même si nous impulsons et finançons les grandes masses, il devrait y avoir une compétence rectorale. Souvent les recteurs ne disposent pas des soutiens nécessaires dans leur académie. Cela ne peut pas être uniquement un travail administratif, mais doit être aussi un travail pédagogique avec une bonne connaissance du terrain universitaire, ce qui nécessite l'implication des personnes qui connaissent le post-bac et l'enseignement supérieur. Mais, c'est une bonne direction car ce n'est pas de la centrale que l'on peut piloter. C'est déjà le cas pour les BTS. Mais il importe également de veiller à l'articulation avec les orientations prises par les étudiants, après le bac. Cette opération pourrait être complètement pilotée par les recteurs, mais cela implique sans doute qu'ils pensent autrement sur leurs fonctions. M. Michel Garnier : J'aurais voulu compléter en deux mots sur l'évaluation. L'évaluation qualitative est effectivement très bien maîtrisée dans le domaine de la recherche. S'agissant des aspects pédagogiques, Francine Demichel a dit qu'il y avait encore des améliorations à faire. On ne peut pas piloter un système sans le connaître. Notre Direction est responsable du système d'information du Ministère. Pour les universités, nous avons mis en place, et cela tourne depuis l'an dernier, un site qui rassemble un certain nombre d'indicateurs quantitatifs sur les universités que ce soit sur leurs moyens en patrimoine, les excédents, le déficit de locaux, les prévisions d'effectifs, les filières pédagogiques, la recherche, ou sur les moyens en personnel. Ces indicateurs, partagés par toutes les universités, sont à la disposition des recteurs de toutes les universités, et bien entendu de l'administration centrale. Ce site s'appelle " infosup ", on peut le consulter sur le web, avec un mot de passe car on ne peut pas laisser tous les médias se saisir de ces informations et faire leur classement, leur comparaison, de la même façon qu'on n'a pas souhaité le laisser faire pour les lycées avec nos indicateurs de performance et les sites IPES. Ces indicateurs donnent une évaluation quantitative des universités. Nous avons un livre en préparation qui mettra sur la place publique un corpus d'indicateurs permettant à chacun de se positionner. C'est très important. De la même façon, l'administration centrale, le Ministère, le Cabinet, les Directions départementales, l'ensemble du système, sur un infocentre qui constitue une base centrale de pilotage à partir de laquelle nous pouvons, en temps réel, construire nos indicateurs et nos tableaux. Une grande avancée doit enfin être signalée. Les universités ont accepté, lors d'une récente conférence des Présidents, de nous autoriser à rentrer sur une base miroir de leur base de gestion des universités de telle sorte que nous soyons capables de répondre rapidement à des questions d'actualité, à des sollicitations - on met du temps à avoir des informations qui remontent et qui, statistiquement, soient validées -. On fait une avancée considérable dans la connaissance qui est indispensable car on ne peut pas gérer sans connaître. M. Alain Claeys, rapporteur spécial : Une dernière question sur un sujet qui va devenir, dans le cadre de l'autonomie des universités, de plus en plus prioritaire, ce sont les activités de valorisation. La loi du 12 juillet 1999 sur l'innovation et la recherche offre un cadre juridique à ces activités. Avez-vous une estimation de ce qu'elles peuvent représenter ? Comment vous, Ministère de tutelle, allez-vous accompagner les universités dans l'exercice de ces nouvelles tâches ? Mme Francine Demichel : Les seuls chiffres qui pourraient vous être donnés à titre de prévision sont ceux de la Direction de la Technologie, malheureusement nous ne les avons pas. Donc, je ne peux pas vous les dire. Je peux vous dire qu'un accompagnement financier sera prévu par la Direction de la Technologie et ma Direction fera un accompagnement en termes de moyens, moyens financiers ou moyens de postes. On a beaucoup plus de difficultés pour les postes IATOS, mais pour les postes enseignants nous ferons un accompagnement. Les universités sont actuellement très intéressées. Certaines ont déjà commencé, celles qui ont des filiales connaissent déjà le mécanisme, mais même celles qui ne s'y connaissent pas nous demandent des renseignements et vont s'y mettre. La technique des SAIC, notamment, devrait intéresser beaucoup d'universités. M. Alain Claeys, rapporteur spécial : Un autre problème va se poser. Quand j'évoque le conseil en matière de gestion auprès des universités, je pense aux moyens d'évaluer les coûts et de vendre ces prestations correspondantes. Cela va être un vrai sujet pour les universités. Dans le cadre actuel, les outils de gestion, on le constate les uns et les autres, sont insuffisants. Or, on confie aux universités une nouvelle mission, ce qui implique de nouvelles tâches de gestion. M. Michel Dellacasagrande : Sur l'estimation du montant de ces activités, aujourd'hui, il est vrai qu'on ne dispose d'aucun chiffre précis à vous communiquer. Simplement, si l'on regarde le montant des ressources que procurent aux universités leurs activités de recherche, on est autour de 1,5 milliard de francs par an. Si l'on ajoute une partie des activités d'études qui vont être dans les SAIC, ces activités pourraient représenter aussi 1,1 et 1,2 milliard de francs des ressources supplémentaires gérées par les SAIC. Au début en tout cas, car l'idée est bien entendu que tout cela progresse fortement, on serait autour de 2,5 milliards de francs d'activités susceptibles d'être prises en charge dans le cadre des SAIC, sachant qu'en principe, ces services ne couvriront pas l'activité de formation continue qui est une autre source de ressources importantes pour les universités. La mise en place des SAIC suppose que l'on adapte une nouvelle fois nos outils de gestion. Nous avons demandé, je ne sais pas si une suite sera donnée, qu'une mission conjointe de l'Inspection Générale de l'Administration de l'Éducation Nationale et de l'Inspection générale des Finances fasse un audit sur cette question. Je ne suis pas sûr que ce soit un sujet qui passionne l'Inspection des Finances. Mme Nicole Bricq : Une question sur la part croissante des collectivités locales dans le financement des investissements des universités même si elle est encore un peu marginale. Le rapport de la Cour des Comptes est finalement très critique sur cette implication. Le rédacteur y voit plus le fruit de pressions locales que d'une organisation systématique au plus près des besoins de l'université. Il cite même des cas où les universités auraient été mises devant le fait accompli d'accords État/collectivités locales et il demande à l'État de remettre un petit peu d'ordre dans l'organisation, notamment au niveau des antennes universitaires. Ma question est relativement simple. Une évaluation a-t-elle été faite de l'impact de ces financements eu égard aux besoins à la fois des universités, locale en dehors des problèmes qui peuvent se justifier, par ailleurs, en termes de maillage du territoire ? J'ai trouvé que la Cour était extrêmement critique sur cette question. Mme Francine Demichel : Elle est trop critique d'ailleurs. Je vais vous dire pourquoi. Des évaluations ont été faites par le Comité national d'Évaluation (CNE) sur les antennes. A l'origine des antennes, il n'y a pas eu un afflux d'étudiants. Dire que les établissements se sont laissés forcer la main, peut-être, mais quand un Président d'université ne le souhaitait pas, on ne lui imposait pas une antenne. Quelquefois, il se faisait une douce violence car cela lui permettait d'accueillir des étudiants grâce à l'ouverture de DEUG AES ou de DEUG d'histoire ou encore d'IUT. Le problème des IUT est un peu différent : s'ils ont été mis en place, c'était parce que des étudiants étaient là, qu'il fallait bien accueillir et que les collectivités territoriales proposaient soit une location, soit une construction. Ce problème s'est posé il y a quelques années. On peut toujours dire que cela a été réglé de façon un peu anarchique selon les cas, qu'il y a eu une pression des collectivités locales, mais cela a quand même été une réponse de l'ensemble des partenaires de la Nation à un besoin, lié à un afflux d'étudiants. Quand on fait les choses, on commet des erreurs, mais cette réponse était nécessaire. Aujourd'hui, on est dans un contexte différent. Il y a une décrue des effectifs. La politique que mène l'État, je pense avec l'accord des collectivités locales, enfin de ma Direction c'est ce que je vois, c'est plutôt de stabiliser les sites qui ont déjà été ouverts. Quand on a ouvert un DEUG pour quelques étudiants, il faut voir comment il peut évoluer. Faut-il prévoir une montée en puissance ou faut-il reconvertir le site ? Quand on a ouvert un département d'IUT, ne vaut-il pas mieux terminer le site en ouvrant deux autres départements dans la mesure où un IUT de plein exercice est constitué de trois départements ? Il y a plutôt une réflexion sur la consolidation des sites. Ceci étant, il y a encore, dans un certain nombre de cas - c'est variable d'une région à une autre, d'une discipline à une autre - des demandes étudiantes assez fortes. On ne peut pas dire de façon systématique que l'on n'ouvre plus de sites. La politique est de consolider les sites existants et de façon générale, sauf exception, on n'ouvre plus de sites ; mais, comme vous le savez, on a, en France, un déficit en formation technologique considérable. On considère qu'un des moyens de combler ce déficit passe par ce que l'on appelle les plates-formes technologiques, ce qui implique que des sites vont être confortés voire, dans certains cas, créés pour permettre à des étudiants, qui ne peuvent pas ou qui ne souhaitent pas suivre - ou dont la Nation n'a pas besoin compte tenu des emplois - dans des formations généralistes, de s'inscrire dans des formations technologiques dans la perspective générale. Ces sites de formation technologique, sont plutôt conçus dans les villes moyennes. Là, il y a une stratégie globale. J'ai bien vu ce qu'a dit la Cour des Comptes. C'est vrai que, parfois, on a répondu, toutes tendances politiques confondues, à des demandes locales, mais il ne faut pas non plus que l'arbre cache la forêt, le maillage national de la France sur l'enseignement supérieur, c'est une exigence démocratique. Cette exigence a parfois donné lieu à quelques excès, mais les Présidents ne sont - je connais maintenant tous les Présidents d'université depuis de nombreuses années - jamais vraiment montés au créneau, même si telle délocalisation a été un peu imposée, et qu'ils avaient souhaité s'implanter dans une autre ville qui proposait un aménagement. Dans l'ensemble, le bilan me paraît positif dans le domaine de la délocalisation et de ce que l'on a appelé les antennes universitaires. M. Augustin Bonrepaux, Président : Je vous remercie d'avoir répondu à nos interrogations. La séance est levée à 11 heures 50. Laisser cette page blanche sans numérotation 2.- Auditions de Mme Josette Soulas, Directrice de l'Agence de modernisation des universités et des établissements d'enseignement supérieur ; de M. André Legrand, Président de l'Université de Paris X-Nanterre, premier vice-président de la conférence des présidents d'université (CPU) ; de M. Jean-Yves Mérindol, Président de l'Université de Strasbourg I, président de la commission « recherche » (CPU) (Extrait du procès-verbal de la séance du jeudi 3 février 2000) Présidence de M. Jean-Pierre Delalande, co-président Après avoir accueilli Mme Josette Soulas, M. André Legrand et M. Jean-Yves Mérindol, M. Jean-Pierre Delalande a rappelé que l'usage, au cours des auditions de la Mission d'évaluation et de contrôle, est de passer directement aux questions, sans exposés introductif des intervenants. M. Jean-Pierre Delalande, co-président : La semaine dernière, nous avons été assez impressionnés par les difficultés que vous rencontrez en tant que présidents d'universités dans la gestion quotidienne de vos établissements Notre souci est évidemment de rendre votre tâche plus facile, plus efficace, plus claire et sans doute de rechercher les voies et moyens de d'avoir le champ de vos possibilités et de vos responsabilités en tant que présidents d'universités. Grâce au rapport très éclairant de la Cour des comptes, l'accent a été mis sur un certain nombre de difficultés que vous rencontrez, au point que le président de la troisième chambre, M. Collinet, a reconnu votre héroïsme face à ces difficultés, notamment en matière budgétaire et comptable. Nous aimerions savoir comment vous vivez les choses, quelles sont les améliorations qui vous paraissent possibles et souhaitables. Nous avons été très étonnés, par exemple, de ce qu'il n'y ait pas vraiment de plan comptable pour la gestion des universités, qui n'intègre pas l'amortissement des immobilisations. Cela vous empêche d'avoir une visibilité budgétaire sur le long terme. Vous n'avez pas non plus la maîtrise de votre budget, puisque l'essentiel des crédits vous est fourni par l'Etat ; vous ne gérez pas les personnels. Nous avons aussi eu beaucoup d'interrogations sur la variété des situations des universités, mais aussi -il faut dire les choses telles qu'elles sont- la qualité des secrétaires généraux. Bref, il s'agit là d'un ensemble de dispositions qui remontent à une trentaine d'années et qui paraissent inadaptées à l'évolution actuelle et à une vraie autonomie des universités. On nous a même expliqué que vous deviez essayer de concilier quatre logiques difficiles à accorder : la centralisation, la décentralisation, la déconcentration et l'autogestion. Pour faire tout cela ensemble, il faut être héroïque ! Notre souci est donc de réfléchir avec vous sur les voies et moyens d'amélioration de la situation et peut-être d'une redéfinition de la contractualisation entre l'État et les universités, même si -c'est reconnu par tout le monde- beaucoup d'efforts ont été faits et beaucoup d'énergie dépensée. Il semble cependant que nous sommes loin du compte. Voilà une première série d'interrogations. Auparavant, je donnerai la parole au Rapporteur spécial de la commission des Finances, M. Alain Claeys. M. Alain Claeys, rapporteur spécial : Le président a balayé en quelques mots l'ensemble du champ qui est le nôtre. Pour ma part, je formulerai trois questions : Tout d'abord, l'autonomie des universités existe-t-elle ou, pour reprendre un mot de la Cour, est-elle toute relative ? Dans le cadre de la politique de contractualisation, avez-vous réellement un partenaire ? Ensuite, question quelque peu égoïste de notre part : qu'est-ce que la Représentation nationale devrait-elle avoir comme outil d'évaluation et qu'elle n'a pas ? Monsieur le Président, pour aborder l'ensemble des sujets suite au rapport public de la Cour, je voudrais organiser mes questions sur quatre thèmes : _ l'organisation des responsabilités financières ; _ les compétences ; _ les instruments de gestion ; _ enfin, les voies d'amélioration de cette gestion. Avant de vous poser les premières questions sur l'organisation des responsabilités financières, j'ai encore deux questions provocatrices. D'une part, qu'est-ce aujourd'hui que l'autonomie pour un président d'université ? L'alinéa premier de la loi du 26 janvier 1984 déterminant le service public de l'enseignement supérieur, précise qu'il contribue à la recherche. L'université est-elle toujours une somme de directeurs de recherche et de laboratoires qui, au bout du compte, gèrent l'université. Quelle est la portée réelle de l'autonomie des universités ? D'autre part, la contractualisation a-t-elle une réalité selon vous lorsque l'État ne contractualise pas la dotation globale de fonctionnement et l'évolution des personnels ? Cela a-t-il un sens? Pour entrer dans l'organisation des responsabilités financières, j'aurai deux questions précises : - Comment s'articulent les décisions de l'ordonnateur principal et des ordonnateurs secondaires ? C'est une traduction d'autonomie. - Par ailleurs, pensez-vous qu'une clarification des fonctions financière d'une part et comptable d'autre part est nécessaire ? Je connais l'avis de la Direction générale de la comptabilité publique ; vous vous êtes exprimés dans un récent colloque. J'aimerais avoir des réponses sur ces deux sujets : ordonnateur principal et secondaires et fonctions financière et comptable. Je suis curieux du jugement que vous portez sur l'autonomie et sur la politique contractuelle. M. André Legrand : Je ne sais si je répondrai d'emblée à vos quatre questions ou si l'on laissera venir un certain nombre de questions complémentaires pour préciser certaines d'entre elles. Je ferai une première remarque : j'ai lu que le rapport de la Cour des comptes était accablant pour les universités ; qu'il donnait une image de la gestion des universités détestable. Pour ma part, j'ai trouvé ce rapport beaucoup plus nuancé qu'on ne le dit. En particulier, si l'on se reporte à sa conclusion, je constate qu'il y a autant de recommandations à destination de l'État -qui ne fait pas ce qu'il a à faire- qu'à destination des universités. Sur ce point, ce rapport me paraît extrêmement équilibré. D'autre part, par la nature même des choses, ce rapport porte sur une situation de l'année 1997 ou des années antérieures et il s'est quand même passé depuis un certain nombre de choses ne cessant d'ailleurs d'évoluer. Dans ce que j'ai pu lire de l'intervention des directeurs de l'administration centrale, je regrette qu'il n'y ait pas eu de la part du ministère -nous sommes au c_ur du débat que nous avons aujourd'hui- un certain nombre de précisions, d'informations, de développements sur les évolutions qui ont pu se produire depuis 1997. C'est peut-être assez révélateur d'une certaine insuffisance de la connaissance, par le ministère, de ce qui se passe réellement au sein de l'université . On est vraiment au c_ur de la problématique entre autonomie et contrôle. M. Alain Claeys, rapporteur spécial : Pouvez-vous illustrer ce constat ? M. André Legrand : Sur des questions aussi précises que le vote tardif des budgets, les choses évoluent. Dans une université comme la mienne, et jusqu'à l'année dernière, les budgets ont été votés au plus tôt au mois de février de l'année suivante. Cette année, le budget a été voté le 13 décembre 1999. Je ne suis pas le seul dans ce cas. On estime que la très grande majorité des universités votent leur budget à l'heure. Voilà donc une donnée sur laquelle il me semble, par exemple, que le ministère pourrait disposer d'indications et aurait pu vous apporter des précisions. Nous sommes au c_ur de la problématique de l'autonomie. Lorsque nous avons reçu la visite du Ministre, j'ai pu lui dire que les universités sont beaucoup trop encadrées et pas assez contrôlées. Beaucoup trop encadrées en ce sens que l'on continue à leur égard à multiplier des réglementations a priori, tatillonnes. Le plus bel exemple, même si c'est un sujet de débat politique fort entre nous et certains de nos partenaires, en particulier les organisations de personnels et des étudiants, c'est la réforme des examens et des diplômes réalisée par le Ministre précédent. Cette réforme entre dans le détail et cherche à prévoir toutes les situations qui peuvent se présenter pour y apporter toutes les réponses. J'aurais préféré une réglementation sous forme d'objectifs généraux qui auraient soulevé beaucoup moins de problèmes, mais assortie d'une véritable évaluation et d'un véritable contrôle a posteriori. Même si mon exemple paraît mal choisi, parce que précisément cette réforme s'accompagne de la mise en place d'un comité de suivi, sur le plan des méthodes d'évaluation et du suivi, on pourrait faire des progrès. Le suivi en cours est souvent trop idéologique et pas assez statistique. Par ailleurs, qu'est-ce que l'autonomie et de quels moyens disposons-nous pour l'exercer ? C'est vrai que nous n'avons pas totalement la maîtrise de la gestion de nos personnels, encore que sur ce point, des évolutions importantes se sont produites, qui ne sont d'ailleurs pas sans nous poser d'autres problèmes, en particulier par la disparité des statuts que cela peut induire sur les personnels ATOS pour lesquels nous avons des formes de gestion assez différentes selon qu'il s'agit de personnels de l'ARF ou des autres. Cela dit, nous avons quand même sur certains aspects -la définition des profils, la gestion des carrières- des marges de man_uvres progressives qui se développent et qui me paraissent aller dans le sens de l'autonomie. C'est vrai qu'en matière d'autonomie financière, notre capacité d'action est très restreinte. Nous aurons l'occasion de parler de ce que l'on appelle les droits spécifiques qui manifestent, de la part des universités d'un effort pour recherche des financements pour des activités particulières. M. Alain Claeys, rapporteur spécial : C'est le problème des droits universitaires. Une réponse très précise a été donnée la semaine dernière par la Directrice de l'Enseignement supérieur selon laquelle toute dérogation sera sanctionnée. Cela figurera dans le contrat. Confirmez-vous cela ? M. André Legrand : C'est ce que nous constatons dans les négociations de la vague contractuelle actuelle : le ministère pose comme condition la disparition des droits dits "spécifiques". Simplement, nous ne parlons pas toujours de la même chose en parlant des droits spécifiques. J'ai lu dans le compte rendu de l'intervention de Francine Demichel, qu'elle faisait allusion à un certain nombre de perceptions qui étaient faites à l'intérieur des universités en dehors de décisions officielles des conseils. Sur ce point, il est possible que cela existe ; je n'en ai pas dans mon université. Cela dit, c'est une donnée particulière ; il y a d'autres droits, dits spécifiques, qui font l'objet de votes officiels de la part des conseils d'administration des universités et s'ajoutent en quelque sorte aux droits ordinairement perçus, fixés par la réglementation nationale. Ce sont les droits de sport, les droits de culture, éventuellement les droits d'informatique ; tous droits institués officiellement par délibération du conseil d'administration en sus de la réglementation existante et qui servent à financer un certain nombre d'activités complémentaires. On ne peut pas mélanger les deux. Il y a les droits clandestins si j'ose dire. Je pense que la plupart des présidents d'universités réagissent quand ils en apprennent l'existence, et puis, il y a des droits qui n'ont rien de clandestin, qui sont officiellement déterminés par délibération en conseil d'administration. Manifestement, dans la volonté du ministère, ce sont ces droits dont la disparition est inscrite dans les contrats. A cet égard, je veux dire que je suis dans une université où ces droits ont existé. Ils représentaient une perception de 130 francs en sus des droits existants (50 francs de sport etc.). Ces droits ont été supprimées par décision du conseil d'administration au moment où je suis devenu président, parce que les étudiants l'ont demandé et que le conseil d'administration les a suivis. Je constate simplement que je ne suis plus en mesure, depuis cette suppression, de financer un certain nombre d'activités et d'infrastructures qui existent dans une université où il y a une piscine, un théâtre, un stade et par conséquent, des installations -ce n'est pas à des élus que je dois faire un dessin- qui coûtent très cher en termes de fonctionnement et d'entretien. Si j'ai fait pu faire face aux dépenses d'investissements nécessaires sur le budget de l'Université, j'ai été amené, pour le fonctionnement, à introduire des redevances d'utilisation, en particulier pour les installations sportives. Je suis dans la légalité me semble-t-il, dans la mesure où ces redevances sont facultatives et où elles correspondent à un service précis et particulier. Simplement, elles sont plus élevées que les droits spécifiques antérieurs et ne me suffisent plus à assurer le fonctionnement ordinaire et régulier des installations en question. Nous sommes là sur un vrai problème politique, qui est en quelque sorte l'autonomie dans un style de commandement militaire : la cour de la caserne doit être balayée, mais il faut se débrouiller pour trouver les moyens. Il y a là une question importante et même si ce n'est pas l'alpha et l'oméga de l'autonomie financière des universités. Elle témoigne des difficultés auxquelles nous sommes confrontés, compte tenu de ce que sont les dotations de l'État et leur mode de calcul qui ne prend pas nécessairement en compte un certain nombre d'activités accessoires -au sens très strict du terme et sans y mettre de contenu et de jugement de valeur par rapport aux activités ordinaires des universités-, mais qui pose très clairement la question des moyens de financer le fonctionnement d'un établissement. Cette question des droits spécifiques me paraît révélatrice d'un phénomène dont j'ai souvent parlé en tant que premier vice-président de la Conférence des présidents d'universités (CPU) : le contrôle de légalité ne s'exerce pas sur les institutions autonomes que sont les universités. J'ai toujours dit qu'en tant qu'universités, nous ne serions certainement pas hostiles à un tel contrôle qui s'exerce sur toutes les instances décentralisées, comme les collectivités locales. Si ces droits existent, c'est que le contrôle de légalité n'a pas toujours fonctionné. Si ces droits n'existent plus et si leur disparition va poser des problèmes sérieux de fonctionnement aux universités, c'est bien parce que nous avons des difficultés de fonctionnement dès lors que ces établissements sont trop encadrés par des définitions de ressources trop étroites. M. Alain Claeys, rapporteur spécial : La Cour a précisé que ce contrôle n'est pas réalisé. D'autre part, il y a aussi l'autonomie par rapport aux éléments qui constituent l'université même. De façon quelque peu provocante, je disais qu'elle était dirigée par les directeurs de recherche et le président vous a demandé quel était votre jugement en la matière. Avec le recul, pensez-vous qu'il y a des évolutions sur ce point ? M. André Legrand : Il convient de distinguer différents aspects au sein du fonctionnement de l'université. Je suis dans une université qui, pour des raisons historiques, a toujours connu une certaine centralisation. Tout le monde sait que Nanterre a failli exploser à la fin des années 70 et que l'une de ses composantes en est partie dans des conditions politiques extrêmement complexes. Tout cela est resté très fortement ancré dans les mémoires et explique une organisation fortement centralisée ainsi qu'une hostilité aux composantes. Même, chez les juristes de Nanterre, on n'emploie pas le terme de "Faculté" ; ce n'est pas dû au hasard et résulte d'une culture très forte. Dans le domaine de la formation et de la gestion courante -je ne parle pas des grandes orientations stratégiques, des politiques d'investissement, de maintenance ou de sécurité qui doivent être décidées et gérées centralement, et qui le sont dans la plupart des universités- j'en suis au stade où j'estime qu'à l'heure actuelle, les composantes n'ont pas assez d'autonomie par rapport au centre. Je dispose à cet égard d'un indicateur fort simple : quand un directeur d'UFR disparaît pour une raison quelconque, je mets six à sept mois pour trouver un successeur et je dois passer par une phase d'administration provisoire. Cela me paraît être un indicateur très clair de ce que la fonction de directeur d'UFR n'est pas attirante dans mon université, et que la plupart des collègues qui l'exercent estiment y voir beaucoup plus d'inconvénients que d'avantages parce que leurs compétences leur paraissent limitées. Cependant j'ai toujours dit qu'il faut faire, sur ce point, des différences selon l'équipe d'UFR concernée et qu'il y a des secteurs où, manifestement, il y a des traditions ; le droit ou les sciences économiques sont des exemples caractéristiques. En ce qui concerne les problèmes de gestion ordinaire, de pédagogie ou d'entretien courant, il n'y a pas d'inconvénient au renforcement de certaines compétences des composantes par rapport au pouvoir central. Là aussi, il faudrait appliquer le principe de subsidiarité avec l'idée qu'un certain nombre de problèmes seraient infiniment mieux réglés s'ils étaient réglés à proximité que depuis le centre de l'université. En revanche, il y a des universités sans doute dont l'organisation est plus fédérale. J'en ai connu une au début de ma carrière. C'était une université juridico-médicale, un ensemble juxtaposé de deux entités. Par contre, on rejoint le problème des relations avec l'État, dans des domaines comme celui de la recherche. Jean-Yves Mérindol, qui préside une université scientifique et non pas de sciences humaines pourrait avoir un point de vue différent. Il me semble en effet que dans mon université, en matière de recherche et malgré les progrès qui ont représenté l'instauration, par la loi Savary, d'un conseil scientifique, ainsi qu'un certain nombre de mesures prises du temps de Lionel Jospin à l'Éducation Nationale sur la constitution d'un B.Q.R (bonus qualité recherche) - instrument non négligeable d'une gestion d'une politique scientifique globale- ; malgré une série d'évolutions dans le bon sens, nous avons, dans certains cas, l'impression qu'il subsiste des liaisons directes, soit entre les laboratoires, les centres de recherche, le ministère d'un côté ou les grands organismes de recherche de l'autre, qui représentent un certain handicap par la constitution d'une politique scientifique d'ensemble de l'université. Je nuancerai ce propos en précisant qu'il s'agit du constat que je fais dans l'université de sciences humaines et sociales pour l'essentiel, et que des évolutions non négligeables sont à noter depuis une dizaine d'année. M. Jean-Pierre Delalande, co-président : La parole est à M. Mérindol. M. Jean-Yves Mérindol : S'agissant du contrôle de légalité et du rapport avec les droits spécifiques, si de nombreux droits spécifiques ont été mis en place par les activités sportives, il me semble que ce n'est pas un hasard. Le texte qui organise l'activité physique et sportive dans les universités date de 1970. Il est complété par des circulaires, devenues totalement obsolètes mais toujours en vigueur, qui expliquent comment demander des crédits pour les activités physiques et sportives de façon directe et selon quels formulaires des crédits. On est dans un système absurde ou un cercle vicieux où, précisément parce qu'il n'y a pas ce contrôle de légalité, on laisse vivre des textes qui n'ont plus aucun sens en précisant qu'il faut se débrouiller. A mon avis, il convient de sortir d'une situation de ce type et procéder aux modifications quand elles sont nécessaires. Sur l'autonomie, il faut d'abord mesurer à quel point les universités sont différentes. On ne peut pas demander que les universités soient autonomes et leur suggérer ensuite un modèle unique de fonctionnement. La conséquence naturelle et heureuse de l'autonomie est la diversité. Elles sont différentes du fait notamment de leurs histoires respectives. Dans l'université Louis Pasteur de Strasbourg que je préside, on reste marqué par l'histoire très ancienne de l'université, qui remonte à la période allemande de Strasbourg et continue d'être présente non seulement dans l'organisation même, l'université, mais aussi dans la culture et les esprits des universitaires. La grande nouveauté est le passage, il y a presque trente ans d'un système de facultés totalement administré par l'État au système universitaire. Les institutions universitaires en France n'ont donc que trente ans ; c'est un élément que je rappelle quand on fait des comparaisons internationales : il n'y a pas beaucoup de pays au monde où un système de type universitaire est aussi récent. Sur l'autonomie, je ne pense pas qu'il y ait de difficultés insurmontables à concilier autonomie et financement prépondérant par des crédits d'État. D'autres institutions se retrouvent dans la même situation. Simplement, il faut se donner ensuite les moyens de s'organiser dans ce schéma de rapports avec l'État et dans les structures internes. S'agissant des structures internes, une université comme la mienne dispose d'un budget réel, voté par l'université, de 700 millions de francs. Si l'on y ajoute les salaires reçus par l'État, qui ne figurent pas au budget de l'université, j'arrive à un budget consolidé de 1,2 milliard. Si j'ajoute à cette somme les ressources provenant du CNRS et de l'INSERM, qui contribuent aux activités universitaires, on frôle 1,5 milliard. Il n'est pas envisageable de "gérer" -de nombreuses recettes ou ressources ne sont pas affectées sur décision du conseil d'administration- et d'avoir un pilotage politique sur des montants de cette ampleur de façon totalement centralisée. A chaque instant, au sein de l'établissement, on doit se poser la question de savoir ce qui est centralisé ou ce qui est décentralisé. Là aussi, les réponses sont différentes d'un établissement à un autre, avec parfois des points communs concernant les questions juridiques, par exemple, qui relèvent de la Faculté de Médecine et sont réglées par les ordonnances de 1958 qui lui confèrent une certaine décentralisation et donne à son doyen un rôle très particulier. Sur les questions budgétaires, financières et comptables, on est dans un travail long, dont l'objectif est de faire des budgets des composantes de véritables actes politiques pour les composantes elles-mêmes et pas simplement un détail technique, étant entendu que ce travail qui est de concevoir le vote du budget comme un élément politique est, de mon point de vue, accompli depuis plusieurs années au sein de l'université. En matière de recherche, on souffre de deux difficultés. La première difficulté manifeste réside dans l'organisation complexe de la recherche en France, avec l'intervention conjointe et souvent mêlée des universités et des organismes de recherche. Dans mon université, sur 85 unités de recherche, 57 sont associées, en formule mixte, avec les organismes de recherche. Sur le plan pratique, cela signifie que les crédits de recherche, déterminés pour ces unités et inscrits dans le contrat d'établissement, -donc, sur lesquels le président de l'université et son équipe ont non seulement un regard mais aussi un droit réel de discussion, aussi bien pour les ressources provenant de l'État que pour les ressources provenant des organismes-, une fois actés dans ce document, sont gérés de façon différente et séparée par l'établissement, d'une part, par l'organisme de recherche, d'autre part. Cette gestion distincte rend illusoire toute prétention à disposer d'une comptabilité analytique permettant de comprendre réellement la nature des coûts de la recherche. Quand la Cour des comptes m'interroge sur le montant des dépenses de déplacements de l'université et des variations éventuelles, j'explique que les variations s'expliquent plus par le fait qu'un agent comptable de l'université a trouvé une méthode plus rapide pour rembourser les frais de déplacement que l'agent comptable du CNRS. On a donc une difficulté "structurelle" à suivre en termes d'exécution les dépenses de recherche. Concernant les ressources, nous sommes pour l'essentiel dans un mécanisme qui reste assez encadré avec une phase devenue très importante depuis une dizaine d'années, à savoir la phase contractuelle. Pour la recherche, cette phase joue un rôle extrêmement important en évitant de manière générale ce mécanisme de court-circuit où tel ou tel directeur d'un grand laboratoire est capable d'obtenir du ministère des crédits sans que personne n'en ait entendu parler. Il reste des exceptions, mais on est passé d'un domaine où c'était la règle à un domaine où c'est devenu l'exception, grâce à la politique contractuelle. Pour autant, cela ne règle pas totalement les questions de choix politique du ministère. A titre d'exemple, mon université, a voulu fédérer, il y a une dizaine d'années, ses nombreux laboratoires de recherche dans des structures en nombre plus limité, appelées centres de recherche, avec l'idée que les équipements scientifiques lourds, de plusieurs millions de francs devaient être financés à travers les centres de recherche et non pas à travers des unités trop petites pour mener une politique sur des équipements scientifiques. A l'époque, les ministères avaient accepté cette idée à titre exceptionnel. Les crédits recherche négociés entre le ministère et l'université arrivaient à ces centres de recherche. Ensuite, après le changement de conception politique du côté ministériel, la même demande a suscité une réponse clairement négative. Le ministère souhaitait que les crédits soient affectés de façon très précise et très détaillée à chacune des quatre-vingt-cinq unités de recherche. Dès lors, le niveau central intermédiaire entre université et équipes de recherche a disparu par cette décision d'organisation de la Direction de la Recherche. On est en train de réouvrir le dialogue et j'espère pouvoir changer cette conception. M. Alain Claeys, rapporteur spécial : Monsieur le président, ces précisions sur la recherche sont très importantes pour nous, y compris pour comprendre mieux la notion d'autonomie. Revenons au rôle de l'ordonnateur et du comptable. La direction de la comptabilité publique précise que des dérogations au principe de séparation de ces fonctions sont possibles mais n'est-ce pas la solution de facilité ? On sait qu'au sein des universités se pose un problème de compétence pour les présidents et les conseils d'administration dans leur travail de gestion. S'il y a des améliorations, de nombreuses insuffisances demeurent. Si l'on accepte cette situation, même de manière encadrée, on risque de se heurter à des difficultés croissantes au regard de l'évolution des compétences universitaires en matière de formation continue ou de recherche et d'innovation qui vont poser des problèmes nouveaux. Je peux comprendre aujourd'hui que cette absence de distinction entre les fonctions d'ordonnateur et de comptable puisse répondre à une situation. Mais si l'on se met en prospective, n'est-ce pas se dire une fois pour toutes que l'on ne permet pas aux universités de disposer des compétences nécessaires. Cette confusion, qui peut être acceptée aujourd'hui, risque de devenir plus problématique au fur et à mesure que le financement des universités devient plus complexe. M. André Legrand : Vous mettez le doigt sur l'un des problèmes sur lequel nous nous sommes aussi exprimés. Il y a à la fois -quoi que l'on dise par ailleurs- une insuffisance quantitative et qualitative des personnels d'encadrement à l'intérieur des universités. Ce n'est pas un jugement. Je sais que le propos de Mme Demichel sur le manque de professionnalisation a parfois été mal ressenti dans nos universités... M. Alain Claeys, rapporteur spécial : Les propos de Mme Demichel ont été popularisés. M. André Legrand : Ce n'est pas un jugement de valeur sur les personnels. Je raconte toujours que, revenant à l'université après une très longue absence et retrouvant l'UFR de droit de Nanterre, j'ai été très surpris de constater que cette UFR, qui regroupe 8 000 étudiants était gérée par un agent de catégorie A, trois de catégorie B, et que les autres personnels étaient de catégorie C ! Que l'on confie la gestion de mille étudiants de licence ou de maîtrise à un agent de catégorie C -ce qui est tout à son honneur car d'une part cette personne exerce des responsabilités qui ne sont pas celles de sa catégorie et qu'elle n'est sûrement pas rémunérée à la hauteur des responsabilités qui sont les siennes- relève sans doute de la responsabilité de l'université et traduit la structure centralisée que j'évoquais tout à l'heure au sein du l'université de Nanterre. Mais il n'y a pas que cela. C'est l'un des gros problèmes auquel nous nous heurtons, auquel s'ajoutent deux constatations que je fais en permanence, à savoir que nous avons effectivement de plus en plus en charge des missions nouvelles pour lesquelles les universités ne sont pas outillées. Je suis très inquiet de tout ce qui se dit sur les problèmes de valorisation de la recherche avec les problèmes de compétences fiscales et de tous ordres que cela exigera. Nous avons là un problème majeur, en partie compliqué et en partie simplifié par ce que l'on peut constater. Je ne dispose pas d'une vision globale de la situation de l'ensemble des universités ni des moyens de l'obtenir, la Conférence des Présidents d'Université n'étant pas un organisme hiérarchique des universités. S'agissant de l'université de Nanterre, je constate que les deux tiers des agents de catégorie A partiront dans les dix prochaines années, à la retraite. Cela signifie que nous allons disposer de marges de souplesse très fortes dans la réorganisation des services. Mais c'est en même temps, un gage inquiétant en raison de la brutalité et de la rapidité avec laquelle le renouvellement va se faire. Il y a là à la fois des lueurs d'espoir et d'inquiétude qui s'allument. M. Alain Claeys, rapporteur spécial : Vous m'inquiétez. Lors d'une réunion avec un responsable de la Direction de la comptabilité publique, je me suis interrogé sur le retard dans la parution des instructions comptables. Une des réponses qui m'a été faite est que ce retard est lié, en partie, à la concertation étroite établie avec les universités pour analyser leurs problèmes et prendre en compte les nouvelles législations, en particulier sur la valorisation de la recherche. Ma deuxième question s'adressera à Mme Soulas pour lui demander de nous parler de l'Agence de modernisation. Dans ce contexte, qu'apportez-vous aux universités ? Travaillez-vous à la fois avec la Direction générale de la comptabilité publique -que vous apporte-t-elle concrètement ?- et travaillez-vous avec le ministère de l'Éducation nationale ? M. André Legrand : Les deux ne sont pas incompatibles. Nous pouvons avoir une analyse très poussée, très technique et très intéressante avec certains services ministériels, notamment l'administration des Finances, et nourrir quelque inquiétude sur la capacité, au sein des universités, à faire face à ses missions nouvelles. Quand nous disons que notre priorité des priorités est le problème des personnels ATOS, c'est ceux-là que nous visons et rien d'autre. Nous sommes face à une diversification et une multiplication des missions des universités auxquelles il faudra être attentif dans la période qui s'ouvre. M. Jean-Yves Mérindol : Sur la distinction des services financiers et des services comptables, les universités doivent apporter des réponses différentes, tenant compte de leur complexité, de leur degré d'activités variées. Dans une université comme la mienne où l'on couvre la quasi totalité des complications que l'on puisse imaginer, on a séparé depuis plus de deux ans les deux fonctions, ce qui a apporté pour l'université et pour son fonctionnement interne des progrès indéniables. Mais il en va du progrès comme de l'apprentissage : quand on apprend quelque chose, il est un moment où l'on croit que cela marche bien parce qu'on ne sait pas qu'on est ignorant, et puis arrive un moment où l'on comprend quelque chose et on se rend compte de tout ce qui reste à apprendre. On est en quelque sorte dans cette phase. Pour ce qu'il reste à apprendre, dans tous les domaines fiscaux par exemple, je suis tout à fait inquiet de véritables difficultés, concernant la TVA. et l'impôt sur les sociétés. Les redressements engagés sont arrêtés mais les questions ne sont pas réglées au fond. Se pose également la question de l'assujettissement des universités à la taxe professionnelle. Nous sommes incapables de comprendre comment on peut la calculer si cela devait arriver. Sans parler des autres types de taxes. M. Jacques Jegou : Vous supprimez les associations par le même fait ? M. Jean-Yves Mérindol : Concernant les associations, on peut établir la même distinction que pour les droits spécifiques. Il y a des associations connues qui ont pignon sur rue et des associations qui cherchent à être clandestines. Pour ces dernières, on assiste au jeu du chat et de la souris, et elles sont parfois très intelligentes pour se cacher. Les associations officielles vont ou sont en train de rentrer peu à peu dans le giron de l'activité universitaire. A un petit détail près qui montre que, là aussi, les aspects réglementaires peuvent jouer. Il arrive que l'organisation même de certaines activités de santé encouragent officiellement le recours à des associations. On peut donc être aussi en difficulté à cause de cela. M. Jacques Jegou : Sur ce sujet, que je découvre quelque peu, je souhaiterais être davantage informé, ce que vous dites depuis le début de l'audition est passionnant. Il y a un point extrêmement important pour nous, c'est de savoir ce qui vous est demandé. Vous semblez nous dire que sur le plan fiscal, les poursuites semblent arrêtées, mais que rien n'est réglé. Pourriez-vous nous dire rapidement ce qui vous est demandé exactement par l'administration de Bercy. M. Jean-Yves Mérindol : Un point est mal réglé pour l'instant, c'est l'aspect TVA. On a l'habitude, et on peut espérer améliorer les choses. Josette Soulas pourra peut-être en dire un mot. Les champs véritablement nouveaux, ce sont d'autres types d'imposition et en particulier l'impôt sur les sociétés. Il y a une forme de logique : les universités sont autorisées à avoir des activités commerciales liées à leur mission principale, notamment les activités autour de la valorisation de la recherche (prises de brevet, contrats de recherche etc.). Les services fiscaux considèrent que ces activités peuvent dégager des excédents et les calculent selon leur méthode, et ensuite taxent les universités à travers l'impôt sur les sociétés. Nous sommes là dans une difficulté qu'il nous faudra surmonter et qui va nécessiter du travail car la plupart des universités n'ont pas mis en place des mécanismes d'amortissement qui permettent de recalibrer ou de recalculer les excédents. Ce n'est pas aussi simple. En effet, comment faire des amortissements quand une bonne partie des ressources viennent des subventions de l'État ? Doit-on amortir les subventions ? Il y a des aspects techniques non négligeables. L'organisation nouvelle que permet la loi du 12 juillet 1999 sur l'innovation et la recherche devrait clarifier les choses en permettant aux universités qui le souhaitent de créer un service d'activité industrielle et commerciale qui regroupe grosso modo ce type d'activité. On y voit un intérêt. Néanmoins, cela ne règle pas plusieurs problèmes délicats. Par exemple, les universités seront-elles ou non assujetties à la taxe professionnelle ? Actuellement, le problème n'est que théorique. Je ne connais pas d'exemple de poursuite mais s'il n'est pas résolu de façon pratique, les conséquences pourraient être douloureuses, en particulier sur le plan financier. J'ai fait une simulation dans le cadre de mon université : cela représente entre cinq et quinze millions de francs par an de perte. Pratiquement, il est difficile de calculer la taxe professionnelle sans être une entreprise. Certains éléments sont, en effet, à prendre en compte : les salaires d'État y figurent-ils ou non ? S'agissant de l'immobilier, on n'est pas propriétaires des bâtiments mais généralement affectataires, les bâtiments appartenant à l'État. Quelle est la méthode de calcul etc. ? On se trouve dans une situation extrêmement difficile. En matière d'impôt sur les sociétés, les contrats de recherche, qui font partie des activités de valorisation, sont fréquemment exécutés dans des unités mixtes de recherche. Ces contrats font appel à du matériel acheté par le CNRS. Comment régler les échanges, neutres au plan pratique mais pas au plan fiscal, entre les deux établissements ? De ce point de vue, un travail conjoint a été souhaité entre le ministère de l'Éducation nationale, de la Recherche et de la Technologie et le ministère des Finances, qui devrait donner lieu, en concertation avec l'Agence de modernisation, à un examen précis de quelques cas concrets pour voir quelles instructions pourraient être données afin de régler ces problèmes. M. Jean-Pierre Delalande, co-président : Même dans l'hypothèse de la création d'un service d'activité industrielle et commerciale pour les contrats de recherche, ce service sera unique pour l'université. Cela ne va-t-il pas poser des problèmes et susciter des débats internes assez vifs entre les différentes composantes pour la répartition des bénéfices ? L'une d'elle pourrait dire qu'elle a apporté l'essentiel de la recette par ses travaux, les colloques, etc. Cette démarche est logique pour répondre au problème de l'IS si je comprends bien. En fait, on va inscrire en colonne les recettes et les dépenses ; si la balance est positive, on applique l'IS. Après paiement de l'IS, il peut rester un bonus dans le meilleur des cas. Comment sera affecté ce bonus par la suite ? J'imagine que le plus gros contributaire dira qu'il lui revient, et on entrera dans des débats absolument dantesques. Va-t-on imaginer des prorata par composantes en fonction du chiffre d'affaires de chacun d'eux ? Avez-vous une expérience de cela ? M. Jean-Yves Mérindol : Nous avons une expérience transposée en quelque sorte. Quand l'Etat nous verse des crédits, soit contractuels, soit par l'application de mécanismes normés -San Remo etc. - une somme arrive à l'université qui bénéficie d'une totale liberté de répartition de cette somme en interne ; c'est un élément important de l'autonomie des établissements. Elle est donc amenée à faire des arbitrages entre composantes ; arbitrages qui ne sont pas seulement la conséquence des modes de calculs ministériels. Le ministère peut décider de financer telle activité d'une université parce qu'elle a une politique plus active dans ce domaine et souhaiter la financer davantage. On a l'habitude pour ce type de ressources. Inévitablement, sur les ressources de type contractuel, la balance devra être pesée entre ce qui peut revenir à ceux qui ont créé l'activité par leurs contacts industriels ou par leur activité de recherche et ont été, d'une certaine manière, à l'origine de la ressource et l'intérêt général de l'établissement qui a supporté les dépenses liées à cette ressource, qui ne sont pas prises en compte actuellement. Un exemple typique : quand on exécute un contrat de recherche, cela se fait dans un laboratoire chauffé ; avec un réseau informatique etc. Actuellement, ces dépenses ne sont pas imputées sur le contrat de recherche ; on considère que c'est payé par tout le monde, c'est-à-dire gratuit. Ce genre de débat doit être abordé ; débat politique très utile et primordial pour l'établissement, précisément par son développement. M. Jean-Pierre Delalande, co-président : La logique voudrait qu'une part de ces dépenses soit affectée à la recherche et donc déduite de l'IS. Nous sommes donc partis dans une comptabilité analytique.. M. Augustin Bonrepaux, Président : Vos calculs sont-ils faits par activité ou globalement ? Je vois mal en effet l'université faire des excédents tels qu'elle soit assujettie à l'IS. Est-ce par activité que vous craignez être assujettis à l'IS actuellement ? M. Jean-Yves Mérindol : Non, actuellement, les choses sont extrêmement simples. Pour prendre un exemple, notre université a un planétarium où les gens paient un droit d'entrée, ce qui génère des ressources. Les services fiscaux sont venus ; ils ont constaté la présence du planétarium ainsi que les ressources en découlant, mais ont aussi constaté que les dépenses et les charges (chauffage etc.) du planétarium sont payées par ailleurs. On paie donc l'IS sur la totalité de ce qui a été inscrit en ressources sans pouvoir inscrire aucune dépense sauf celles directement imputées. On paie donc l'IS sur un chiffre considérable. On va donc devoir tout remettre à plat pour être en mesure de réimputer, sous une forme atténuée de comptabilité analytique et présenter ainsi ce qu'il en reste et qui sera par conséquent beaucoup plus faible. Tant que l'on n'aura pas réussi à faire cela, les services fiscaux seront beaucoup plus actifs. M. Alain Claeys, rapporteur spécial : Monsieur le Président, heureusement qu'ils ont l'Agence de modernisation ! M. Jean-Pierre Delalande, co-président : Madame Soulas, par rapport à toutes ces difficultés et à ces évolutions, quelle assistance l'Agence apporte-t-elle dans tous ces domaines ? Comment travaillez-vous avec Bercy et le ministère de l'Éducation nationale ? Quelles sont, très concrètement aujourd'hui, les priorités que vous avez dégagées avec les présidents d'université, à la fois en termes d'amélioration pour outils de gestion et de compétences ? Il me paraît important que l'on voie clairement quels sont vos choix. Nous aimerions avoir des réponses précises Mme Josette Soulas : Il faut rappeler que l'agence est un Groupement d'Intérêt Public créé le 1er juin 1997. Il faisait suite à premier groupement public qui avait été créé en 1992 et dont l'objectif était de fabriquer des applications de gestion pour l'ensemble des universités. Il faut préciser que le passage du GIGUE (groupement d'intérêt pour la gestion informatisée) s'est traduit en fait par l'extension du périmètre d'activité de celle-ci au bénéfice des établissements. On a mis l'accent sur le fait que l'amélioration de la gestion ne passait pas seulement par les outils informatiques, mais par une amélioration de l'organisation, une prise en compte de la compétence des agents etc. L'agence a tout de même dû, dans ses premières années, assumer l'héritage du premier groupement. Quand vous avez développé des applications informatiques implantées sur un certain nombre d'universités et que d'autres les veulent, il convient d'abord d'assurer la couverture des attentes et des besoins en matière d'applications informatiques. M. Alain Claeys, rapporteur spécial : Vous portez le logiciel NABuCo ? Mme Josette Soulas : Nous portons donc NABuCo qui avait été développé auparavant et que l'Agence a récupéré. Au sujet de NABuCo, je veux dire que l'on a fait porter à l'outil informatique des dysfonctionnements dont il n'est pas la seule cause. Cet outil a été développé selon une formule un peu ancienne. Le principal reproche que l'on pourrait lui faire aujourd'hui touche à son ergonomie ; ce n'est pas un outil à la hauteur de l'environnement bureautique des personnels qui travaillent actuellement dans les universités, mais c'est un outil de gestion tout à fait convenable qui rend de grands services. M. Alain Claeys, rapporteur spécial : Quand la Cour dit dans son rapport que les limites de cet outil informatique sont de ne pas intégrer la comptabilité analytique, la gestion de trésorerie, l'analyse financière. Est-ce exact ? Mme Josette Soulas : Oui, c'est exact ! M. Alain Claeys, rapporteur spécial : Est-ce un outil dépassé ou pas aujourd'hui ? Mme Josette Soulas : Ce n'est pas un outil dépassé et le travail que nous faisons pour passer au NABuCo 2 étendra le périmètre de l'outil à des fonctionnalités comme la comptabilité analytique. Cela dit, je crois qu'il ne faut pas non plus surévaluer la notion de comptabilité analytique quand on parle de la gestion des universités et se cacher derrière son petit doigt. On ne passe pas du niveau où sont les universités aujourd'hui à la notion de comptabilité analytique sans un certain nombre d'étapes qui visent à apprendre à calculer les coûts -comme l'a souligné Jean-Yves Mérindol- et à intégrer des données qui ne le sont pas actuellement. Nous n'avons pas forcément besoin d'un outil qui fasse tout pour y arriver. M. Alain Claeys, rapporteur spécial : On pourrait faire le reproche à l'Agence, comme je l'ai déjà entendu, de s'intéresser aux demandes spécifiques des universités pour régler un certain nombre de petits problèmes, mais de ne pas se focaliser sur les enjeux de demain. Mme Josette Soulas : Non, l'Agence ne s'attache pas à répondre aux demandes spécifiques puisque l'orientation qui a été prise concernant les outils de l'agence est au contraire d'aller vers un standard. Cet outil devra, en principe, être entretenu par l'agence et permettre de réduire les coûts de l'informatisation, aussi bien au niveau central qu'au niveau des universités. Néanmoins, il laissera à l'université une marge de man_uvre et d'autonomie pour répondre à ces modes d'organisation particuliers. Autrement dit, NABuCo a également souffert du fait que l'on a empilé les spécificités de chacune des universités dans la conception de l'outil, ce qui a généré des coûts non seulement financiers, mais aussi en termes de complexité. Tout l'enjeu est donc de faire adhérer les établissements à l'idée que l'on a besoin d'un standard autour duquel des approches spécifiques n'ont pas forcément besoin d'être lourdement informatisées pour être prises en compte. Si l'on veut un outil qui traite cent pour cent des cas, cela nécessite un outil complexe. Nous n'avons pas les personnels pour pouvoir l'utiliser correctement dans les établissements. De plus, cela suppose des coûts de développement et de maintenance élevés. Or, l'une des missions qui ont été confiées à l'Agence à sa création est la mutualisation des efforts et des compétences pour essayer d'optimiser l'argent public. Le travail fait par l'Agence actuellement tend à démontrer comment, en termes d'organisation, d'apprentissage de gestion, on peut obtenir des résultats sans avoir recours à un outil informatique sophistiqué. M. Alain Claeys, rapporteur spécial : Ce qui me gêne, c'est que l'on ne peut pas dire en même temps qu'il manque des compétences à l'université et que l'on adapte l'outil informatique en fonction de cette compétence minimum. Si c'est le cas, l'une des priorités en la matière est la formation. Mme Josette Soulas : C'est ce que nous faisons parallèlement à ce travail sur l'outil. M. André Legrand : Monsieur le Président, pour ma part, j'ai pointé quatre reproches essentiels sur NABuCo dans le rapport de la Cour des comptes. La Cour dit que NABuCo est un outil comptable plus qu'un outil de gestion. La réponse est que l'outil dépend de l'utilisation qui en est faite. Par conséquent, la question sous-jacente ne porte pas sur l'outil, mais bien sur les personnes qui l'utilisent. On retrouve là le problème de la formation dont vous faisiez état, il y a un instant. L'outil permet de disposer en temps réel de toutes les informations nécessaires à un suivi de gestion. Sur ce point, le problème porte plus sur l'utilisation de l'outil que sur l'outil lui-même. La Cour précise que NABuCo a été livré avec retard. Je rappelle que la décision de réaliser NABuCo a été prise à l'été 1992 avec une date d'entrée en application fixée en janvier 1994. Le décret -dont nous n'avons pas toutes les suites puisque nous n'avons toujours que le premier tome de l'instruction- date du 14 janvier 1994. Par conséquent, les gens qui ont conçu NABuCo ont travaillé sans bases réglementaires stables, avec des variations dans la politique et dans les instructions ministérielles qui évoluaient constamment, contraints de reprendre la copie, chaque fois que la position du ministère évoluait. Il faudrait plutôt saluer la ténacité et l'abnégation de ceux qui ont fait ce logiciel dans de telles conditions plutôt que de les critiquer ! Troisième remarque... M. Alain Claeys, rapporteur spécial : On voulait que les choses soient dites ainsi. C'est très bien. M. André Legrand : La troisième remarque est de souligner que NABuCo est incomplet. Sur la comptabilité analytique, nous n'avons pas de position claire entre administrations de tutelle et utilisateurs. Par conséquent, sur ce point-là aussi, les responsabilités ne sont pas celles de l'outil ni exclusivement celles des utilisateurs. Sur la gestion des immobilisations et des amortissements, les instructions ne sont pas encore disponibles ; elles sont simplement en voie d'établissement. Je veux dire que là aussi, il y a un fantasme sur l'Agence de modernisation que l'on trouve dans un certain nombre d'endroits ; des bruits et des rumeurs circulent ; personne ne s'est donné la peine d'analyser très précisément la réalité et les données du problème. Enfin, quand on dit que NABuCo est trop cher, je veux rappeler d'abord que ce n'est pas le seul logiciel de l'Agence, et que ce reproche est général. Je pense que vous allez auditionner M. Le Guillou qui a fait pour l'Agence une étude dans le cadre du BETURE et qui vous donnera les indications chiffrées et précises. Au départ, la solution de mutualisation entre les universités a été portée exclusivement par la Conférence des présidents d'universités ; je rappelle les difficultés auxquelles elle se heurte. En effet, si nous avons un soutien politique fort de la part du ministère de l'Éducation nationale, de la Recherche et de la Technologie sur ce point, nous n'avons pas toujours le soutien administratif fort correspondant. Au sein des directions du ministère, on examine cette espèce de bête curieuse dans le paysage administratif avec un _il pas très complaisant. C'est tellement extraordinaire par rapport au modèle habituel que cela pose des problèmes, y compris de conception, à certains fonctionnaires du ministère. Je peux en parler ; j'y ai été. En gros, NABuCo représente pour les établissements un coût de 150 à 500 000 francs, sans compter les "à côté". Certes, cela ne couvre pas l'infrastructure. Cela dit, je crois que si chaque université s'était lancée toute seule dans l'aventure en négociant avec les fournisseurs privés, d'abord on aurait peut-être vu des choses que l'on n'a pas vues ; ensuite, je pense que cela aurait coûté beaucoup plus cher. Il y a là des éléments objectifs d'appréciation. M. Jean-Pierre Delalande, co-président : Président Collinet, qu'est-ce que tout ceci vous inspire ? M. Jean-François Collinet, président de la troisième Chambre de la Cour des comptes : Je voudrais dire qu'à aucun moment, la Cour n'a fait le procès de l'Agence, d'autant moins qu'elle n'a pas encore contrôlé l'Agence. D'autre part, je voudrais également dire que la Cour ne fait pas en soi le procès de NABuCo ; elle fait un certain nombre de constats sur les conditions dans lesquelles NABuCo est employé. Vous, vous avez fait une analyse des causes des anomalies relevées par la Cour. Permettez-moi également de faire l'observation suivante à l'intention de la mission : la mission entend des exposés absolument remarquables et d'une très grande pertinence sur la gestion des universités. Mais ces exposés vous sont présentés, concernant les présidents d'universités, par les deux universités qui comptent vraisemblablement parmi les mieux gérées de France ! Or, la Cour a fait des observations à partir de vingt-cinq universités. Je trouve que les explications sont extraordinairement pertinentes. On pourrait creuser certains aspects : M. Mérindol évoquait les petites associations occultes, très nombreuses dans les universités. Au regard de la création d'un établissement industriel qui s'occuperait des problèmes de valorisation, vous risquez de voir se multiplier ces associations occultes qui préféreront se cacher avec leur magot, plutôt que de le partager avec les universités. Surtout lorsque l'on considère que quand vous pratiquez une politique de péréquation, il vous arrive de prélever jusqu'à 10 % sur les réserves de nos universités. C'est un maximum au-delà duquel vous ne pouvez pas aller. Pour me résumer, vous entendez des observations remarquablement pertinentes sur la gestion des universités, mais qui ne sont peut-être pas tout à fait représentatives de la gestion moyenne relevée dans les universités. S'agissant de NABuCo en particulier, M. Legrand disait que NABuCo dépend aussi de ceux qui s'en servent. Il y a des universités où l'on s'en sert sans doute beaucoup mieux que dans d'autres, mais d'une manière générale, la Cour a relevé qu'il y avait un problème de formation des utilisateurs à la complexité de cet instrument. M. Jean-Yves Mérindol : Je voudrais ajouter un commentaire général sur NABuCo. Mon université a eu une démarrage anticipé avec NABuCo en tant que site pilote ; nous avons donc eu NABuCo avant le décret financier et nous avons pu expérimenter tout cela. Que s'est-il passé dans mon université et que s'est-il passé de façon générale ensuite ? Là où le budget initial de l'université concernait auparavant en gros le quart des dépenses réelles de l'université, dès l'année où l'on est entré dans l'esprit du logiciel et a fortiori dans ce qui a été défini dans le décret financier, on est arrivé dans le budget initial à quelque chose de très voisin du budget réalisé : entre 95 et 105 % du budget initial. Nous sommes donc dans des chiffres corrects, sachant que les ressources propres de nos établissements sont très importantes et donc aussi très fluctuantes. L'exercice n'est donc pas aisé. Deuxième conséquence qui, elle aussi, s'est généralisée partout : le budget qui était voté très tardivement auparavant, en avril de l'année en cours, est peu à peu remonté. Depuis trois ou quatre ans, il est voté en décembre de l'année précédente. Ce phénomène qui s'est propagé partout est une conséquence de ce que NABuCo -parfait ou non- et le décret financier ont fait entrer comme modifications dans les établissements. Cela dit, il y a certainement un point supplémentaire. On a parlé de comptabilité analytique ; je ne pense pas que NABuCo soit le levier pour faire entrer cette marche supplémentaire qu'est la comptabilité analytique. J'attire l'attention de votre mission sur le fait qu'en comptabilité analytique, on va buter sur des difficultés qui ne relèvent pas uniquement de la formation ou de logiciel. Qu'est-ce que devient la comptabilité analytique pour la recherche sachant que la moitié du budget de la recherche effectuée dans les laboratoires relevant de mon établissement se retrouvent dans le budget d'un autre établissement. Les deux sont des établissements publics ; je ne parle pas d'associations. Je ne sais toujours pas. Ai-je envie de dépenser une énergie folle pour faire de la comptabilité analytique, sachant que je ne peux avoir une vision claire que sur partie de ce qui va se réaliser ? Non, je ne vais pas dépenser une énergie folle là-dessus. En revanche, je vais être obligé, pour des raisons que j'ai explicitées, de dépenser beaucoup d'énergie pour le calcul des coûts. Il y a là un vrai chantier, nécessaire, qui devra être entamé. M. Alain Claeys, rapporteur spécial : Justement, parlons des amortissements. Tout le monde s'accorde à dire qu'il faudrait une politique d'amortissements. Par quelles difficultés expliquez-vous la quasi-absence de cette politique ? Comment peut-on mettre une politique d'amortissements aujourd'hui au sein des universités, surtout avec la complexité des co-financements de U3M ? M. André Legrand : C'est certainement l'un des aspects les plus complexes. Il y a deux problèmes : amortissements et provisions. Là non plus, nous n'avions pas de politique de constitution de provisions. Je pense qu'un certain nombre d'universités commencent à se poser un certain nombre de questions sur les risques à couvrir. Quand on fait de la formation continue, on a des risques sur l'emploi. Un certain nombre de politiques se mettent en place petit à petit, mais il faut reconnaître que c'est encore balbutiant. Les problèmes vont commencer dans les travaux qui sont menés avec le ministère des Finances -curieusement plus qu'avec le ministère de l'Éducation nationale- sur le problème de l'instruction d'application du décret de 1994. En particulier, nous serons obligés un jour de constituer ce qui commence à ressembler à un budget consolidé avec une prise en compte des éléments du patrimoine. Il y a aussi des difficultés techniques et des difficultés d'ordre politique. Nous sommes tous très conscients, en tant que présidents d'universités, que tout le monde ne suit pas le petit doigt sur la couture du pantalon quand nous claquons des doigts. Il faut replacer cela dans la sociologie universitaire dans laquelle les élus ne sont pas l'autorité mais le primus inter pares avec un management et une gestion du changement qui ne reposent certainement pas sur le modèle hiérarchique. Nous voyons constamment dans nos conseils composites, les difficultés que nous pouvons avoir à faire prendre en compte un certain nombre de questions de ce type par les membres des conseils. Il me semble que, là aussi, le point de démarrage sera sans doute le problème des matériels parce que cela correspondra à un enjeu très fort pour un certain nombre de collègues. Toute la question sera celle de la gestion du changement et du point par lequel on pourra faire prendre conscience à un certain nombre de nos mandants de l'intérêt et de l'importance que représente cette question. Je ne me fais pas d'illusion sur notre capacité à passer du néant à la plénitude ; on ira sans doute très progressivement, secteur par secteur. M. Jean-Pierre Delalande, co-président : Quand on vous écoute, on mesure mieux l'extraordinaire complexité de la tâche qui est la vôtre et la diversité des problèmes que vous avez à résoudre. Cela dit, il ressort aussi un sentiment d'une grande difficulté pour vous à avoir une visibilité de l'avenir. Cela ressort assez fortement de ce que vous nous dites. Je me demande si l'on ne pourrait pas imaginer une autre contractualisation : plutôt que d'être affectataires de vos locaux, que vous en soyez complètement responsables. C'est-à-dire que vous puissiez imaginer une politique de travaux, une politique d'amortissement. De même en ce qui concerne les personnels, quitte à ce que cela soit négocié avec l'État annuellement dans le cadre d'un plan pluriannuel de trois ou quatre ans. En d'autres termes, j'ai envie de vous dire, compte tenu de la complexité que vous avez à gérer, et à l'instar de : "dessine-moi un mouton", dessinez-moi l'organisation qui, vue de votre fonction, vous paraîtrait la meilleure, la plus efficace -on n'atteint jamais l'idéal-, celle qui emporterait le meilleur bon sens. M. André Legrand : J'ai peu d'expérience de la négociation contractuelle. J'ai négocié en catastrophe un contrat avec deux ans de retard pour des raisons liées à la situation particulière de mon université puisque mon prédécesseur avait démissionné et qu'il y avait eu une période d'administration provisoire de plusieurs mois entre les deux présidents. J'ai donc été amené à reprendre en catastrophe une copie qui avait été déjà largement ébauchée par mon prédécesseur. J'ai le sentiment d'avoir conclu un bon contrat avec le ministère. En même temps, le sentiment que j'en ai tiré est que ce que contrat était encore fortement parcellisé entre un volet patrimoine, un volet recherche, un volet formation et pédagogie, un volet relations internationales et, un volet vie de l'étudiant. Par conséquent, il nous manque une certaine souplesse dans la conduite de la politique. J'ai également le sentiment aussi que figurent à l'intérieur du contrat des positions de principe et des aspects dont la réalité n'est pas très forte. Je suis favorable à l'idée de disposer dans les universités des éléments de la gestion. Mon inquiétude est pour la suite. Actuellement, je vis une expérience quelque peu traumatisante en essayant de me préparer au plan U3M. Mon premier travail en tant que président a été d'essayer d'établir une programmation : compte tenu des problèmes auxquels je suis confronté comme le manque d'espace -le ministère reconnaît qu'il me manque 15 000 mètres carrés-, du fait qu'une partie de mes locaux sont des préfabriqués, du fait que j'ai des problèmes d'ordre public sur mon campus et que j'aimerais pouvoir mieux identifier les accès et les circulations pour éviter certains incidents très désagréables. Voilà ce que je souhaiterais voir s'instaurer dans les cinq ou six ans qui viennent. M. Jean-Pierre Delalande, co-président : Bref, comme un maire avec une M 14 ! M. André Legrand : Exactement. Je suis même allé plus loin : j'ai lancé un marché de définition, mis en concurrence des cabinets d'architectes pour demander de me dessiner mon campus dans cinq ou six ans en expliquant ce que l'on veut y faire, ce que l'on veut y installer, nos préoccupations. J'ai reçu le projet et j'ai choisi avec un jury le projet définitif. Bref, je suis prêt. Ma grande inquiétude, alors que j'ai pourtant le sentiment de ne pas avoir demandé la lune ou des choses exorbitantes, est de ne pas recevoir les crédits nécessaires. M. Jean-Yves Mérindol : Il faut se rendre compte que l'on a actuellement trois sources principales de financements des pouvoirs publics, même s'il en existe au total une trentaine : 1.- une source dite normée, qui arrive par des systèmes assez précis de répartition de moyens sur des critères assez objectifs, mais discutés ; 2.- les dotations contractuelles qui proviennent soit de questions liées à la recherche, au patrimoine, à la pédagogie etc. et qui relèvent de la négociation du contrat d'établissement ; 3.- les ressources qui proviennent des contrats de plan État-région. Ces contrats de plan représentent des sommes non négligeables du tout pour les établissements. J'ajoute une nuance importante : l'essentiel de ces crédits ne sera jamais inscrit au budget des établissements. Par exemple, quand la maîtrise d'ouvrage qui assure la construction d'un bâtiment relève de l'État ou des collectivités, elle n'apparaîtra pas au budget de l'établissement. Pour une université comme la mienne, les deux premières ressources cumulées -ressources contractuelles et provenant du système normé- représentent un peu plus de 150 millions de francs par an. Le montant provenant du contrat de plan État-région, qui s'est négocié plus simplement en province qu'à Paris et que l'on connaît déjà, intéressant directement ou indirectement mon université et représente 100 millions de francs par an. Il s'agit d'une somme très importante qui relève d'une forme de négociation très différente. Si l'on veut dessiner un rêve, rêve qui a des conséquences difficiles et inaccessibles, en tout cas immédiatement, il serait logique d'avoir une vraie discussion où l'on négocie au même moment et en même temps, avec les mêmes interlocuteurs, les sommes destinées à la construction des bâtiments ainsi que celles émanant du contrat quadriennal pour être capables, ensuite, d'avoir les financements permettant le fonctionnement des constructions ou des installations. Actuellement, nous n'avons pas cette discussion d'ensemble. D'un certain point de vue, c'est presque agréable pour le président de l'université car le seul point continu dans cette affaire est l'université ; c'est-à-dire que l'université discute avec des interlocuteurs pour avoir telle construction pour telle raison. Ensuite, c'est la même université qui va en discuter avec d'autres en disant qu'elle a cette construction et qu'elle aimerait disposer de moyens pour la faire fonctionner etc. Quand tout se passe bien, c'est idéal ; quand cela se passe mal, il y a décrochage. Actuellement, nous n'avons pas de système simple de financement public. En même temps que je vous dis cela, je pense qu'un système simple aurait, le cas échéant, quelques conséquences redoutables. Le système simple que l'on pourrait imaginer serait celui d'un seul financeur qui, pour des raisons qui peuvent être bonnes ou mauvaises, aurait tout pouvoir d'appréciation et de décision. La France étant ce qu'elle est, dans l'état actuel des choses, je verrais le financeur en question sous l'angle de la centralisation, ce qui est une inquiétude pour moi. On est donc dans un mécanisme complexe qui a des conséquences en matière d'affectation du patrimoine. Cela a souvent été discuté et de nombreux présidents d'universités ne verraient aucune objection à ce que le patrimoine soit en pleine propriété aux universités. D'autant que nous avons actuellement tous les inconvénients du propriétaire : en cas d'incident, comme un maire, nous avons une responsabilité pénale. Mais nous n'en tirons aucun avantage. En particulier, nous n'avons pas la capacité de pouvoir décider de vendre tel patrimoine dont nous n'avons plus besoin et de reconstruire quelque chose ailleurs. Des progrès possibles et utiles pourraient être envisagés en la matière. Pour les personnels, les contrats d'établissements ont varié dans leur philosophie. Le contrat qui a été signé dans mon université en 1997 comportait une prévision sur quatre ans des emplois qui seraient créés tant pour les enseignants que pour les ATOS. La dernière année a été 1998-1999. Ce système qui intégrait des prévisions concernant les emplois a été arrêté. Il avait également connu quelques oscillations auparavant ; donc je ne désespère pas que cela revienne dans la discussion. Cela fait partie du choix des politiques, en tout cas du ministère. M. Alain Claeys, rapporteur spécial : Ce que dit M. Mérindol est important. A mon avis, c'est l'un des sujets qui nous attend. C'est l'État qui a introduit encore plus de complexité le jour où il a décidé de partager sa compétence avec les collectivités locales en matière universitaire. Ce fut une bonne chose pour les universités car il y a eu un effet de levier très important en matière d'investissement, mais cela va créer au niveau de la maîtrise d'ouvrage des débats et des complexités très grandes. Cela dit, je vois mal -je comprends bien votre demande- l'utilité de négociations à un moment donné, tant en matière d'investissement qu'en matière de fonctionnement. Je vois mal une collectivité demain mettre le doigt dans cet engrenage. Autant les collectivités ont été prêtes à s'engager dans les investissements, autant elles auront toujours des réticences au niveau du fonctionnement. Une dernière question qui est peut-être un non sens. Concernant les réserves, M. Michel Garnier nous a confirmé que le chiffre était de six milliards de francs. La Direction de la comptabilité publique précise que ce chiffre regroupe beaucoup de choses très différentes. Quelle appréciation portez-vous sur cette notion et comment voyez-vous les choses ? M. André Legrand : Ce qui est sorti dans les statistiques ministérielles sous le nom de réserves est une addition de carottes et de choux. Par conséquent, cela n'a aucun rapport. Il y a ici un mathématicien bien plus compétent que moi qui vous expliquera que cette addition est peut-être possible. En tout cas, cela n'a aucun rapport, notamment parce que l'on y retrouve des éléments extrêmement disparates. Sur ce point, les progrès dans la réglementation comptable vont sans doute nous aider à y voir plus clair en insistant sur la réalité des notions opérationnelles. Quand je lis dans le tableau du ministère qu'une université comme Paris XI a exactement le même montant de réserves que l'université de Paris X, je ne peux pas comprendre. On ne me fera pas croire que mon université, largement de lettres et de sciences humaines, est dans la même situation financière qu'une grosse et puissante université scientifique voisine ! Le chiffre apparaît d'autant plus clairement que l'on est juste l'un en dessous de l'autre. On a essayé de faire une analyse. J'ai fait des petits sondages sur les raisons pour lesquelles on retrouvait ces chiffres. On a des situations qui correspondent à des crédits non utilisés, parfois pour des raisons de dotations tardives. L'université de Cergy, très particulière en tant qu'université nouvelle, ayant eu beaucoup de crédits au titre de la maîtrise d'ouvrage, signalait qu'elle avait eu des notifications de crédits importantes en décembre de l'année ! Ces crédits sont donc nécessairement reportés sur l'année suivante, car il est hors de question de les utiliser au moment où ils sont notifiés. A cet égard, il faudrait procéder à une analyse beaucoup plus technique. Je peux vous laisser une note technique concernant l'université de Paris X où il apparaît que, contrairement à ce que dit le ministère, la réalité des réserves disponibles a baissé entre 1995-1996 et 1997-1998, en particulier en 1998 où l'on est passé de 32 à 24 millions. Cela correspond à un nombre de jours de fonctionnement qui est loin d'être excessif. Si l'on tombait en dessous, cela mettrait sans doute en danger bon nombre d'opérations de paiement. Je pourrais également vous laisser une note qui a été faite par un autre membre du bureau de la Conférence des Présidents d'Université; mon collègue Gérard Binder, sur l'université de Mulhouse, qui montre là aussi que l'on a additionné dans tout cet ensemble des choses très disparates. M. Alain Claeys, rapporteur spécial : Concernant l'Agence, je voudrais préciser que nous avions déjà eu une discussion avec Mme Soulas et que l'Agence nous a fait toute la clarté sur l'ensemble des éléments la concernant. Je voulais en remercier Mme Soulas. Cela explique aussi que nous n'ayons pas pris le temps de parler de l'Agence. M. Jean-Pierre Delalande, co-président : Je vous remercie beaucoup. La séance est levée à onze heures cinquante. Laisser cette page blanche sans numérotation 3.- Auditions de M. Daniel Le Guillou, Directeur de la qualité et de l'audit et de la qualité de la Société centrale immobilière de la Caisse des dépôts et consignations ; de Mme Hélène Lamicq, Présidente de l'Université de Paris XII ; de M. Dominique Gentile, Président de l'Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines ; de M. Gérard Binder, Président de l'Université Mulhouse-Haute-Alsace (Extrait du procès-verbal de la séance du jeudi 24 février 2000) Présidence de M. Jean-Pierre Delalande Après avoir accueilli M. Daniel Le Guillou, Directeur de l'audit et de la qualité de la Société centrale immobilière de la Caisse des dépôts et consignations, Mme Hélène Lamicq, Présidente de l'Université Paris XII, M. Dominique Gentile, Président de l'Université Versailles-Saint-Quentin en Yvelines, et M. Gérard Binder, Président de l'Université Mulhouse-Haute-Alsace, M. Jean-Pierre Delalande, Président, a donné la parole au rapporteur spécial afin de prolonger les réflexions engagées lors des précédentes auditions. M. Alain Claeys, rapporteur spécial : Merci Monsieur le Président. Madame, Messieurs, peut-être allons-nous commencer par un non universitaire, M. Daniel Le Guillou qui travaille à la Caisse des dépôts et consignations. Si mes informations sont exactes, vous êtes conduit à jouer un rôle d'expertise et d'audit auprès d'un certain nombre d'universités dont deux sont représentées ici aujourd'hui. Je voudrais avoir votre sentiment sur ces expertises : dans quelles conditions vous les avez effectuées et ce travail était-il en lien avec l'Agence de modernisation ? Etiez-vous mandaté par l'Agence de modernisation des universités ou vous avait-il été demandé par les universités ici présentes ? Par ailleurs, s'agit-il d'une intervention systématique ou de nature ponctuelle ? Lors d'une précédente audition, M. André Legrand, Premier vice-président de la Conférence des Présidents d'Université (CPU), nous a indiqué que vous aviez réalisé une étude sur les coûts générés par le logiciel Nabuco. Je voudrais donc savoir quelle appréciation vous portez sur cette application ainsi que sur la nouvelle version qui devrait apparaître dans les prochains mois. Enfin, je souhaiterais savoir quels sont les principaux enseignements que vous tirez de ce travail, ce qui est très important car en lien direct avec les instruments de gestion. Voilà une première série de questions pour commencer cette audition. Nous aurons ensuite une multitude de questions à poser aux présidents d'Université, parfois suscitées par nos précédentes auditions et des remarques de membres de la mission d'évaluation et de contrôle sur certaines difficultés comme la multitude de maîtrises d'ouvrage, par exemple. M. Daniel Le Guillou : Bonjour Mesdames et Messieurs les parlementaires. Une précision tout d'abord : je suis effectivement Directeur de l'audit et de la qualité du groupe SCIC qui est une des filiales de la Caisse des Dépôts mais ce n'est pas à ce titre que j'interviens auprès des universités ; c'est plutôt au titre de consultant ou d'expert, et non en tant qu'auditeur. Pourquoi la Caisse des Dépôts a-t-elle été amenée à s'intéresser à la gestion financière des universités ? Il se trouve que dans le groupe SCIC auquel j'appartiens, nous assurons, depuis une dizaine d'années déjà, des missions d'assistance à maîtrise d'ouvrage pour la construction d'universités. Nous sommes, en particulier, intervenus assez fortement dans le cadre du plan « Universités 2000 ». Certains présidents d'université nous ont sollicités, à cette occasion, sur des questions qui avaient trait, non plus seulement à l'assistance à maîtrise d'ouvrage, mais également au financement de ces constructions qui n'étaient pas toutes assumées par l'État ou par les collectivités locales. C'est d'ailleurs le cas de l'université Paris XII, ce qui me permet de faire la liaison avec la deuxième partie de votre première question. A l'université de Paris XII, il y a quatre ans, on nous a dit : "On a un plan relativement important de restructuration de notre université pour un montant de plusieurs centaines de millions de francs. Nous avons une partie des financements. Cela étant, d'une part nous n'avons pas tous les financements et, d'autre part, il nous faut envisager le renouvellement de certains matériels et équipements. Comment faisons-nous ? Au-delà de la mission d'assistance à maîtrise d'ouvrage que nous vous confions -mission complètement commerciale d'une filiale de la Caisse des Dépôts en l'occurrence- comment pouvez-vous également nous aider dans l'appréciation de nos marges de man_uvre financière ?" Il s'agit d'un résumé mais l'idée était bien celle-là. M. Alain Claeys, rapporteur spécial : Pour l'assistance à maîtrise d'ouvrage et, éventuellement, la recherche de financements, vous êtes intervenu dans le cadre d'Université 2000, en dehors de la contractualisation naturelle entre les collectivités locales et l'État, pour des programmes d'investissement auto-financés par les universités. Est-ce bien de cela qu'il s'agit ? M. Daniel Le Guillou : Les programmes n'étaient pas forcément auto-financés, mais portaient dans tous les cas sur des constructions pour les universités. M. Alain Claeys, rapporteur spécial : Dont l'université était maître d'ouvrage ? M. Daniel Le Guillou : Non, elle n'était pas forcément maître d'ouvrage mais le rectorat pouvait l'être. C'est le cas de l'Université de Versailles, par exemple. J'étais directeur financier de la filiale en charge de l'assistance à maîtrise d'ouvrage - G3A en l'occurrence -, qui ne travaille pas uniquement avec les universités mais également dans le domaine des grandes équipements. A titre d'exemple, cette société a construit la Grande Arche de la Défense, il y a quelques années. Cette filiale cherchait à diversifier ses produits et s'est donc lancée dans cette voie au titre de missions concurrentielles comme d'autres peuvent le faire auprès d'universités. Nous n'avons pas de relations privilégiées ; il y avait simplement une synergie entre notre assistance à maîtrise d'ouvrage et notre expertise financière. Voilà comment le partenariat commercial est né entre certaines universités et une filiale de la Caisse des Dépôts sur le thème de la gestion financière des universités. Depuis, chemin faisant, nous avons travaillé avec une dizaine d'universités sur le thème de la modernisation de la gestion financière (un document vous a été transmis qui détaille ces interventions). Concrètement et sans prendre trop de temps, il y a deux pistes essentielles de travail... M. Alain Claeys, rapporteur spécial : Je vous interromps pour interpeller les deux présidents d'université ici présents. S'agissant du conseil en gestion, la Caisse des Dépôts est-elle plus efficace que l'Agence de modernisation ? Mme Hélène Lamicq : La question ne s'est pas posée en ces termes à l'époque : l'Agence de modernisation n'existait pas au moment où nous avons fait appel à la Caisse des Dépôts et il n'y a pas concurrence sur ce type d'expertise entre les uns et les autres. M. Dominique Gentile : Ma réponse va à peu près dans le même sens, même si au moment où il a été fait appel à la Caisse des dépôts - à une époque plus récente que l'université de Paris XII - l'Agence existait. Je rejoins cependant ce qui vient d'être dit, à savoir qu'il n'y a pas concurrence. M. Alain Claeys, rapporteur spécial : Pourquoi ce choix de la Caisse des Dépôts ? Votre université est-elle adhérente à l'Agence de modernisation ? M. Dominique Gentile : Je suis adhérent à l'Agence de modernisation et travaille avec elle sur un certain nombre de sujets ponctuels. Je pense notamment à la question, qui a d'ailleurs été traitée plus globalement dans le cadre du travail que nous avions confié à la Caisse des Dépôts, de la réduction des heures complémentaires. L'objectif, dans ce travail demandé à la Caisse des Dépôts, n'est pas concurrentiel encore une fois, mais plutôt complémentaire d'actions plus ponctuelles que je considère comme étant utilement réalisés par l'Agence de modernisation. M. Jean-Jacques Jegou : D'après ces premières indications, il me semble que M. Le Guillou nous explique qu'il est plus un prestataire de services qu'un contrôleur. Pouvez-vous scinder ces deux activités, à moins de penser que si les universités ont choisi la Caisse des Dépôts, c'est davantage en raison de sa capacité à trouver des financements et à monter des dossiers que de l'aide qu'elle peut apporter dans la gestion financière. M. Jean-Pierre Delalande, président : Pour compléter la question de M. Jean-Jacques Jegou, dans le cadre de votre intervention, quels sont les problèmes auxquels vous avez été confrontés dans le montage de projets et face à la diversité des financements ? Vos interventions vous ont-elles paru procéder d'une logique claire ou êtes-vous obligé d'improviser dossier par dossier pour tenter d'établir les financements, les procédures et la mise en oeuvre ? M. Daniel Le Guillou : Oui à la question expertise et prestations plutôt que contrôle. Nous n'avons aucunement vocation au contrôle, il y a d'autres institutions en France pour cela. Pour terminer rapidement la première partie de la réponse que je souhaitais faire, je vous expliquais comment était nés, en fin de compte, la synergie, le partenariat, avec l'université sur les aspects de gestion financière et d'analyse critique au sens plein du terme -positif et négatif- de cette gestion et non pas de financement ni d'optimisation des financements, ce qui est encore autre chose. A cette occasion -et cela me permettra de faire le lien avec la question sur l'Agence (qui n'était pas l'Agence à l'époque mais le GIGUE- l'Agence a estimé qu'il convenait de profiter du travail réalisé avec l'université sur l'appréciation de la gestion financière, la pratique de cette gestion, et non des financements- pour lancer une expérience pilote avec deux autres universités, à savoir celles de Pau et de Saint-Etienne. L'optique était le même : disposer d'une appréciation sur les pratiques de gestion et les marges de man_uvre de l'université et les aider à planifier leurs ressources dans le cadre notamment du contrat quadriennal signé avec l'État. M. Alain Claeys, rapporteur spécial : Avant d'en venir aux opérations pilotes, je souhaiterais obtenir une précision sur le point de vue que vous avez sur cette gestion, et revenir sur le logiciel Nabuco qui est un outil de gestion sur lequel une étude vous avez été demandée. Il serait intéressant ensuite de connaître ce que vous avez mis en place sur ces sites pilotes. M. Daniel Le Guillou : C'est la synthèse du constat et du diagnostic qu'on a pu faire. Au delà de ces deux universités pilotes, il y a eu ensuite des missions classiques de prestataires de services comme celle qui a été menée avec l'Université de Versailles-Saint-Quentin. Ces missions ont, en général, deux objectifs. L'équipe dirigeante de l'université nous demande, d'une part, de porter un avis critique sur les pratiques de gestion de l'université et on rejoint les thèmes que vous avez déjà évoqués lors des précédentes auditions - notamment ceux abordés dans le rapport de la Cour des comptes - ; d'autre part - ce qui est peut-être le plus fondamental - de l'aider à planifier, sur le plan financier, le contrat quadriennal que les universités signent avec l'État, ce qui n'était pas forcément le cas jusqu'à présent, c'est une litote de le dire. Le contrat constitue un texte d'une centaine de pages, en général bien fait, plutôt complet, mais rarement accompagné d'un tableau ou de plusieurs sur le plan de financement ou plan d'affaires, comme on le voit dans d'autres entreprises publiques ou privées, ou même dans certaines collectivités, aujourd'hui. En fin de compte, notre travail porte, à travers une analyse critique des pratiques de gestion, sur les amortissements, les provisions, la césure annuelle. Au-delà de ce travail méthodologique, il s'agit d'aider les établissements, dans le cadre de la réglementation actuelle - parce que nous nous situons dans le cadre de la circulaire comptable M9-3, qui offre de larges potentialités d'action - à établir un plan d'affaires sur quatre ans, avec des projections stratégiques sur les effectifs étudiants, les hypothèses de subventions de l'État et de ressources propres. Même travail côté produits, charges et investissements, hypothèse sur les coûts de fonctionnement, les plans de restructuration du patrimoine quand c'est le cas - ils sont actuellement importants dans les universités. En deux mots, le travail d'analyse critique des pratiques de gestion est donc plutôt un travail de consultant et d'auditeur - sans une sanction d'auditeur au sens anglo-saxon- et de conseil pour établir un plan de financement sur les quatre ans du contrat triennal. Pour en tirer une synthèse, relativisons d'abord mon propos : 10 universités sur 85, je suis loin du domaine investigué par la Cour des Comptes, qui a examiné 25 établissements, je crois. Sur le fond, nous constatons d'importantes évolutions depuis le travail que nous avons commencé en 1995, même si les avis critiques qu'on pouvait porter, assez proches de ceux formulés dans le rapport de la Cour des Comptes, demeurent globalement sur les universités. Beaucoup de choses bougent effectivement, qu'il s'agisse de politique d'amortissement, de réglementation comptable en matière de césure annuelle notamment qui constitue un point important. On manque de vision, dans les universités, sur la césure annuelle : quel type de charges impute-t-on sur l'année N, sur l'année N + 1, quel type de produits... ? C'est un véritable problème pour avoir une visibilité économique. Nos travaux portent principalement sur cet aspect. Quand on souhaite connaître le coût de fonctionnement de l'université en régime de croisière, c'est bien ce travail sur la césure annuelle qui est important et il y a là-dessus de grands enseignements à tirer, toujours dans le cadre du respect de la réglementation actuelle. On peut très bien évoluer. M. Pierre Hériaud : Dans la note qui nous a été remise, on voit bien la transformation du contexte dans lequel évoluent les universités, ainsi que les enjeux qui en découlent pour les présidents d'université et les équipes de direction, et le bien fondé de la prestation de service que vous apportez en matière de conseil. M. Jean-Pierre Delalande, président : Encore qu'on pourrait se demander si une partie de ces travaux ne pourrait pas être réalisée par les secrétaires généraux et l'administration. M. Pierre Hériaud : Je voulais simplement prolonger les questions précédentes. On dit notamment que vous travaillez depuis cinq ans. Or, depuis cinq ans, il y a des projets, des réalisations, des mesures, et des écarts éventuellement. C'est le point qui m'importe actuellement. Les business plans dont vous avez parlé, etc., tout cela, c'est bien, mais sur les travaux de synthèse, les résultats et les tableaux de financement prévisionnel -la trésorerie prévisionnelle étant d'ailleurs différente de la gestion-, nous n'avons pas d'éléments, le rapport est muet là-dessus. Il serait quand même intéressant d'avoir des notes de synthèse à cet égard car il doit y avoir, en cinq ans, des réalisations parfaites avec des prévisions ou des écarts. Et les prévisions sont-elles, elles-mêmes, en décalage avec la situation antérieure ? Cet aspect m'intéresse particulièrement pour compléter les questions précédentes. M. Alain Claeys, rapporteur spécial : J'ai envie de m'adresser à Madame la Présidente et à Monsieur le Président. J'ai entendu M. Le Guillou. Vivez-vous votre autonomie avec de meilleurs outils, aujourd'hui, suite à cet audit ? Avez-vous pu mettre en place un certain nombre de choses ? Est-ce que cela se traduit très concrètement au niveau de la préparation du budget ? M. Dominique Gentile : Vivons-nous bien notre autonomie ? Nous la vivons. Pour reprendre l'expression utilisée dans le rapport de la Cour des Comptes, c'est quand même une autonomie toute relative, peut-être entre guillemets, "en trompe l'_il", pour de nombreuses raisons. Je vais élargir un peu ma réponse par rapport à la question dans le prolongement de ce qu'a dit Daniel Le Guillou. En ce qui concerne l'université de Versailles-Saint-Quentin, par exemple, la Caisse des dépôts n'a pas joué un rôle de contrôleur, mais de prestataire de services, et surtout de partenaire. Je souhaitais, en faisant appel à cette structure, mettre en place une politique qui soit cohérente, et dont un des leviers soit une gestion financière et lisible. Il est quand même assez difficile de bien vivre l'autonomie dont vous me parlez lorsque des décalages permanents se produisent -dont je n'attribue l'existence à personne- par exemple, un décalage entre ce vote du budget, qui a lieu dans les temps au niveau de l'université, et l'arrêt des comptes qui, lui, est tout à fait décalé. Lorsque j'ai été élu président d'université il y a deux ans, les comptes des services 1995, 1996 et 1997 n'étaient pas arrêtés. Cela a d'ailleurs été une difficulté rencontrée par la Caisse des Dépôts pour travailler en termes prévisionnels. M. Alain Claeys, rapporteur spécial : J'en ai fait part au Directeur de la Programmation du ministère. M. Dominique Gentile : Je le sais. C'est un des objectifs prioritaires du travail mené, qui a été atteint et bien atteint, de traduire financièrement les objectifs liés, par exemple, à un contrat quadriennal. Mais, dans le même temps, comme je l'ai indiqué dans la note qui vous a été fournie, le contrat quadriennal concernant nos universités n'est toujours pas signé. Il était donc assez difficile de pouvoir travailler sur des bases relativement solides et objectives. C'est, entre autres, la difficulté -car je crois qu'il y a beaucoup d'autres exemples mais je fais confiance à ma collègue de Paris XII pour en citer d'autres- de cette autonomie toute relative que l'on vit de toute façon et que l'on vit relativement bien. Mme Hélène Lamicq : Un des éléments de réponse à votre question tient dans le temps long que nous vivons. Nous assurons le service public d'enseignement supérieur et de recherche de ce pays, et ce dispositif s'articule autour d'universités qui sont des établissements publics autonomes depuis 1984, loi qui a accentué cette autonomie par rapport à la première loi instituant les universités, en 1968. Par rapport à la longue histoire des universités, aussi bien en France qu'en Europe, ce dispositif est récent. Si on le compare à des dispositifs d'autres pays européens, il est notable de remarquer que les modes de régulation interne qu'il prévoit sont des modes de régulation qui donnent aux universités et à leurs présidents des marges de man_uvre que nous sommes encore loin d'avoir toutes conquises. Mon analyse est donc que nous sommes dans une mutation de culture avec une baisse tendancielle du poids de la tutelle et une augmentation tendancielle de la construction et de l'autonomie des universités dont nous sommes acteurs. M. Alain Claeys, rapporteur spécial : Pouvez-vous illustrer ce point de vue en précisant quel espace de liberté vous pouvez conquérir dans le cadre actuel et que vous n'avez pas encore conquis ? Mme Hélène Lamicq : Il n'y a pas de conquête agressive. Il s'agit d'une mutation conjointe de l'administration centrale et du ministère, et de chaque université, ce qui explique, à mon avis, le rythme inégal dans lequel les universités françaises sont entrées dans la construction de l'autonomie. Ce préambule étant posé, il y a différentes attitudes. Je fais partie des gens qui pensent que l'université est une chose un peu trop sérieuse pour la laisser aux seuls universitaires et que nous avons beaucoup à gagner à multiplier, en tout cas à bien choisir, des partenariats. Le choix de la Caisse des Dépôts comme partenaire s'inscrit dans ce mouvement. Un regard externe de gens habitués à travailler, notamment avec les collectivités locales (je viens du secteur de l'urbanisme et cela m'a peut-être aidé à identifier ce type de partenariat) ne peut qu'aider un président qui est à la fois en charge de la représentation de la mission de service public, et de la direction et l'orientation d'un établissement public autonome. Ceci étant dit, nous sommes confrontés à toutes les contraintes que l'histoire et la réglementation ont tissées autour de la naissance du service public, qui sont des sédimentations historiques dont vous êtes beaucoup plus compétents que moi, les uns et les autres, pour dénouer les origines qui nous paraissent parfois absurdes. Et si j'affirme résolument que nous vivons notre autonomie avec de meilleurs outils qu'il y a simplement cinq ans -et le domaine financier en est, à mon avis, un excellent exemple, même si des avis peuvent être très divers dans cette salle-, je crois qu'il y a aussi des marges de progrès considérables dans des domaines essentiels de notre autonomie. La gestion des ressources humaines, pour un président d'université, est un casse-tête redoutable. Nous sommes, comme vous le savez, dans un système de fonction publique, aussi bien pour les enseignants chercheurs, c'est-à-dire pour la partie qui représente la compétence pédagogique et scientifique -et qui est une université sans cette compétence ( ?)- aussi bien que pour le domaine administratif et technique sans lequel jamais les étudiants ne rencontrent les enseignants dans la bonne salle, à la bonne heure. C'est une vision un peu réductrice mais je fais partie des gens qui pensent qu'on n'administre pas des établissements de la taille des nôtres sans une administration solide et solidement encadrée au haut niveau, et on a ici un problème qu'on ne peut pas nier. Mais nous n'avons qu'une marge de man_uvre extrêmement réduite et une autonomie extrêmement faible sur la gestion des ressources humaines, c'est-à-dire sur l'adjonction de compétences à chacune de nos universités. L'autre domaine sur lequel je risquerais d'être prolixe, et je ne vais faire que le citer, c'est le domaine patrimonial. L'immobilier fait partie du domaine de l'État dans la plupart des cas. Depuis 2000, un certain nombre de bâtiments appartiennent aux collectivités locales -c'est la première grande exception à cette situation- et il est clair que les présidents d'université n'ont qu'une marge de man_uvre extrêmement réduite dans ce domaine. Pour avoir tenté d'emprunter pour construire un bâtiment universitaire, je vous fais l'économie de la longue histoire d'une demande d'emprunt par un président d'université. Nous n'avons aucun accès direct au marché financier -je rejoins votre préoccupation d'aujourd'hui- c'est-à-dire que ce que nous pouvons construire comme meilleur outil de pilotage financier -et nous avons vraiment progressé là-dessus- se heurte à l'éventuel refus de gens qui n'ont pas suivi nos travaux et qui ne les connaissent pas nécessairement. M. Alain Claeys, rapporteur spécial : Notre collègue Gilles Carrez, lors de la première audition, faisant état, je crois, de votre université, parlait des difficultés des universités confrontées à la multitude des maîtrises d'ouvrage. C'est un point important, appelé à se développer avec la contractualisation que l'État engage de plus en plus avec les collectivités locales. Quelles difficultés avez-vous pu rencontrer sur ce sujet ? Deuxième chose : vous nous direz peut-être un mot sur vos réserves et leur mobilisation. Sur ce sujet des réserves, je crois qu'il existe une forme de mutualisation, Monsieur Gentile, dans votre université. Je ne sais pas si vous mettez en application ce qu'avait proposé l'Inspection générale de l'Éducation nationale, à savoir un droit de tirage, mais je crois que ce sujet préoccupe la commission. Mme Hélène Lamicq : Nous venons d'une situation où la maîtrise d'ouvrage était unique. Elle était assurée par l'État à travers ses services déconcentrés. Mon université est en Ile-de-France. L'histoire des académies et des services chargés de la construction au sein des rectorats de l'Ile-de-France est marquée par la division de l'ancienne académie de Paris en trois académies. Nous sommes donc dans une situation un peu singulière. Les premiers bâtiments ont été sous maîtrise d'ouvrage rectorale, donc de l'État, et nous avons pu observer que le point de vue de l'utilisateur était inégalement relayé. Nous avons donc demandé, quand nous l'avons pu, d'assurer la maîtrise d'ouvrage des bâtiments et nous l'assurons actuellement sur plusieurs opérations, soit de restructuration pour mise en sécurité -c'est le cas de notre bibliothèque universitaire dont les travaux ont été terminés en septembre- ; soit de construction d'un bâtiment d'IUT à Vitry, département de chimie, qui est terminé ; soit de construction d'un bâtiment pour la faculté de sciences économiques qui est sur une ZAC où il y a, par ailleurs, un financement régional, donc une maîtrise d'ouvrage régionale. M. Alain Claeys, rapporteur spécial : Il y a concrètement une délégation, une convention de maîtrise d'ouvrage exercée par l'université ? Mme Hélène Lamicq : Le préfet de Région nous délègue la maîtrise d'ouvrage et nous exerçons cette maîtrise d'ouvrage dans des conditions que nous choisissons. Suivant la localisation du bâtiment, l'organisation de la commune sur laquelle ce bâtiment s'édifie, la qualité des équipes des sociétés d'économie mixte et des directions départementales de l'équipement (DDE) - ce n'est pas une insulte de dire qu'elles sont inégales, avec des coûts inégaux -, en gros, en fonction d'un certain nombre de critères financiers et de partenariats avec les collectivités locales ou les services de l'État, nous exerçons la maîtrise d'ouvrage, en toute responsabilité, avec tel ou tel partenaire qui nous aide en tant que conducteur de travaux. Certaines universités ont pris des maîtres d'ouvrage délégués -c'est ce à quoi M. Le Guillou faisait allusion, notamment pour l'activité de G3A, filiale de la Caisse des dépôts- et d'autres non. M. Alain Claeys, rapporteur spécial :Cela veut dire concrètement que vous avez une politique de mobilisation de vos réserves et de placements financiers de vos réserves ? Comment cela se passe ? Mme Hélène Lamicq : Ce n'est pas lié. L'exercice de la maîtrise d'ouvrage est une décision politique de la part de l'université qui la demande, et d'ordre administratif de la part du préfet qui la confie. Le financement qui est à l'origine de cette maîtrise d'ouvrage peut être un financement d'État comme c'est souvent le cas. En Ile-de-France, ce n'est pas un financement régional parce que la Région souhaite exercer les maîtrises d'ouvrage sur les bâtiments qu'elle finance. Il peut y avoir un financement croisé avec d'autres types de.partenaires, ce qui complique un peu les choses. Je dis que cela les complique administrativement mais cela les rend possibles, ce qui est quand même l'aspect le plus important. M. Alain Claeys, rapporteur spécial : Lorsque vous demandez la maîtrise d'ouvrage, cela veut dire que l'université exerce les droits, les devoirs, les contraintes du propriétaire sur un sujet important. On a cité la maintenance. L'université a-t-elle une politique de financement propre ? Mme Hélène Lamicq : Quand nous exerçons la maîtrise d'ouvrage, nous sommes responsables de la construction du bâtiment qui appartient à l'État. Cela ne modifie pas la propriété du bâtiment. Et dans le meilleur des cas, l'Etat affecte ce bâtiment à l'université mais nous n'avons pas, au-delà, les devoirs du propriétaire. Nous avons ceux de l'affectataire. Et on est là dans un domaine dont certains nous disent qu'il est précis et d'autres nous disent qu'il est flou. Mon analyse rejoint celle de la deuxième catégorie. Je crois que l'administration centrale connaît, dans ce domaine - je parle en toute prudence -, la même évolution culturelle. En analysant l'évolution du positionnement dans le budget des crédits de sécurité et des crédits de maintenance, entre lesquels la frontière est techniquement floue, vous vous apercevrez que l'on passe d'un contrôle direct, absolu et unique de la tutelle, vers une délégation progressive aux universités, à travers les financements contractuels dans le cadre du contrat quadriennal, et désormais - on nous le demande pour le 31 mars - d'un schéma directeur de sécurité et de maintenance. On évolue vers un autre système de financement fléché, ce qui est une bonne chose. Tout cela va dans le sens d'une clarification, à la fois de nos pratiques en matière immobilière et d'entretien du patrimoine immobilier et des responsabilités de chacun. Mais c'est un peu une progression en ligne brisée aussi bien de la part de l'administration centrale que des universités. M. Jean-Pierre Delalande, Président : J'aimerais bien qu'on entende M. Gérard Binder et M. Dominique Gentile sur ces mêmes sujets. M. Didier Migaud, rapporteur général : Pour prolonger la question sur ces maîtrises d'ouvrage qui peut s'adresser aux trois présidents d'université, on a pu constater à travers les rapports et les premières auditions que nous avons effectuées, que les universités consacraient souvent peu de moyens en personnel pour assurer la gestion financière. Qui dit maîtrise d'ouvrage, même si elle est déléguée, implique des moyens financiers et des moyens en personnel relativement importants. Je trouve cela plutôt bien que les universités prennent la maîtrise d'ouvrage ou reçoivent la maîtrise d'ouvrage déléguée. Mais, mon expérience au sein d'une collectivité publique qui assume de temps en temps des maîtrises d'ouvrage me permet de souligner combien c'est difficile et compliqué. Comment faites-vous face à cela et qu'est-ce que cela vous apporte ? Quels sont les moyens que vous y consacrez ou que l'État vous aide à y consacrer ? M. Dominique Gentile : Pour être tout à fait sincère et honnête, je n'y fais pas bien face pour les raisons que vous venez d'évoquer et, pour rejoindre la question de tout à l'heure sur la mutualisation des réserves et les fonds de roulement, je considère que le point crucial est celui des moyens financiers. J'ai fait réaliser une petite évaluation de ce que coûterait réellement -ce qu'on va faire à un moment donné, d'abord pour ordre avant de le faire concrètement en termes de dépenses- une véritable politique d'amortissement sur les biens immobiliers, y compris d'ailleurs mobiliers. Cette politique mobiliserait la totalité de la dotation globale de fonctionnement que l'université reçoit du ministère, au-delà des aspects "moyens humains" qu'il est pour le moment relativement difficile de dégager, et peut-être encore plus pour une université nouvelle. On dégage effectivement, grâce à ce genre de réflexion, y compris ce matin avec vous, des perspectives positives qui montrent une bonne évolution. Hélène Lamicq rappelait tout à l'heure le temps écoulé depuis la loi organique de 1968. L'évolution va dans le bon sens et est irréversible. Elle prendra certainement encore un certain temps. Je pense notamment à la réflexion qu'il était nécessaire d'avoir par rapport à de nouveaux métiers en matière, justement, de direction financière d'établissement et sur tous les aspects immobiliers. Si vous le permettez, vous m'avez posé une question à laquelle j'ai partiellement répondu, sur l'aspect des coûts induits en termes de politique d'amortissement. Il est vrai qu'une des conséquences du travail réalisé avec la Caisse des Dépôts, c'est d'avoir dégagé une politique que vous avez qualifiée vous-mêmes de mutualisation ou, en tout les cas, le démarrage d'une telle politique avec une réflexion sur les non reports systématiques, bien acceptée d'ailleurs par l'ensemble de la communauté universitaire parce que tout le monde se rend compte que c'est nécessaire et utile pour le bien commun. Je ne m'étends pas -cela a déjà été longuement discuté ici- sur la notion de fonds de roulement, de réserves, disponibles et non disponibles à un moment donné, mais si nous devons avoir des réserves dans les universités, nous ne devons pas avoir des sommes de réserves considérables par rapport aux objectifs et à l'accomplissement de nos missions en matière de formation et de recherche. Il est vrai, concernant mon université, que nous avons, par deux fois, en concomitance avec l'étude faite avec la Caisse des Dépôts, dégagé certains montants sur nos réserves pour répondre à des missions qui sont d'ailleurs dans la loi, notamment la mise en place d'une réforme considérable sur le Deug, sur l'enseignement des langues et l'enseignement de l'informatique. Je considère que c'est plutôt une bonne politique. Utiliser en revanche des réserves dont je vous ai donné le montant -qui n'est pas très élevé pour l'université de Versailles Saint-Quentin- pour cette dotation aux amortissements immobiliers, par rapport également à la prise en compte d'une maîtrise d'ouvrage pleine ou déléguée, c'est pour moi quelque chose de relativement compliqué dont je ne sais pas non plus où se trouve la frontière entre quelque chose de très clair ou d'un peu moins clair ou de flou pour reprendre l'expression de ma collègue. J'ai plutôt le sentiment qu'on est quand même, les uns et les autres, dans quelque chose d'un peu flou mais j'ai aussi le sentiment, la conviction, et l'optimisme, que les choses se clarifient et vont évoluer de manière positive dans les années à venir. Je n'ai pas encore eu l'occasion, en tant que président d'université, de me prononcer sur des maîtrises d'ouvrage -et je ne vais pas tarder à l'avoir sur de nouvelles constructions qui vont démarrer dans le cadre du XIIe Plan. Les opérations réalisées avant mon arrivée concernaient deux constructions dont l'une avec maîtrise d'ouvrage de l'université et l'autre, avec maîtrise d'ouvrage de la région. Je n'ai donc pas vécu moi-même cette expérience de prise de décision en matière de maîtrise d'ouvrage. J'aurais plutôt tendance, en vivant actuellement ces deux expériences, à considérer qu'il est préférable que ce soit l'université elle-même qui ait la maîtrise d'ouvrage. Mme Hélène Lamicq : Pour répondre à la question "comment faire face ?", je dirais que c'est un puissant levier de changement. Nous avons quatre maîtrises d'ouvrage en responsabilité, l'une sur les travaux de restructuration -de l'ordre de 15 millions de francs-, le bâtiment dont j'ai parlé tout à l'heure, pour un montant de l'ordre de 40 millions de francs, une faculté de sciences économiques dont le financement est de l'ordre de 110 millions de francs, et une construction dont je viens de recevoir la maîtrise d'ouvrage, d'un montant d'environ 160 à 180 millions de francs. Cela suppose effectivement des compétences. Or, l'université n'avait pas ces compétences et on doit ici faire converger -et j'emploie ce terme administrativement flou parce que c'est la description de la réalité- des rencontres improbables entre des compétences telles que celles du vice-président que j'ai désigné sur les constructions et les espaces universitaires. Le fait de désigner dans l'équipe de direction, un vice-président en charge de ce secteur est un signe fort à l'égard des acteurs concernés. Nous avons recruté, sous forme de contractuel, une personne en charge de la cellule construction. Les responsables de cette cellule sont évidemment accablés de travail. Mais c'est un puissant levier de changement dans tous les autres domaines. Il est clair que la fonction financière doit être refondue à partir de la gestion de ces maîtrises d'ouvrage. D'où la mise en place d'un service de marché qui n'existait pas et restructuration des services financiers. Cela veut dire moderniser. Je suis en train de refondre la fonction patrimoine dans l'université en regroupant des services qui étaient autrefois appelés intérieurs, techniques, et autres choses de ce genre. Mais il est évident que cette modernisation passe par l'adjonction de compétences que notre ministère de tutelle n'est pas habitué à recruter, et dont il faut faire évoluer les modes de recrutement. Elle passe aussi par une réorganisation administrative qu'il nous faut conduire. J'ai l'impression, pour ma part, que j'aurais passé en partie mon mandat à faire évoluer ce secteur qui rend tout le monde culturellement mécontent -il faut aussi en être conscient-, c'est-à-dire que prendre des maîtrises d'ouvrage suppose, pour un responsable d'établissement, un consensus politique interne important car c'est un levier qu'on ne peut lâcher à aucun moment et qui engendre beaucoup de mécontentement parce qu'on bouscule toutes les habitudes. On passe d'une logique de gestion des procédures à une logique de pilotage et, fondamentalement, on passe d'une logique d'administration à une logique de gestion. C'est une mutation culturelle importante, aussi bien dans les milieux enseignants et chercheurs que dans les milieux administratif et technique. Mais cela vaut vraiment la peine. M. Alain Claeys, rapporteur spécial : J'aurais simplement trois questions dont une en direction du président de l'université de Mulhouse pour connaître son sentiment sur l'idée de mutualisation et savoir s'il peut la faire dans son université. Je souhaitais également avoir son point de vue sur la maîtrise d'ouvrage. J'ai ensuite une question commune en direction des trois présidents qui sont là : la modernisation d'aujourd'hui signifie-t-elle la séparation de la fonction du comptable et de l'ordonnateur ou, au contraire, est-ce son groupement ? Dernière question -c'était la question de départ à M. Le Guillou- quelle évaluation faites-vous de Nabuco. Ce logiciel répond-t-il dans ses applications aux demandes des présidents d'université ? M. Gérard Binder : Une réponse précise sur la maîtrise d'ouvrage. La taille de l'administration dans notre université ne nous permet d'assurer des maîtrises d'ouvrage que sur des opérations mineures. A part quelques opérations de maintenance, de mise en sécurité, quelques extensions, nous n'avons donc pas, pour ce qui nous concerne, assuré de maîtrise d'ouvrage de bâtiments. Ces maîtrises d'ouvrage de constructions nouvelles sont assurées, soit par l'État, soit en cas de besoin, par telle ou telle collectivité territoriale qui nous soutient. Je ne sais pas répondre à la question "est-ce une bonne ou une mauvaise chose ?" ; je sais simplement que c'est un vrai métier qui suppose une mobilisation de personnels et de compétences qui n'existent pas encore au sein de mon université à l'heure où je parle. Désolé de la réponse aussi claire et aussi sèche sur ce sujet. Ai-je envie d'y aller ? Bien sûr, j'ai envie d'y aller mais on ira raisonnablement lorsque les compétences seront là. C'est un long chemin. La question de la notion à la fois d'amortissement, d'intérêt général, de réserves, de placement, a déjà été évoquée la dernière fois. Ce qu'on appelle réserves, ce n'est évidemment pas l'autofinancement, ni le fonds de roulement, ni encore la trésorerie. Ce qui est placé, c'est l'argent qu'on a en caisse à savoir la trésorerie. Nous plaçons cette trésorerie auprès du Trésor dont les fonctionnaires, pour ce qui nous concerne, sont d'excellents conseillers pour la gestion du patrimoine. C'est également un nouveau métier qu'ils découvrent, du moins de notre côté. Il y a là un nouveau métier qui se met en route entre nos deux administrations et qui est quelque chose d'éminemment positif. Les intérêts qui sont recueillis par l'université sur ces fonds placés sont toujours utilisés pour des opérations d'intérêt général, discutées au sein de nos conseils. C'est une opération un peu délicate parce que vous touchez là le principe de subsidiarité. Pour faire des économies, il faut que les personnes qui les réalisent soient concernées et obtenir des économies est un travail de tous les jours : c'est couper la lumière, c'est réduire le chauffage, c'est réduire là où on peut et, pour être efficace, il faut bien entendu que les gens qui font ces économies voient le résultat de leur effort. On est donc toujours pris entre un double fait qui consiste à dire : il faut globaliser cet effort pour le mettre au profit d'une politique d'établissement mais il faut, bien sûr, que les gens voient le résultat de cet effort sur le terrain. En ce qui concerne la question de la mutualisation, c'est la vraie révolution culturelle qui est apparue au cours de ces dernières années, et j'ai eu la chance de faire deux mandats de président d'université complets par un mandat de directeur d'école d'ingénieurs ; j'ai donc assisté à la naissance de ce qu'on appelle la politique contractuelle qui était finalement le prolongement ou la généralisation de ce qui existait déjà au titre de la recherche. Il y avait déjà des relations contractuelles au titre de la recherche. Cette politique a été généralisé dans les années 1989-1990 à l'ensemble des universités avec mise en place d'une globalisation des revenus. C'était vraiment une rupture dans le comportement, à la fois à l'intérieur des universités et dans la relation que nous entretenions avec notre administration de tutelle. Est née à partir de là cette idée de mutualisation. Pas une université - elles sont une petite centaine en France - ne ressemble à une autre, elles sont toutes différentes. Elles ont cependant les mêmes missions fondamentales qui sont l'enseignement supérieur, la recherche et la valorisation. Le vrai problème est de savoir comment dégager le corps de doctrines de ce qui les unit parce qu'elles sont toutes différentes dans leur application. Vous y arrivez justement par des principes de mutualisation et l'Agence de modernisation joue un rôle essentiel. Elle le joue à deux points de vue : le premier qui est à mon avis le plus important - et on en parle peu -, c'est la réflexion stratégique qu'elle permet de mener, c'est-à-dire qu'elle regroupe des gens et facilite des échanges d'expérience. C'est quelque chose d'absolument essentiel qui permet aux gens de se retrouver entre eux pour faire progresser le système. Ceci se traduit par la vente de produits mais, pour ce qui me concerne, il faut bien distinguer les deux. Je crois que l'Agence joue un rôle absolument capital sur cette notion de mutualisation et de modernisation. Pour boucler sur l'autre question que vous posez, à savoir faut-il séparer l'agent comptable des services financiers, nous rentrons actuellement dans une logique gestionnaire. Cette logique repose sur un couple à trois au sein d'une université, trois personnes importantes. La première, c'est le président, c'est lui l'ordonnateur principal, mais il a, à ses côtés, un secrétaire général d'université et un agent comptable. C'est autour de ce trio que se passent les choses avec, pour l'agent comptable, cette double casquette possible : il peut aussi être chef des services financiers. Votre question précise est de savoir si c'est une bonne ou une mauvaise chose. Je crois que c'est d'avoir les deux casquettes. Chez moi, j'ai nommé mon agent comptable chef des services financiers. Il l'est mais son successeur ne le sera sans doute plus. Il l'est parce que, dans une logique gestionnaire, le responsable des services financiers participe étroitement à une politique alors que le rôle d'un agent comptable est un rôle technique, qui est connu et cadré, et le nommer chef des services financiers était, pour moi, dans le cadre de ce trio, président, secrétaire général, agent comptable, de l'intégrer dans cette dynamique. On est cependant dans un métier qui change également beaucoup du côté des agents comptables et des secrétaires généraux autant que pour les présidents. Ces métiers deviennent de plus en plus techniques du point de vue de la fiscalité notamment, mais également parce que nous avons de plus en plus d'interface avec notre environnement économique. Nous pourrions ouvrir un chapitre sur l'impact économique de l'université, sur son environnement immédiat et les retombées économiques de ses activités. C'est une manière qu'a l'État de redéployer des moyens sur des villes, mais ce métier suppose maintenant un certain nombre de compétences. J'en ai parlé avec mon agent comptable. A terme, nous allons séparer la fonction d'agent comptable et de chef des services financiers, mais il faut vraiment voir localement comment se posent les choses. Le chef des services financiers est sans doute le mieux placé pour être à la tête d'un service des contentieux parce que nous sommes également soumis à un accroissement des contentieux de plus en plus importante. Nous avons besoin de juristes, de personnes dont c'est le métier et dont nous sommes également démunis. Je me dirige, à l'avenir, vers une séparation des deux fonctions. Il y aura vraisemblablement une part de contentieux à gérer également dans le cadre de ce service financier. Voilà pour ce qui se passe chez moi. M. Dominique Gentile : En quelques mots, pour répondre d'une manière à peu près similaire à la question : la modernisation passe-t-elle par la séparation et la dichotomie ordonnateur principal-agent comptable ? J'ai vécu les deux choses. Ceci dit, je ne pense pas qu'on passe automatiquement par cela. J'ai choisi la séparation mais dans un souci plus global, alliant d'ailleurs à cet aspect gestion financière, une démarche managériale autour de la qualité, faisant d'ailleurs aussi appel à des intervenants extérieurs puisque, pour reprendre l'expression de ma collègue Hélène Lamicq tout à l'heure, je pense aussi que l'université est trop importante pour qu'elle ne soit confiée qu'à des universitaires. Le regard extérieur est donc forcément très intéressant lorsqu'on le prend de manière positive. J'ai regroupé l'ensemble des services centraux de l'université en quatre grandes divisions dont on voit bien qu'elles correspondent au sujet dont on parle ce matin et où l'aspect financier joue un rôle majeur mais est forcément connecté à d'autres. C'est précisément le cas de la division du patrimoine et de l'immobilier, en regroupant un certain nombre de services dont les services techniques, les services sécurité, les services intérieurs, la division des affaires financières et juridiques, la division des ressources humaines et la division de la vie étudiante pour le moins - je vous laisse imaginer et deviner les nombreux services qui sont au sein de cette division - dans un souci de meilleure lisibilité. La séparation est plutôt positive. A l'issue de cette réorganisation, le trio qui a été évoqué par mon prédécesseur, c'est, d'un commun accord, le président, le secrétaire général et l'agent comptable, et c'est ensemble que nous avons souhaité faire cette séparation, non pas pour réduire la fonction de l'agent comptable mais parce qu'au contraire, séparée, elle ne peut qu'être renforcée en terme de lisibilité. Cela me permet d'enchaîner sur la question relative à Nabuco : je pense que l'agent comptable, dans sa fonction de comptable, est extrêmement important pour l'université, extrêmement précieux parce qu'il est le seul à pouvoir effectuer un suivi, quasiment au quotidien, de tout ce qui se passe au niveau des flux financiers. S'agissant de l'implantation du logiciel Nabuco, j'ai fait partie au départ des quelques universités qui ont eu "la totale" de l'ensemble des logiciels de modernisation. Il y a eu un certain nombre de débats et cela continuera. Je ne veux pas entrer dans l'aspect technique du débat, y compris du coût de ce logiciel et des autres. En revanche, lorsqu'on l'utilise avec compétence, c'est quelque chose de très utile, surtout lorsqu'on le couple à un certain nombre d'autres outils - je pense en particulier à un autre logiciel au niveau de la scolarité qui est le logiciel APOGÉE -, ce qui nous a permis d'obtenir une maîtrise de la gestion des heures complémentaires de l'université. Dire qu'on y a réussi, pas vraiment mais je peux vous dire pourquoi. Pourquoi n'avons-nous pas réussi de manière totale ? Je ne renvoie pas la balle à l'autre et cela nous ramène peut-être aussi à la question de départ sur l'autonomie. Il n'est pas forcément toujours évident d'avoir maîtrise sur tout dans la mesure où des nouvelles formations, lorsque nous en ouvrons, sont soumises à habilitation de la part de la tutelle qui est le ministère. Vous savez quand même plus ou moins comment les choses peuvent se passer - ou, à la limite, ne devraient pas forcément se passer - : on se retrouve finalement ensuite, parce que c'est comme cela, parce que les moyens sont ce qu'ils sont et parfois un peu faute de moyens, à devoir créer de nouvelles filières. Je pense que c'est encore plus accentué pour une nouvelle université qui a, de toute façon, des engagements à tenir, notamment lorsqu'elle est située en Ile-de-France. On est forcément obligé, à un moment donné, d'anticiper sur les moyens et ensuite de se battre, avec des mots, mais de se battre néanmoins pour tenter d'en obtenir davantage. Je pense quand même que nous allons vers la définition de nouveaux métiers qu'il est fondamental que l'administration centrale puisse nous donner, sous la forme soit de nouveaux métiers, soit de formations parce que ces fonctions sont, de toute façon, de plus en plus pointues et nécessitent de véritables compétences qu'un président d'université ne peut bien évidemment pas avoir dans tous ces domaines. C'est la raison pour laquelle ce travail nous a aussi permis de dégager la nécessité d'avoir un véritable directeur des affaires financière, un véritable directeur des ressources humaines et un véritable ingénieur statisticien. Ce sont les trois postes qui ont été demandés en priorité par l'université en créations 2000 mais, défavorisés comme nous le sommes par les normes San Remo, je n'en ai malheureusement obtenu aucun pour le moment. Je ne désespère pas, sur mes trois années de mandat restantes, d'obtenir successivement ces trois emplois dont je considère qu'ils sont fondamentalement nécessaires pour que l'université, globalement pour le coup, soit gérée comme une véritable entreprise dans le XXIème siècle qui vient de démarrer. Mme Hélène Lamicq : Vous posez trois questions, une sur les réserves, une sur la séparation des finances et de la comptabilité, et une sur Nabuco. J'aurais envie de commencer la réponse, du point de vue de notre université, par le fait que les trois questions consistent à savoir comment on s'y prend pour mieux savoir ce que nous faisons, afin d'éclairer nos choix. Je crois que l'axe de la réponse est là. C'est cette culture que nous avons à faire progresser dans nos établissements. Il aurait fallu, en début de mandat, connaître la composition du fonds de roulement dans la mesure où l'université Paris XII avait vu ses réserves s'amenuiser pour une raison simple qui était que les réserves avaient financé la croissance de l'université. Cette université a accueilli 6000 étudiants supplémentaires, entre 1992 et 1996, sans que les moyens suivent. Dans la même période, elle a reçu un peu plus de 50 emplois enseignants et cinq ou six emplois administratifs en tout. Nous faisons partie des universités pour lesquelles la crise de 1995-1996 était une crise de gestion dos au mur. J'ai été élue en février 1996, l'université était à ce moment-là dans une situation qui imposait que nous sachions où nous en étions du point de vue financier, et j'ai entrepris cette démarche de connaissance de notre situation financière dont je dirais jusqu'à la fin de mandat et bien au-delà qu'elle nous a été infiniment utile. Pourquoi ? Parce qu'elle nous a aidé à connaître notre fonds de roulement, à travailler sur la pratique des reports qui prévalaient jusqu'alors, à introduire la notion de provisions, à introduire les amortissements en faisant prendre conscience à l'ensemble des agents financiers de l'établissement, c'est-à-dire l'ensemble des responsables de crédits, ceux qui engagent et ceux qui veulent donner de l'enseignement et faire de la recherche, à diffuser les notions clés d'une gestion financière de meilleure qualité. Cela a donc été très important culturellement. C'est passé par des épisodes de pédagogie que je présente ici de façon douce mais aussi des épisodes de décisions qui ne sont pas des décisions faciles à faire passer dans une université. Ainsi, j'avais compris votre question sur la mutualisation des réserves comme une question de la mutualisation des réserves internes des universités. Eh bien oui, sur deux budgets successifs, j'ai pris la décision de mutualiser l'ensemble des réserves de l'université afin de redresser la situation financière. Oui, j'ai arrêté quatre ans de suite le budget de certaines composantes qui le votaient en déséquilibre de façon qui nous paraissait déraisonnable, et j'ai donc proposé au conseil d'administration de l'université de prendre des décisions que le conseil d'université a votées chaque fois à l'unanimité. C'est pour dire que nous avons en main des éléments d'instruction et de prise de décisions, qui rejoignent ce que je disais au début de cette audition, que nous saisissons ou que nous ne saisissons pas, mais j'ajouterai aussi que nous sommes en situation de saisir ou pas. Dans ce processus, la réorganisation des responsabilités est fondamentale. J'ai pris la décision de séparer les services financiers de l'agence comptable pour une raison très simple : au cours de l'instruction de notre situation financière avec le regard redoutable de gens compétents qu'on fait venir de l'extérieur -qui nous renvoient une image qui est celle de nos pratiques mais qui servent aussi de tiers facilitateurs dans le dialogue interne à l'université, ce qui est tout à fait important-, au cours de ce processus, il nous est apparu que le dialogue entre la fonction financière, qui relève de la responsabilité de l'ordonnateur et de la prise de décision, de l'affectation des grands choix économiques et de leur traduction financière, et la tenue des comptes, étaient deux notions tout à fait essentielles pour modifier la préparation budgétaire tant il est vrai qu'il faut des comptes bien tenus pour qu'on sache où on en est de façon à ce qu'on puisse prendre des options financières pour développer une politique. Or, ces deux fonctions dialoguaient mal. Une des façons de les faire mieux dialoguer, c'est peut-être de séparer les deux services. Encore faut-il avoir des gens compétents. J'en reviens à ce qui est, à mon avis, un des éléments majeurs de notre rythme modeste d'évolution si nous parlons en terme collectif, c'est la façon dont nous pouvons nous adjoindre des compétences sur les fonctions d'encadrement supérieur. J'avoue qu'avant de prendre la décision de séparer les deux services, j'ai testé la personne à laquelle je destinais la direction des services financiers et j'ai séparé parce que j'ai vu qu'elle tenait bien. J'aurais peut-être sursi à cette décision si cela n'avait pas été le cas et la compétence aurait plus été du côté de l'agent comptable, indépendamment des deux fonctions. Il y a un message fort de tous les présidents d'université sur l'impérieuse nécessité de nous permettre de nous adjoindre des compétences dont les viviers français existent, même s'ils ne nous sont pas encore accessibles. Nabuco nous a beaucoup aidé dans ce processus et je fais partie des cinq sites pilotes. Nous avons implanté Nabuco dans l'année 1994. On se souvient de l'été 1994 dans l'université parce que l'implantation de Nabuco a été un épisode épique. Le premier compte financier issu de Nabuco était nécessairement celui de l'année 1995. Nous l'avons donc eu dans le premier semestre 1996. C'est donc la première fois que nous avons pu analyser un compte financier avec un outil qui nous donnait à voir un certain nombre d'éléments que le GFC ne nous permettait pas de voir et qui n'ont aucune utilité si on ne cherche pas à les analyser parce que, là encore, l'outil informatique est une chose mais l'usage qu'en fait une direction d'université en est une autre. Nabuco n'est pas un outil parfait, Nabuco est un outil que nous devons contribuer à faire évoluer, mais Nabuco est un progrès considérable pour qui se l'approprie, à la fois dans la lisibilité de nos activités financières et de nos pratiques d'imputations financières notamment et, d'autre part, comme outil de pilotage. Cela suppose en effet, là encore, des mutations culturelles. Cela suppose que les services acceptent de se dessaisir de la compétence et que les équipes de direction s'en saisissent. Cela suppose donc d'avoir une aide à la décision à la fois en tant qu'ordonnateur à travers les services financiers et grâce à une comptabilité bien tenue. C'est le rôle des agents comptables. J'aurais tendance à répondre à votre question de cette façon mais peut-être est-ce imparfait. M. Jean-Pierre Delalande, Président : Une petite chose : quelle est votre réaction sur les droits complémentaires à côté des droits d'inscription ? Y en a-t-il chez vous ? S'il y en a, comment sont-ils établis et ensuite qu'est-ce que vous faites des recettes ? M. Dominique Gentile : Il n'y a aucun droit complémentaire chez moi sauf quelques diplômes particuliers, car il y a une école d'ingénieur. M. Gérard Binder : Une précision : il faut bien voir en pourcentage que le financement des universités, les droits d'une manière générale représentent 3 % du budget. On parle donc de quelque chose en terme de financement qui est tout à fait mineur, à la marge, par rapport au budget. On peut dire globalement, pour ce qui concerne mon budget, que 50 % de l'argent -hors salaire bien entendu- provient de subventions, émanant soit de l'État, des collectivités territoriales ou de l'Europe, le principal pourvoyeur de fonds étant bien sûr l'État. En gros 40 % de l'État, 7 % des collectivités territoriales, et 3 % des fonds européens. Voilà la provenance des ressources sur subventions. A côté de cela, on a 30 % de ce qu'on appelle des ressources propres. Dans ces 30 %, les droits d'inscription représentent 3 %, donc le dixième, les ressources propres étant obtenues par la taxe d'apprentissage, la formation permanente, les recherches contractuelles, les prestations de service. L'objet dont on parle est, en ce qui nous concerne, une somme relativement faible par rapport à la taille du budget. Les droits d'inscription légaux représentent 3 %. Riches en formations spécifiques, nous avons des droits spécifiques mais correspondant à des prestations qui doivent être de l'ordre de 1 ou 2 %, et qui ne sont pas du tout des droits illégaux, mais des droits affichés. On a d'ailleurs eu de bons débats sur ce sujet avec la Chambre régionale des comptes dans des échanges tout à fait fructueux. Il n'y a pas de droits illégaux mais il y a quelques prestations spéciales correspondant à des formations spécifiques pour environ 2 % du budget. Mme Hélène Lamicq : On ne peut pas poser la question des droits illégaux sans poser la question des droits d'inscription. Nous parlons devant la représentation nationale mais pas que devant la représentation nationale. Je fais partie des présidents d'université qui considèrent que l'université française va vers de graves problèmes si on prend en compte le consensus national auquel j'adhère qui consiste à penser que les bacheliers doivent accéder à l'université et donc donner à chaque établissement l'ardente obligation d'accepter les étudiants et de les bien former si on a une certaine idée de la mission de service public qui nous est confiée. En mettant en face la part du budget de la nation qui peut raisonnablement être affectée à l'enseignement supérieur et à la recherche, on s'aperçoit rapidement, notamment dans le cadre de la construction européenne où les systèmes universitaires ne sont pas équivalents, qu'on entre dans une impasse. Je fais partie des gens qui considèrent que nous y sommes et que nous y sommes depuis plusieurs années, et que la raison -que nous pouvons parfaitement comprendre- qu'on ne touche que très modérément aux droits d'inscription est une raison qui est valable pour la stabilité des ministères, mais qui peut être analysée sous un autre angle au regard de la stabilité des moyens mis à la disposition du service public dans chaque université. Si on continue à considérer que la participation des ménages doit être régulée par les systèmes actuels, je crois qu'on a là une marge de progrès dans la modernisation du financement de l'enseignement supérieur. Les universités ne sont que l'un des maillons de ce financement. Il n'est pas possible de tenir les propos que je tiens actuellement sans y adjoindre immédiatement la nécessaire analyse du système du financement des études car la participation des ménages peut effectivement être une participation directe dont les droits d'inscription ne sont qu'une infime partie car les ménages, en payant des droits d'inscription d'un certain montant -qui fait sourire nos partenaires européens pour la plupart d'entre eux- participent beaucoup au financement des études de leurs enfants, et y sont très attachés, d'où d'ailleurs le fameux consensus national auquel je répète que j'adhère. Mais nous avons en même temps, dans nos universités, notamment depuis cette décennie et pour la deuxième fois depuis l'après-guerre, des couches de populations qui ont accès à l'enseignement supérieur -et je fais partie de ceux qui considèrent que c'est une bonne chose- issues de familles dont les revenus sont infiniment modestes. Il suffit de présider une fois une commission de prêts d'honneur dans une académie comme celle de Créteil pour être médusé des conditions dans lesquelles certains de nos étudiants financent leurs études. Nous avons là ce que j'appelle pudiquement une marge de progrès dans la conception française du système de financement des études. Alors, oui, on pourra peut-être savoir si l'adjonction de 100 francs par an mérite condamnation ou ne le mérite pas. Car enfin quand on a des étudiants aussi inégaux socialement que ceux qui sont dans mon université, la question se pose en terme d'équité, et les étudiants l'ont parfaitement compris à Paris XII qui, après la menace de suppression des droits d'inscription par le tribunal administratif, ont constitué, sous ma houlette, un groupe de travail pour parler d'une contribution solidaire mutualisée qui permette, par exemple à une université sous-dotée comme la nôtre, de multiplier les postes de travail du service de micro-informatique pédagogique -ce qui est l'équivalent du stylo au XXIème siècle- de façon à permettre l'accès aux ressources informatiques à tous les étudiants. Nous sommes une des deux universités d'Ile-de-France à avoir une composition socioculturelle des étudiants équivalente à la moyenne nationale. Alors je suis prête effectivement à plaider, vous l'aurez senti, mais je suis tout à fait frappée du fait que tous les étudiants, quelle que soit leur sensibilité, car toutes les sensibilités ont participé au groupe de travail, se soient retrouvés sur cette notion de contribution solidaire. La mutualisation n'est pas seulement l'apanage de présidents d'université pour construire leur autonomie collective. J'ai parfois le plaisir de m'apercevoir que les étudiants en sont conscients. Mais il y a tous les mouvements qui visent à dire que l'État doit assumer, qu'on n'a pas à payer. M. Alain Claeys, rapporteur spécial :C'est un autre sujet mais qui est très important. M. Jean-Pierre Delalande, Président : C'était tout de même intéressant d'avoir votre réponse. Il me reste à vous remercier, Madame et Messieurs, d'avoir accepté de répondre à nos questions. 4.- Audition de M. Pierre-Louis Mariel, Chef de service, adjoint au directeur général de la Direction générale de la comptabilité publique (Extrait du procès-verbal de la séance du jeudi 24 février 2000) M. Jean-Pierre Delalande, Président, a ensuite accueilli M. Pierre-Louis Mariel, Chef de service, adjoint au directeur général de la Direction de la comptabilité publique, en lui indiquant qu'aucun exposé introductif n'était nécessaire, l'audition débutant par une série de questions du rapporteur spécial, du Rapporteur général et des autres commissaires. Il a ensuite donné la parole au rapporteur spécial. M. Alain Claeys, rapporteur spécial : Merci, Monsieur Mariel, d'être avec nous. Je voudrais d'abord remercier vos collaborateurs que nous avons pu rencontrer et avec qui nous avons pu débattre d'un certain nombre de sujets. Pour aller droit au but et débuter cette audition, j'aurai quatre questions à vous poser en préalable avec, tout d'abord, celle de connaître le rôle de votre direction dans la gestion des établissements universitaires. Une deuxième question aussi directe : vous devez bien avoir un jugement sur l'analyse de la Cour des Comptes sur la gestion actuelle des universités. On voudrait que vous puissiez nous éclairer sur ce sujet. La rénovation du cadre budgétaire a été engagée par le décret de 1994. La Cour des Comptes, dans son rapport, déplore le retard pris dans son application. Quelle est votre explication sur ce retard ? Quelles sont les évolutions qui sont prévisibles sur ce point dans un proche avenir, et, enfin, les instructions à venir sont-elles adaptées aux nouveaux défis auxquels les universités seront confrontées dans les prochaines années ? Un dernier point plus précis mais qui a une importance : la création de services d'activité industrielle et commerciale au sein des universités prévues par la loi sur l'innovation nécessite-t-elle une modification du décret de 1994 ? M. Pierre-Louis Mariel : Je vais donc répondre directement aux quatre questions que vous avez bien voulu me poser. Sur le rôle de la Direction générale de la comptabilité publique en matière de gestion universitaire, nous intervenons dans ce domaine de cinq façons : - premier élément, nous participons à l'élaboration de la réglementation budgétaire, financière et comptable des universités avec le ministère de l'Éducation Nationale et avec la direction du Budget. Premier élément : fixation de la norme réglementaire sur ce secteur ; - deuxième élément : nous assurons la tenue des comptes de dépôt de fonds et de gestion de trésorerie des universités. Il s'agit du deuxième angle d'intervention de la direction générale de la Comptabilité publique, plus précisément du Trésor public ; - troisième élément : nous avons en charge la vérification des agences comptables, tenues par les agents comptables des universités. Nous avons un corps d'inspecteurs principaux vérificateurs, installés dans toutes les trésoreries générales, dont une des missions est le contrôle des agences comptables des universités ; - quatrième élément : nos trésoreries générales procèdent à la mise en état d'examen des comptes financiers. Je rappelle que le compte financier des universités, préparé par l'agent comptable de l'université, est mis en état d'examen, c'est-à-dire qu'il est préparé pour être jugé dans les meilleures conditions par la Cour des Comptes ou les Chambres régionales des comptes. C'est un travail de préparation des comptes des universités pour le compte de la Cour des Comptes ou des chambres régionales ; - enfin dernier élément : la gestion du personnel. Nous assurons 80 % des fonctions d'agent comptable puisque 80 % des agents comptables des universités sont les inspecteurs du Trésor en détachement auprès de ces établissements. Voilà les cinq fonctions très classiques que nous assurons en matière de gestion des universités. Je voudrais en rajouter deux, nouvelles, qui sont les suivantes : - premier élément, nous avons, depuis 1995-1996, développé, au niveau des trésoreries générales de régions, ce que nous appelons les MEEF, les missions d'expertise économique et financière qui visent à donner un avis sur les projets d'investissement lancés essentiellement par l'État. Dans ce cadre, nos trésoriers-payeurs-généraux de régions interviennent pour le compte des universités, sur leurs projets d'investissement. M. Alain Claeys, rapporteur spécial : Très concrètement, ces missions d'expertise peuvent-elles pallier la faiblesse des indicateurs de gestion et aider les universités à se doter d'indicateurs de gestion ? M. Pierre-Louis Mariel : Ce n'est pas exactement leur rôle. Leur rôle est d'apprécier les points positifs et les points négatifs, points forts, points faibles, des projets d'investissement qu'ont les investisseurs publics, parmi lesquels les universités. Il s'agit donc de donner aux décideurs - parce qu'il ne s'agit pas de se substituer aux décideurs - les éléments d'information sur le bilan économique et financier de l'investissement, à quelles conditions l'investissement peut être mené de la meilleure façon. Parallèlement, nous avons aussi, un autre service au niveau des trésoreries générales de région qui peut procéder à des analyses financières des structures publiques, comme les collectivités locales, les hôpitaux et les universités. C'est un des sujets sur lesquels nous voulons progresser en parfait partenariat avec le ministère de l'Éducation Nationale et la Conférence des présidents d'université. Nous avons lancé un projet, qui va aboutir dans l'année 2000, qui consiste à créer un document, une approche d'analyse financière spécifique aux universités en terme de méthode, complété par un dispositif informatique pour rendre le processus d'analyse financière plus aisé à conduire. M. Alain Claeys, rapporteur spécial : Vous travaillez avec l'Agence de modernisation des universités ? M. Pierre-Louis Mariel : Bien sûr. Enfin, si vous le permettez, il y a un dernier point que je souhaite préciser : il n'y a aucune tutelle financière sur les établissements universitaires à la différence de tous les autres établissements publics nationaux. Il n'y a aucune autorité financière. Au-delà des missions traditionnelles, notre intervention pour le compte des universités porte sur les expertises économique et financière pour les projets d'investissement, et un des axes de notre partenariat renouvelé avec les universités porte sur cette analyse financière. Enfin, dernier point : au-delà des missions traditionnelles que nous exerçons, il n'y a aucune tutelle financière au niveau des établissements universitaires à la différence de tous les autres établissements publics nationaux, il n'y a aucune autorité financière proche de l'établissement, ce qui fait que nous sommes amenés, au-delà de nos fonctions purement comptables, à donner des avis de nature financière, budgétaire et comptable aux universités. Il y a un vide sur ce point. Nous sommes amenés à le combler naturellement en parfait accord avec le ministère de l'Éducation Nationale et la direction du Budget. M. Alain Claeys, rapporteur spécial : La Cour des Comptes a rendu un rapport après analyse d'une vingtaine d'universités. Je voudrais savoir quelle appréciation vous portez sur ce rapport et plus précisément sur la gestion actuelle des universités. Quel bilan faites-vous de votre place ? M. Pierre-Louis Mariel : Je partage l'essentiel de l'analyse faite par la Cour des Comptes sur la gestion des universités et ce d'autant plus qu'à la suite d'une difficulté ponctuelle que nous avons eue dans une université, nous avons lancé en 1997 nos inspecteurs principaux vérificateurs dans une opération nationale de vérifications des agences comptables des universités. Les inspecteurs vérificateurs ont procédé à des vérifications d'une soixantaine d'universités sur les 85 et le constat qu'ils ont fait, et qu'ils nous ont fait remonter, est proche de celui que la Cour des Comptes a présenté s'agissant des faiblesses de la maîtrise budgétaire et comptable au sein des universités ou, plus exactement, de la forte hétérogénéité de cette maîtrise, les dysfonctionnements qu'on a pu constater ici et là. Il y a quelques points sur lesquels notamment lorsqu'on reproche à la Direction générale de la comptabilité publique de ne pas avoir assez poussé la modernisation. M. Alain Claeys, rapporteur spécial : Je ne veux pas mettre en cause la Direction générale de la comptabilité publique, mais il est vrai, dans ce constat, que la Cour dit que les universités ont globalement une difficulté à vivre leur autonomie et cela interpelle quand même très directement l'État. Quelle est votre analyse sur ce constat par rapport à l'État et aux outils ? M. Pierre-Louis Mariel : Nous avons lancé une action très déterminée pour contribuer à l'amélioration de la gestion des universités. Je ne veux pas rentrer dans le détail mais nous avons lancé une action de partenariat sur quatre volets qui me paraissent fondamentaux pour qu'il y ait concrètement, au-delà de la modernisation budgétaire et comptable sur laquelle nous reviendrons, une amélioration de la gestion. L'amélioration de la gestion passe par quoi ? Il y a tout d'abord un gros volet formation parce que le constat que tout le monde fait, c'est qu'il y a un déficit en matière de formation financière et surtout comptable. On a donc une action de formation qui est d'ores et déjà lancée avec des modules de formation dont commencent à bénéficier les agents des services financiers et comptables. Ce n'est pas seulement le problème de l'agent comptable ou du secrétaire général, c'est l'ensemble de la collectivité de l'université, président, secrétaire général, agent comptable et personnel des services financiers et comptables, pour lesquels nous lançons une action de formation qui me paraît être le premier élément pour concrétiser cette amélioration de la gestion. Le deuxième élément, c'est le conseil et l'expertise financière. C'est ce que je disais tout à l'heure sur le rôle des MEEF et sur notre module d'analyse financière que nous achèverons très prochainement. Le troisième volet, c'est celui de la modernisation des procédures. En matière de procédures, deux initiatives sont lancées qui me paraissent importantes : 1.- La première, c'est l'expérimentation de la suppression de la période complémentaire. Pour l'État, mais aussi pour les établissements publics, on a une période complémentaire. On décale sur l'année N + 1 l'achèvement des opérations dites de l'année N. Nous expérimentons dans différents établissements publics, y compris les universités (une dizaine) une suppression de la période complémentaire avec un double objectif. D'une part, connaître les résultats plus tôt. Dès lors qu'on connaît les résultats plus tôt, on prend des décisions budgétaires plus affinées et on règle de façon plus intelligente la problématique des reports. D'autre part, en supprimant la période complémentaire, on engage automatiquement une action vertueuse de lissage de la dépense au sein de l'année civile. C'est en particulier un élément fort pour respecter un des principes, fixé par la réglementation mais qui est assez peu appliqué, à savoir la comptabilité d'engagement. Toutes les structures publiques ont cette obligation de comptabilité d'engagement dont l'objectif est de permettre d'avoir une connaissance, en amont, dans le processus de dépenses, des opérations qui seront menées. Avec cette suppression de la période complémentaire, nous menons une action sur ce point et cela évite naturellement aussi la masse des opérations de fin d'année qui pose problème. L'expérimentation de la suppression de la période complémentaire est donc le premier élément de la modernisation. 2.- La deuxième, c'est une des opérations que nous commençons à mener sur la dématérialisation des pièces justificatives. On a pour, toutes les structures publiques - universités mais aussi collectivités locales, hôpitaux ou autres - un énorme chantier qui est celui de la dématérialisation des pièces justificatives, de l'ordonnateur au comptable et au juge financier. Il y a, derrière cette opération, des enjeux en terme de fluidité de l'information, de rapidité de la dépense publique, de sécurité des dépenses, grâce à une automatisation des contrôles, qui est un enjeu fondamental pour toute la gestion publique. Le dernier volet de notre action de modernisation porte sur les services financiers. Nous avons de gros progrès à faire sur le volet des services financiers. Ce n'est un secret pour personne que les opérations de virement à l'étranger effectués par le réseau du Trésor Public prennent aujourd'hui des délais qui sont inadmissibles, une vingtaine de jours ou une trentaine de jours. C'est inadmissible. Nous avons aussi des améliorations à faire sur ce volet financier. On a quatre piliers, et nous allons concrétiser ces quatre piliers par un protocole au niveau national qui sera décliné - j'insiste sur ce point - au niveau local et précisera les modalités concrètes de fonctionnement. Néanmoins, il ne faut pas se cacher qu'on a des problèmes de disponibilité d'agents, dans pas mal d'universités, en termes quantitatifs comme en termes qualitatifs, et qu'on y gagnerait tous, de façon très significative, si on pouvait rehausser, en quantité comme en qualité le niveau de compétence des gestionnaires. Je pense que ces quatre volets de formation, d'expertise, de modernisation des procédures et de service financier, sont la façon de rendre utilisables, dans la pratique les principes rénovés de gestion budgétaire et comptable que nous sommes en train d'achever avec la modernisation de ce qu'on appelle la M93. M. Jean-Pierre Delalande, Président : En vous écoutant, Monsieur le directeur, nous mesurons tous bien le rôle tout à fait important qui est le vôtre, même si vous n'êtes pas un acteur unique, et donc l'importance des préconisations que vous pouvez faire pour toute réforme en vue d'une amélioration du système de gestion. Dans son introduction, le président Collinet, qui a présidé à l'établissement du rapport de la Cour des Comptes, nous disait que les présidents d'université - et il avait une certaine admiration pour eux- étaient une sorte de héros impuissants devant concilier quatre logiques, la logique de centralisation, la logique de décentralisation, la logique de déconcentration et la logique d'autogestion. A travers les avis que vous donnez pour gérer les universités, arrivez-vous à démêler les quatre logiques et à faire des préconisations qui les concilient ou bien - parce que je mesure bien que cela ne doit pas être facile -, n'y a-t-il pas naturellement une réflexion consistant à dire : ne doit-on pas prendre les choses autrement et permettre aux présidents d'université de gérer aussi leur personnel, leurs investissements, d'imaginer, par exemple, à l'instar de ce que font les collectivités locales, une espèce d'établissement public universitaire auquel on n'appliquerait pas la M93 mais plutôt les bases de la M14. Nous avons été extraordinairement surpris, je ne vous le cache pas, lorsque nous avons appris que les présidents d'université ne pouvaient avoir aucune lisibilité de leur politique d'investissements, qu'ils ne pouvaient pas procéder à des amortissements, toutes choses qui paraissent tout de même de bon sens. Vous allez me dire qu'il y a un échelon politique qui vous dépasse et que vous n'êtes pas le seul intervenant, vous, à la comptabilité publique, il y a bien sûr le ministère de l'Éducation Nationale. Tout cela est clair, mais nous sommes un certain nombre de parlementaires, anciens maintenant, et nous savons bien quel est le rôle du ministère de l'Économie et des Finances, et le poids qu'il pèse dans toute réforme. Ce poids est donc aussi valable dans les préconisations qui peuvent être faites, et aux autres administrations, et aux divers ministres. N'y a-t-il donc pas une autre voie encore plus simplificatrice ? Parce que, comme le disait très bien encore ce matin le président Collinet, on a le sentiment que toute réforme consiste à ne rien retrancher de ce qu'il y avait et à toujours rajouter un peu plus, moyennant quoi le système, de plus en plus compliqué, conduit à l'irresponsabilité, et génère un peu plus de PIB, parce que, de ce fait, on prend des cabinets extérieurs, on crée des services supplémentaires pour essayer de comprendre les nouvelles articulations. Cela fait travailler du monde, produit du chiffre d'affaires et génère de la TVA. Tout cela est très bien, mais personne ne s'y retrouve plus et on a l'impression d'être dans un espèce de Léviathan que personne ne maîtrise. Ne pourrait-on pas revenir à des choses simples et, par exemple - je soumets l'idée à votre réflexion - un établissement public universitaire qui, à l'instar d'une collectivité locale, gérerait son personnel, négocierait avec le ministère de l'Éducation Nationale, ne serait plus seulement affectataire des locaux mais pourrait s'intégrer dans sa comptabilité avec les investissements à venir mais aussi les amortissements passés ; bref de les mettre quasiment dans une position de responsabilité proche de celle d'un maire - je fais une comparaison, les situations ne sont, bien sûr, pas exactement les mêmes- qui lui permette d'avoir une lisibilité sur longue période et une vraie politique, claire, exprimable à tout le monde ? M. Pierre-Louis Mariel : Monsieur le Président, je suis effectivement le numéro deux d'une administration technique. Les questions que vous me posez me dépassent donc largement. Je voudrais simplement évoquer trois points. Le premier point, c'est la réglementation comptable. La nouvelle réglementation comptable sur l'université, la M93, est une réglementation comptable qui offre aux universités l'ensemble des outils de gestion et de vision comptable dont on a besoin aujourd'hui. Je rappelle que le tome comptable de cette instruction M93 a été soumis au Conseil national de la comptabilité et qu'il a été jugé conforme au plan comptable général. On ne peut donc plus dire aujourd'hui que les universités n'ont pas un outil comptable leur permettant d'avoir des pratiques de gestion dynamiques, et une comptabilité transparente. J'en veux pour preuve - et je fais le lien avec un des éléments que vous évoquiez - que le Conseil national de la comptabilité a demandé à ce que figurent dans les comptes financiers, en annexe, les dépenses de personnel supportées par l'État pour que cette information soit connue du conseil d'administration. Cela va dans le sens de cette nécessité d'avoir la vision la plus exhaustive, la plus large possible, des enjeux financiers, même s'il y a derrière des éléments juridiques. Nous avons aujourd'hui un outil budgétaire et comptable qui offre toutes ces possibilités, et notamment celle de faire des amortissements. Toutefois, je tiens à préciser que les universités ont la possibilité, depuis très longtemps de faire des amortissements. Les nouvelles normes comptables ont simplement modifié la procédure d'amortissement des biens dont la charge du renouvellement n'incombe pas à l'université. Le nouveau plan comptable a permis d'homogénéiser et de clarifier les procédures d'amortissement. On a maintenant quelque chose de précis, un outil moderne. M. Alain Claeys, rapporteur spécial : Sur ce point précis, le décret de 1994, je voudrais bien comprendre une bonne fois pour toutes à quoi sont liés les retards pour les instructions, et deuxièmement, je voudrais être bien convaincu que les instructions qui vont venir tiennent compte des enjeux nouveaux auxquels vont être confrontées les universités. Je pense en particulier à la valorisation de la recherche. Pour être plus précis, les flux venant d'organismes de recherche par exemple -parce qu'on ne peut pas parler de cadre budgétaire et comptable comme outil opérationnel pour l'université si cela n'est pas pris en compte- seront-ils pris en compte dans ces instructions et dans ces évolutions que vous comptez faire ? Il faut qu'on ait véritablement une réponse précise là-dessus. Je renouvelle aussi la question qui va dans ce sens : la création de services d'activité industrielle et commerciale, prévue dans la loi sur la recherche et l'innovation, nécessite-t-elle une modification du décret de 1994 ? Car cela remettrait en cause beaucoup de choses si vous répondez oui à cette question. M. Pierre-Louis Mariel : Je ne peux pas vous répondre oui, je ne peux pas vous répondre non. M. Alain Claeys, rapporteur spécial : Il faudra qu'on mette quelque chose dans notre rapport. M. Pierre-Louis Mariel : La loi a prévu que les services d'activités industrielles et commerciales sont des budgets annexes. Il y a deux solutions : soit il est décidé d'appliquer aux SAIC la réglementation de droit commun à l'université et il n'y a pas à toucher au décret de 1994 dans ce cas ; soit, il est considéré que des assouplissements ou des particularités doivent être pris en compte et il faudra à ce moment-là toucher au décret de 1994. Toucher au décret de 1994 est une conséquence. Le point de départ est la question de savoir si on va ou non adapter le régime budgétaire et comptable des universités ? Concernant votre question sur les retards, je ne peux que les déplorer. Je voudrais quand même souligner deux points. Premier point, nous sommes dans une démarche associant la direction de la comptabilité publique, d'autres directions du ministère des Finances, le ministère de l'Éducation Nationale et les universités. Dès lors que le parti avait été pris - et je pense qu'il était judicieux - d'avoir une approche de concertation avec les universités pour connaître les préoccupations de gestion sur le terrain, on s'engage automatiquement dans un processus qui est long. Je constate, en faisant le parallèle avec la M14 que j'ai bien connue, qu'on est dans des calendriers qui ne sont pas très éloignés. Dès lors que vous avez besoin de concertation, d'échanges de vue avec les personnes du terrain, cela prend énormément de temps, à partir du moment où le ministère de l'Éducation nationale avait pris le parti de mener une démarche consensuelle. Or, qu'est-ce qui s'est passé dans la démarche consensuelle ? On a constaté que la philosophie même du décret de 1994, qui vise à faire de la notion d'établissement le pivot de la gestion, n'était pas intégrée facilement au niveau des mentalités du monde universitaire. Il y avait toujours la préoccupation de conserver entre guillemets "une autonomie" au niveau inférieur, celui des facultés et des laboratoires. Un des deux grands éléments du décret de 1994, c'est donc cette unité, cette logique selon laquelle il appartient à l'université et au conseil d'administration de disposer de l'intégralité des recettes et des dépenses et de prendre des décisions, qui a du mal à passer. Il y avait parallèlement des pratiques de gestion au quotidien qui n'étaient pas orthodoxes - et la Cour des Comptes l'a bien montré- mais auxquelles les gestionnaires tenaient et on a passé des mois et des mois - j'ai des collaborateurs qui se sont épuisés pendant des années - à faire passer ce qu'était la philosophie de la réforme, ce qu'elle devait être, et pourquoi il fallait abandonner des pratiques qui étaient orthogonales avec cette philosophie-là. Je ne suis pas peu fier de cela. Je ne sais pas si cela justifie, ou en tout cas explique, que nous ayons mis beaucoup de temps. J'espère que tout ce travail a abouti à ce qu'on dispose d'un outil intéressant et, surtout à ce que les mentalités changent. Ce qui me rassure et me rend plus optimiste - puisque j'ai suivi ce dossier depuis quelques années - c'est que j'ai le sentiment que les mentalités ont changé, les préoccupations de gestion deviennent plus présentes au sein des universités. M. Alain Claeys, rapporteur spécial : Pour aller dans le sens du président, je prends un sujet d'actualité parce qu'il ne faudrait pas qu'on soit toujours en retard d'une guerre. Il y a une loi sur l'innovation, votée par le Parlement et qui devrait conduire à réintégrer, au sein des universités, la gestion de toutes ces associations qui permettent de faire de la recherche et du développement. Concrètement, les universités vont-elles disposer de directives et d'une assistance suffisante pour réaliser ce type d'opération ? C'est très concret si on veut avoir une valorisation de la recherche et une lisibilité de cette activité. M. Pierre-Louis Mariel : La réponse est naturellement oui. On en est pour l'instant au stade de la réflexion mais, une fois la réflexion achevée, les directives seront précises sur les modalités de mise en _uvre, notamment budgétaire et comptable, de cette logique. M. Alain Claeys, rapporteur spécial : Quel est le délai envisagé ? M. Pierre-Louis Mariel : L'année 2000. M. Alain Claeys, rapporteur spécial : Dans cette même perspective, beaucoup de nos collègues ont évoqué le problème fiscal dans le domaine de la valorisation. Les auditions précédentes ont montré les difficultés liées au régime d'imposition, notamment pour l'impôt sur les sociétés. Je voudrais savoir quelle est l'approche sur cette question, et quelles sont les mesures envisagées par le ministère de l'Économie et des Finances. M. Pierre-Louis Mariel : C'est un sujet sur lequel je ne peux pas me prononcer. Il y a une administration fiscale, qui est en charge de ce sujet. Je voudrais simplement dire deux choses : la première, c'est que le ministre, à l'occasion d'un colloque que nous avons organisé à Bercy justement sur la gestion universitaire dans la perspective de relations plus partenariales et étroites avec le monde des universités, a annoncé en mai dernier qu'il suspendait tout redressement afin d'avoir le temps de mettre en place un dispositif clair, précis et lisible sur le régime fiscal des universités. Deuxième élément : un groupe de travail avec la direction générale des impôts, la direction du budget et le ministère de l'Éducation nationale est en cours pour déterminer ce nouveau régime. Je ne peux vous donner que des éléments de procédure, je ne peux pas me permettre de me prononcer sur le fond. Ce qui me paraît indispensable, c'est qu'il y ait concomitance entre la fixation comptable de ces opérations d'innovation et la réglementation fiscale clarifiée. M. Pierre Hériaud : Je voudrais prolonger un peu cet aspect. Je comprends, Monsieur Mariel, que vous ne vouliez pas juger en opportunité, si je puis dire, mais simplement sur le plan méthodologique. Cependant, vous avez notamment des propositions, du moins des projets de ce côté-là, parce que vous avez parlé de l'année 2000. Ne s'agirait-il pas, très simplement, pour les activités des universités qui relèvent de l'innovation et de la recherche, de traiter strictement le problème à côté de la comptabilité publique par le droit commercial ? N'est-ce pas ce qui conviendrait le mieux ? On a parlé de cette autorisation au niveau des associations, afin de distinguer le régime fiscal dont elles relèvent. Je crois qu'il y a, depuis le 15 septembre 1998, la règle des quatre P : le produit, le prix, la publicité et je ne sais plus quel autre. Ne réglerait-on pas finalement le problème en considérant ces activités comme distinctes de l'activité d'enseignement et de nature strictement commerciale ? M. Pierre-Louis Mariel : Il y a deux éléments. Premier élément, il y a une totale scission entre comptabilité publique, comptabilité privée et régime fiscal. On a une loi fiscale, elle s'applique à différentes structures, quel que soit leur statut public ou privé. Ce qui compte, c'est l'activité. Et on a naturellement des établissements publics, soumis aux règles de la comptabilité publique qui sont soumis au droit commun fiscal. Aéroports de Paris est un établissement public qui a un régime fiscal de droit commun. Il ne faut pas confondre l'aspect comptabilité publique et le régime fiscal. Deuxième élément : nous avons nombre d'établissements publics qui assurent des activités de recherche, de développement et de valorisation de la recherche, dans un cadre public adapté qui donne satisfaction. On a aujourd'hui, dans l'ensemble du monde des établissements publics, des exemples, des cas concrets de valorisation de la recherche qui devraient nous permettre d'apporter aux universités des réponses qui ont fait leur preuve ailleurs. Je ne suis pas pessimiste sur ce plan parce qu'il est pour nous très aisé, sur l'aspect valorisation, d'appliquer les règles entre guillemets « du droit commercial », c'est-à-dire les règles du plan comptable général du droit commun sans aucune adaptation sur tel ou tel secteur. Nous le faisons déjà et nous pouvons donc le faire pour les universités. Nous avons tous les outils, nous pouvons offrir toute la palette. M. Pierre Hériaud : C'était le sens de ma question. Nous avons une projection lente, sans doute trop lente, de la comptabilité générale sur l'ensemble de la comptabilité publique puisqu'on va aller vers le patrimoine, bilan, etc. On parlait tout à l'heure des fonds de roulement des universités, mais on n'a pas de bilan. Je veux bien qu'on calcule tout ce qu'on voudra à ce niveau mais cela montre tout le chemin qui reste à parcourir. Et, comme vous l'avez fort bien dit, nous avons finalement les éléments comptables qui s'appliqueront à différents types de statut. Le système fiscal devrait purement et simplement en découler en fonction de l'activité. M. Pierre-Louis Mariel : On a effectivement les éléments aujourd'hui. On dispose d'un cadre budgétaire et comptable tout à fait remarquable et même nouveau, d'un document, qui est un guide comptable, qui reprend non seulement les éléments du plan comptable général mais les commentent, pour constituer un outil à la disposition du gestionnaire. Le vrai sujet pour nous, collectivement avec les universités, est celui de savoir comment monter le niveau de compétence de gestion au sein des universités afin que ce guide soit bien utilisé. On dispose d'un outil mais je ne suis pas sûr qu'il pourra être parfaitement utilisé au jour d'aujourd'hui. Il faut absolument que nous menions une action de formation. M. Alain Claeys, rapporteur spécial : J'ai une petite inquiétude à vous entendre depuis trois quarts d'heure. D'un côté, vous nous dites : nous partageons les remarques de la Cour sur les insuffisances au niveau des universités ; mais, à vous écouter ensuite, grâce au développement des différents outils que vous mettez en place, je ne vois plus apparaître ces difficultés. Elles ont disparu brutalement ? Qu'est-ce qui se passe ? Cet optimisme est-il un optimisme de raison ? Qu'est-ce qui ne va pas et où cela coince ? M. Jean-Jacques Jegou : Je ne me permettrai pas de compléter le rapporteur spécial qui connaît bien son sujet, mais je voudrais simplement dire que je participe régulièrement à la mission d'évaluation et de contrôle, et j'ai le sentiment, au bout de quelques auditions relatives à la gestion des universités, que nous avons, d'un côté, des héros qui se font mitrailler, ne sont pas compris et n'ont pas de moyens etc., et, de l'autre côté, des bonnes fées qui se penchent avec bienveillance sur le berceau des universités et qui disent : mais tout va bien, il n'y a pas de problème, etc. Alors, ou bien on s'est trompé de sujet - ce qui peut toujours arriver parce que les parlementaires ne sont pas des gens parfaits - ou bien il y a quelque chose que l'on ne parvient pas à appréhender. Je ne citerai qu'un seul exemple. Vous dites, par exemple, sur le personnel : ils ne comprennent pas le cadre extraordinaire que l'on a établi et il faudrait vraiment développer la formation professionnelle. Mais l'autonomie des universités ne consiste pas à choisir le personnel, à tenter d'être autonome sur ce plan. Ne peut-on pas se reprendre, les uns et les autres, et voir ce qui pourrait être... ? Monsieur le directeur de la comptabilité publique est quelqu'un d'important dans notre pays, il y a des moyens que vous avez cités, tout à l'heure... Je n'ai d'ailleurs pas bien compris que vous prépariez à la fois le travail de la Cour des Comptes et que vous ne soyez pas étonné de son travail. Si vraiment vous apportez les conseils aux universités, ne pourraient-elles pas fournir une meilleure lisibilité de leurs comptes ? M. Pierre-Louis Mariel : J'ai dû mal m'exprimer ou mal me faire comprendre. Premier élément, j'ai dit que nous partagions le constat de la Cour des Comptes. Ce constat porte sur la situation actuelle ou passée. Je ne vois pas là de difficulté à admettre ce que dit la Cour des Comptes. C'est justement parce qu'on a eu cette prise de conscience, grâce tout d'abord aux observations et aux rapports de notre administration, qui a été confortée ensuite par l'analyse de la Cour des comptes, qu'on a lancé, il y a un an et demi, deux ans, une action lourde de modernisation de la gestion. Je suis très préoccupé par la mise en _uvre concrète de la modernisation du cadre budgétaire et comptable qui n'est qu'un outil. Je ne suis pas d'un optimisme béat. Je dis qu'il y a une prise de conscience collective sur le fait que la situation n'est pas bonne. On a pris des mesures de réglementation budgétaire et comptable qui me paraissent aller dans le bon sens, et on a défini, ensemble, des axes de progrès pour que ce nouveau cadre budgétaire et comptable améliore concrètement la gestion. Il est vrai qu'il y a un effort important à réaliser en terme de formation, de recrutement et d'analyse financière. Nous aurons échoué si nous ne parvenons pas à accompagner l'application de ces nouvelles règles, ces nouveaux outils. Je pense que nous y arriverons et que nous pourrons donner aux universités des outils de gestion concrets, au-delà d'un cadre budgétaire et comptable satisfaisant, qui amélioreront la gestion. Sur le problème des personnels. M. Alain Claeys, rapporteur spécial : Avant de parler du personnel, pensez-vous qu'une clarification est nécessaire entre les fonctions financière et comptable au sein des universités ? M. Pierre-Louis Mariel : C'est un faux débat. Sur ce problème, je dirais simplement qu'on a aujourd'hui une loi qui permet la dualité des fonctions d'agent comptable et de chef des services financiers. Il y a concrètement deux tiers des universités où cette dualité des fonctions est exercée. Je ne suis pas du même avis que nombre de personnes à la Cour des Comptes. Cette dualité des fonctions ne me paraît pas contraire au principe de séparation de l'ordonnateur et du comptable, parce que, cette séparation, c'est la séparation de celui qui décide et de celui qui contrôle et qui exécute la règle de la comptabilité publique que l'on retrouve dans toutes les grandes organisations publiques et privées. Il n'y a pas de difficulté, sauf que dans le public c'est institutionnel. Il ne faut pas que cette séparation soit trop stricte. Il y a des cas où le fait d'avoir à la fois les fonctions de chef des services financiers et d'agent comptable permet une meilleure fluidité dans la gestion, permet en amont de donner des conseils à l'ordonnateur, pas de se substituer à l'ordonnateur mais d'avoir des conseils, et donc d'éviter nombre d'opérations de rejet qui ralentissent les opérations. Bref, cela peut être un élément de modernisation et de gestion plus efficace vis-à-vis des structures publiques. Deuxième élément : de quoi s'est-on rendu compte lorsqu'on a fait ces vérifications en 1997-1998 ? Que la comptabilité des universités était plus ou moins bien tenue ou plus ou moins mal tenue et, dans les situations où on a constaté que des pratiques comptables n'étaient pas bonnes, on avait des cas où l'agent comptable cumulait les fonctions de chef des services financiers et des cas où cela ne l'était pas. On ne peut pas dire en soi que cette dualité des fonctions a pour conséquence de rendre moins opérationnelle et moins efficace, soit la gestion comptable, soit la gestion financière. Troisième élément : on a deux problèmes pour que ces fonctions d'agent comptable et de chef des services financiers puissent s'exécuter dans de bonnes conditions, c'est un problème de moyens et de compétence au sein des agences comptables comme au sein des services financiers. C'est aussi un problème pour nous de relever, dans les universités importantes, celles où il y a des enjeux financiers élevés, le niveau des agents comptables qui sont à la tête de ces opérations. Il faut sortir d'un débat théorique pour aller sur du concret. Qu'est-ce que ça apporte et à quelles conditions cela peut être fait ? Ce qui est important pour nous, et c'est ce que nous sommes en train de faire, c'est de définir un cadre précis par une circulaire précisant les fonctions qu'un agent comptable, chef de services financiers, peut effectuer et celles qu'il ne peut pas effectuer parce qu'il est vrai que cette dualité de fonction a abouti dans certains cas, à ce que les agents comptables franchissent la ligne et se substituent à l'ordonnateur, et ça, effectivement, ce n'est pas admissible. Nous allons très prochainement clarifier les fonctions exercées par les uns et les autres en fonction de l'organisation de l'université et des compétences des cadres responsables de l'université. La dualité de fonction est une excellente chose ou est une chose moins indispensable, mais je crois qu'il faut sortir d'un débat trop théorique sur ce sujet. M. Didier Migaud, Rapporteur général : Il faut donc sortir du débat théorique. Rencontrez-vous de temps en temps des présidents d'université ? M. Pierre-Louis Mariel : Il m'arrive d'en rencontrer, soit à titre personnel, soit à titre institutionnel et fonctionnel. C'était le cas au mois de mai dernier dans le cadre du colloque de Bercy que nous avons organisé. Il y a eu la semaine dernière la réunion mensuelle de la Conférence des présidents d'université ; à laquelle le directeur général de la comptabilité publique a participé pendant une après-midi sur ces sujets de modernisation de la gestion des universités. M. Pierre Hériaud : En fonction de ce que vous venez de nous dire et de ce que nous avons entendu ce matin dans les auditions précédentes, existe-t-il en France aujourd'hui des universités aptes à enseigner, à délivrer des diplômes d'enseignement supérieur dans le domaine de la gestion administrative, économique et financière, et du management des entreprises ? M. Pierre-Louis Mariel : Je le pense. Mais vous savez, il n'y a pas toujours une parfaite osmose entre la filière universitaire et la gestion des universités. M. Jean-Pierre Delalande, Président : Je vous propose que nous terminions sur cette note humoristique. Merci. Laisser cette page blanche sans numérotation 5.- Audition de M. Claude Allègre, Ministre de l'Éducation nationale, de la Recherche et de la Technologie (Extrait du procès-verbal de la séance du jeudi 9 mars 2000) (Présidence de M. Augustin Bonrepaux) A l'invitation du Président, M. Claude Allègre est introduit. Le Président lui rappelle les règles définies par la mission pour la conduite des auditions : pas d'exposé introductif, échange rapide des questions et des réponses. M. Augustin Bonrepaux, Président : Mes chers collègues, cette audition terminera le travail entrepris par M. Alain Claeys, rapporteur spécial, sur la gestion des universités. Monsieur le Ministre, je suis heureux de vous accueillir au nom des membres de la mission d'évaluation et de contrôle ; cette mission a été mise en place par la commission des Finances, afin de contrôler et d'évaluer la façon dont sont utilisés les crédits publics dans l'ensemble des administrations. M. Alain Claeys, rapporteur spécial des crédits de l'enseignement supérieur, a souhaité s'intéresser plus particulièrement à la gestion financière et budgétaire des universités. Après avoir procédé à plusieurs auditions, nous souhaitons, aujourd'hui, que vous puissiez répondre tant aux questions du Rapporteur spécial, du Rapporteur général, qu'à celles des membres de la mission afin qu'à la suite de ce travail nous puissions faire des propositions pour mieux informer le Parlement, et surtout, améliorer la gestion des universités. Après avoir remercié les magistrats de la Cour des comptes de leur constante collaboration, il a ensuite donné la parole au Rapporteur spécial. M. Alain Claeys, rapporteur spécial : Monsieur le Ministre, je rappellerai brièvement dans quel état d'esprit nous abordons cette audition et quels sont les thèmes que nous souhaiterions pouvoir aborder avec vous. Je commencerai en précisant que vous nous facilitez un peu la tâche car, s'agissant du rapport de la Cour des comptes, vous avez répondu de façon explicite que vous souscriviez au bilan qu'elle avait dressé. J'ajoute qu'entre le moment où la Cour a réalisé ce bilan sur une vingtaine d'universités et aujourd'hui, un certain nombre d'améliorations ont pu être constatées. Monsieur le Ministre, je souhaiterais pouvoir articuler, pour que les choses soient aussi claires que possible, votre audition autour de quatre grands thèmes. Le premier serait l'autonomie des universités, le deuxième qui serait peut-être un thème de transition, serait votre vision sur l'Agence de modernisation, le troisième serait l'État et le contrat - le contenu du contrat aujourd'hui, les améliorations à y apporter et son évaluation - le quatrième serait les nouveaux défis que vous lancez à l'université dont je retiendrai deux, à savoir la formation continue et la valorisation de la recherche. Pourquoi mettre en parallèle les problèmes de l'autonomie et celui du contrat et de l'État ? Parce que nous avons le sentiment - et je crois comprendre, y compris dans la réponse que vous donnez, à la Cour que vous le partagez - que sur ces deux maillons de la chaîne il y a encore, dans notre système, des faiblesses qui sont liées à la fois à des problèmes financiers, à des problèmes institutionnels et, tout simplement, à des problèmes de formation des personnels. Monsieur le Président, je vous propose de commencer sur ce problème d'autonomie en abordant deux sujets : les moyens financiers et les aspects institutionnels. Concernant les moyens financiers, j'aurai, Monsieur le Ministre, deux questions très directes à vous poser. Premièrement, selon vous, que recouvre, aujourd'hui, la notion d'autonomie des universités et, en ce domaine, comment situez-vous les universités françaises par rapport à leurs homologues à l'étranger ? Deuxièmement, l'autonomie financière des universités étant considérée comme illusoire, en fonction de la prépondérance actuelle des crédits d'État et de leur mode de financement, quel est votre sentiment sur le sujet : est-il possible d'envisager une plus grande déconcentration de certains crédits ? Lors d'un rapport que j'avais réalisé sur l'accueil des étudiants étrangers, j'avais évoqué les bourses affectées aux universités pour l'accueil des étudiants étrangers : existe-t-il d'autres moyens financiers susceptibles d'être déconcentrés ? Telles sont, Monsieur le Ministre, les deux premières questions que je souhaiterais vous poser. M. Claude Allègre, ministre de l'Éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Monsieur le Président, messieurs les Rapporteurs, mesdames et messieurs, d'abord je me félicite de cette audition qui, sans doute, permettra de préciser un peu quelques positions. Si vous le voulez bien, je replacerai ce problème de l'autonomie de l'université dans un contexte un peu plus général. Vous savez que, tant comme conseiller spécial de Lionel Jospin que comme ministre, j'ai favorisé l'autonomie des universités à travers la globalisation des crédits de fonctionnement, la mise en place d'une politique contractuelle, la responsabilité confiée aux établissements de la gestion de leur patrimoine et le changement de logique du recrutement en donnant le dernier mot aux universités. A ce sujet, je me permets de vous indiquer l'existence d'un bilan qui avait concerné, dans un précédent rapport, la Cour des comptes et qui est extrêmement positif puisqu'avec le nouveau système, plus de 70 % des maîtres de conférence recrutés l'ont été parmi des gens qui n'avaient pas fait leur thèse dans l'université, et que parmi les professeurs, plus de 55 % ont été recrutés parmi des personnes qui ne sont pas maîtres de conférence dans cette université. Le changement est donc radical et la peur qui était la nôtre que le fait de donner le dernier mot aux universités ne conduise à l'autorecrutement était infondée puisque c'est, en fait, l'inverse qui s'est produit ! En outre, j'ai été à l'origine de la démarche de modernisation qui a abouti à la création de GIGUE qui s'est transformée en Agence de modernisation. Par conséquent, je suis très favorable à l'autonomie universitaire ! Néanmoins, dans un établissement tel que l'université, un problème important se pose qui est celui de la citoyenneté appliquée à l'enseignement public, car pas plus que l'on ne peut faire gérer la Poste par les postiers ou la SNCF par les cheminots, on ne peut faire gérer l'université uniquement par les universitaires sans une contrepartie de citoyenneté. Cette citoyenneté, aujourd'hui, dans le système français, est donnée par l'État et, si on veut aller plus loin, il faut alors basculer dans d'autres systèmes avec un conseil d'université ou un conseil d'administration qui ne soit pas composé d'universitaires mais qui représente la citoyenneté. Quand on se livre à une comparaison avec les autres pays, il faut savoir que c'est le cas : il n'y a pas d'exemple où l'on donne une autonomie en laissant les gens s'autogérer... Cela signifie qu'il faut instituer - comme nous l'avons fait dans le cadre de l'expérience que nous avons conduite dans les universités nouvelles - un conseil d'orientation composé des élus, des représentants des centrales syndicales, du représentant économique, plus quelques professeurs, de préférence n'appartenant pas à l'université qui discutent de l'orientation. C'est une chose qu'il faut savoir si l'on veut aller plus loin ! Vous êtes la représentation nationale et vous devez vous montrer très attentifs à cela ! M. Alain Claeys, rapporteur spécial : Quel est votre sentiment ? Vous estimez cette évolution utile ? M. Claude Allègre, ministre : Je pense que, derrière les conseils d'université tels qu'ils sont et tels qu'ils doivent continuer à fonctionner - ce serait une bonne chose qu'il y ait un conseil d'orientation qui permette de lier l'université à son environnement, à la cité. L'expérience prouve qu'il est très difficile de faire venir des personnalités extérieures dans un conseil d'université qui traite de points techniques : le maire de Paris ne vient dans aucun des conseils d'université mais je ne suis pas sûr qu'il ne le ferait pas s'il y avait un conseil d'orientation qui, une ou deux fois par an, définirait les grandes orientations. Je suis persuadé que les maires des grandes villes se déplaceraient comme c'est le cas dans les grandes métropoles étrangères. Je considère que nous devrions avancer vers la création de conseils d'orientation qui, sans avoir de pouvoirs absolus, pourraient, par exemple élire les présidents d'université. Bien que le niveau des présidents d'université se soit énormément amélioré, il faut bien le dire, ces dernières années, certains d'entre eux sont parfois élus à deux heures du matin, alors que les universités étrangères mettent parfois six mois à trouver un président d'université avec un search comity et que sais-je encore... M. Alain Claeys, rapporteur spécial : Quel poids a, aujourd'hui, un président d'université par rapport aux directeurs de recherche de grands laboratoires ? A-t-il réellement, institutionnellement, un grand pourvoir ? M. Claude Allègre, ministre : Je pense, pour peu qu'il l'exerce, qu'il a du pouvoir ! Cela étant, il ne l'exerce pas toujours : je veux dire qu'il faut avoir le courage de ne pas transmettre telle ou telle chose et de prendre un certain nombre d'initiatives. Il a du pouvoir - il faut lire les textes - et il peut l'assumer pleinement ! Je crois que le problème, que vous avez raison de soulever, du président d'université est autre. Là encore, la comparaison avec ce qui se passe à l'étranger est instructive : chez nous, le président de l'université est recruté parmi les enseignants de l'université ; en Grande-Bretagne, par exemple, il est recruté parmi des professeurs d'autres universités - les présidents d'université en Grande-Bretagne sont tous universitaires mais pas dans l'université qu'ils président - alors que, dans d'autres pays, il n'y a pas obligation d'être universitaire pour être Président. Il est un exemple célèbre : le Président Eisenhower est devenu après avoir été de président des États-Unis, président de l'université de Colombia et l'actuel président du Mexique, M. Zedillo ,va probablement devenir président de l'université à la fin de son mandat ! Ce sont des différences philosophiques, mais, sur ce point, je dis que l'opinion de l'Assemblée nationale - et je vous prie de m'excuser de vous " renvoyer la balle "- parce que c'est vraiment un choix capital pour la société est plus important que celle du ministre de l'Éducation nationale... M. Alain Claeys, rapporteur spécial : L'opinion du ministre nous serait peut-être utile sur les problèmes financiers. Si vous le voulez bien, nous reviendrons plus tard sur les problèmes de contrat mais concernant la question financière qui est un élément parmi d'autres pour mesurer l'autonomie - et je partage assez votre analyse sur cet aspect citoyen qu'il est extrêmement important d'accoler à celui d'autonomie - qu'est-il possible de faire pour déconcentrer à nouveaux des moyens aux universités ? M. Claude Allègre, ministre : Je crois qu'il y a un premier problème qui est extrêmement important et qui, actuellement, fait l'objet d'un débat européen : ce sont les modalités de financement des universités. La philosophie européenne et française est d'avoir un enseignement public et gratuit pour tous ceux qui sont capables de le suivre et l'application de cette conception en France, en Allemagne, en Italie, jusqu'à ces derniers temps en Grande-Bretagne - j'y reviendrai - aboutit à un enseignement supérieur gratuit, financé par l'État, donc par l'impôt, les droits d'inscription n'entrant que pour une part marginale dans ce financement. L'Amérique du Nord et du Sud obéissent à une autre philosophie qui est la suivante : l'université est financée en majorité par les droits d'inscription des étudiants, l'État, au contraire ne versant que des apports marginaux. Toutefois, dans beaucoup de cas, l'argent payé par les étudiants sert très largement au financement des bourses : pour en donner un exemple, je citerai l'étude qui vient d'être faite sur le MIT et qui montre que ce dernier est finalement financé à 80 % par l'État mais au travers des bourses qui sont allouées aux élèves... Personnellement, je suis très attaché au système européen. Je suis très attaché au fait que le financement par les droits d'inscription ne soit que marginal. On peut discuter de la question de savoir où se trouve la marge mais je crois qu'il faut conserver ce système. Il est maintenant discuté en Allemagne par des landers et il a même donné lieu, il y a quinze jours, à un débat extrêmement vif au sein du SPD au motif qu'un lander, dominé par le SPD, a voulu augmenter les droits d'inscription ce à quoi la ministre de l'éducation est formellement opposée. Le débat s'est instauré également en Italie. La Grande-Bretagne, quant à elle, applique un système qui n'est pas inintéressant et qui consiste à fixer des droits élevés, ces droits étant, par l'intermédiaire d'une banque, prêtés aux étudiants qui les remboursent uniquement s'ils trouvent de l'emploi. Si je précise tout cela, c'est pour bien replacer les choses mais je reste fondamentalement attaché au système français qui veut que l'État finance à travers une politique contractuelle. Par ailleurs, l'université, ainsi que la Cour l'a noté, dispose de ressources propres. Très franchement, je vais vous dire quelle est ma position : je suis un peu choqué qu'il y ait, par exemple, dans les universités des réserves de 6 milliards de francs et quelque, et que certaines d'entre elles continuent, pendant que les locaux universitaires ont besoin d'être repeints et équipés, à amasser de l'argent... M. Alain Claeys, rapporteur spécial : Permettez-moi de vous interrompre mais, concernant cet exemple concret des réserves, même si on peut en discuter le chiffre pour savoir ce qu'on met derrière, il est clair qu'il y a des réserves... L'inspection générale a proposé une mesure qui est la mutualisation de ces réserves : cela se fait dans quelques rares universités et quand je vous parlais, tout à l'heure, du poids du président de l'université, c'est parce que la grosse difficulté aujourd'hui pour faire ce qui devrait être fait - et, là, à mon avis, vous avez raison - c'est cette mutualisation des réserves qui je crois, est une bonne illustration des limites du poids d'un président d'université... M. Claude Allègre, ministre : A la mutualisation s'ajoute aussi le fait qu'il existe une grande inégalité. En effet, les universités tournées vers les sciences, la technique ou la gestion ont plus de retours financiers que celles qui le sont, par exemple, vers les lettres classiques. En conséquence, il y a un problème de péréquation qui doit être résolu. Vous évoquiez ce problème parce qu'il touche à l'équilibre des pouvoirs mais, personnellement, je souhaiterais qu'il y ait à la fois plus d'autonomie des universités et que le chancelier, le recteur des universités qui représente l'État, qui actuellement n'exerce pratiquement aucun pouvoir, puisse d'abord bénéficier d'un système de vice-chancelier comme il en existe à Paris et dans certaines grandes villes, et ensuite, faire un certain nombre de remarques... M. Alain Claeys, rapporteur spécial : Vous serait-il possible de préciser cette notion de vice-chancelier ? M. Claude Allègre, ministre : A Paris, il existe, aux côtés du recteur, un recteur qui est vice-chancelier des universités et qui joue le rôle du recteur auprès des universités en raison de leur nombre. Je souhaite - et quelques expériences seront probablement menées dans les grandes villes - que dans les académies qui comptent plusieurs universités, comme c'est notamment le cas de Marseille, de Lille ou de Lyon il y ait un vice-chancelier pour suppléer le recteur lorsque ce dernier est pris par ses multiples activités Je souhaiterais que ce vice-chancelier ait la possibilité de faire, une fois par an, par exemple, un certain nombre de recommandations, voire d'injonctions à l'université. M. Alain Claeys, rapporteur spécial : Son rôle dépasserait donc celui d'un simple contrôle de légalité ? M. Claude Allègre, ministre : Oui, et je vais vous dire pourquoi, mais nous aurons probablement l'occasion d'en reparler quand le code de l'éducation que vous avez voté sera complètement achevé. Actuellement, si, par exemple, un président d'université - pardonnez-moi cette hypothèse mais elle s'est déjà rencontrée - " dérape " un peu, il continue à avoir la signature et un tas de responsabilités sans même pouvoir être mis en minorité par son conseil ce qui impose d'attendre : la situation s'est récemment produite à l'université de Lille III qui s'est trouvée bloquée. Le conseil et le président étaient en opposition formelle et aucune procédure n'est prévue pour pallier cet état de fait. On pourrait même aller jusqu'à imaginer qu'un président d'université perde la raison - cela peut arriver et le cas est prévu dans toutes les constitutions du monde - nous n'aurions aucun moyen d'agir par rapport à cela... M. Alain Claeys, rapporteur spécial : La Cour n'a pas envisagé cette hypothèse. M. Claude Allègre, ministre : Non, mais c'est un problème que nous avons rencontré l'année dernière dans une université du Sud... L'autonomie plus grande que je souhaiterais donc voir donner à l'université, les pouvoirs accrus octroyés aux présidents s'accompagnent symétriquement de la création d'un conseil d'orientation qui représente la citoyenneté et de l'existence d'un vice-chancelier susceptible de faire publiquement un certain nombre de remontrances : tout cela doit être transparent ! M. Alain Claeys, rapporteur spécial : Vous êtes prêt, concernant cette proposition précise, à affecter des moyens déconcentrés aux rectorats ? M. Claude Allègre, ministre : Absolument ! En revanche, cela suppose aussi de simplifier - et nous l'avons fait - certaines démarches superflues : quand vous êtes candidat à un poste de professeur ou de maître de conférence, vous envoyez votre candidature au rectorat qui l'envoie à l'université ensuite, ce qui fait perdre du temps inutilement et donne un double travail aux services... Nous sommes donc en train d'essayer de simplifier le système, mais il faut savoir une chose : l'université a besoin d'être dotée d'administrateurs de haut niveau et si on me demandait quelle était, pour moi, la priorité des priorités je dirais que ce serait de doter l'université de cette catégorie de personnel car elle n'a pas - la Cour la noté - assez d'administrateurs de haut niveau... M. Alain Claeys, rapporteur spécial : Alors qu'êtes-vous prêt à faire pour régler le problème financier et celui des secrétaires généraux ? M. Claude Allègre, ministre : Je pense qu'il faut revaloriser les fonctions administratives des universités tout en continuant d'ailleurs à revaloriser celle de président - là encore, il y a un équilibre à atteindre et on peut se poser la question de savoir s'il ne faut pas donner aux présidents la possibilité qui n'existe pas aujourd'hui d'être réélus une fois pour assurer une certaine continuité - revaloriser la fonction de secrétaire général mais il convient également qu'il y ait dans les universités, un directeur des ressources humaines de haut niveau qui traite les problèmes de personnel comme cela se fait dans une grande entreprise et un directeur financier de haut niveau parce que, maintenant, cette fonction ne se limite plus à celle d'agent comptable... M. Alain Claeys, rapporteur spécial : Il est contrôleur de gestion ! M. Claude Allègre, ministre : Effectivement, elle s'étend à celle de contrôleur de gestion d'autant qu'il va devoir régler le problème des incubateurs et des problèmes de créations d'entreprises. Il faut donc faire très attention : nous sommes tout à fait favorables à ce que l'université soit un moteur économique mais pas dans n'importe quelles conditions. Pour assumer une telle tâche, il faut donc des gens formés, non seulement à la gestion des ressources publiques, mais aussi aux questions, par exemple, d'emprunts bancaires, de gestion de capital risque etc. Nous avons donc besoin de structures financières plus fortes. Pendant des années, les universitaires ont eu l'idée que l'universitaire étant universel, il pouvait se transformer en n'importe quoi, qu'il pouvait devenir aussi bien vice-président, gestionnaire, autant de fonctions dont nous savons bien, à présent, qu'elles exigent une certaine formation : on ne s'improvise pas spécialiste d'administration du jour au lendemain... C'est donc là un point important ! Je serais disposé également à faire en sorte que la distribution des primes soit plus largement déconcentrée et laissée aux établissements. M. Alain Claeys, rapporteur spécial : Pouvez-vous détailler un peu plus cette question ? M. Claude Allègre, ministre : Je pense que les primes pour le personnel et qu'un certain nombre d'autres primes peuvent être distribuées. Mais cette formule a des effets pervers dont je vais vous donner un exemple. Nous avions instauré, il y a quelques année, une formule qui fonctionne encore et qui voulait qu'une partie des promotions soit locale et l'autre partie nationale, l'idée étant de dire que si quelqu'un se trouvait barré sur le plan local pour des raisons de rivalité locale, l'instance pouvait, par exemple, le faire passer professeur tout comme quelqu'un de barré sur le plan national, mais qui pouvait avoir rendu infiniment des services à l'université - quelqu'un qui se serait dévoué aux démarches administratives au détriment de ses recherches personnelles, par exemple - pouvait se voir récompenser en obtenant une promotion par l'université. En fait, dans certains établissements, les choses se passent bien tandis que dans d'autres on soupçonne une certaine stratégie et la prééminence d'une idée qui voudrait que la promotion nationale soit noble et que la promotion locale le soit moins... On voit bien là que la démarche a ses limites. Il ne faut pas oublier que, dans ce pays, la règle est la même pour une très grande université de 60 000 étudiants que pour une université qui en compte 5 000 et qui n'a donc pas le même environnement. Par conséquent, je suis assez d'accord pour transférer la gestion des bourses et je vais même vous dire plus : je pense que la totale implication de l'université dans la gestion sociale compte parmi les choses qui lui manquent le plus. En ce domaine, il y une grande différence avec ce qui se passe dans les universités étrangères. Les universités étrangères se soucient d'accueillir leurs étudiants et de les nourrir intellectuellement mais également physiquement. En conséquence, c'est l'université qui s'occupe des logements étudiants. Dans le précédent plan étudiant, nous avions introduit l'idée d'avoir un conseil social et un guichet unique à l'intérieur de l'université. Évidemment, compte tenu du fait que nous avons une organisation avec des CROUS Centres régionaux des _uvres universitaires et scolaires -, des CNOUS - Centres nationaux des _uvres universitaires et scolaires - et j'en passe, l'idée a plus ou moins péniblement fait son chemin d'autant que la tradition universitaire française est de considérer qu'elle apporte les nourritures intellectuelles mais que les nourritures terrestres ne sont pas de son ressort... Cela représente un grand problème, en particulier si nous voulons veiller à ce que l'on tienne compte des résultats scolaires comme c'est le cas pour les bourses. Ma position personnelle serait de déconcentrer très largement vers les universités la gestion sociale, à condition que les universités s'engagent dans cette voie, les CROUS et les CNOUS n'étant là que pour assurer la coordination des affaires. C'est une chose qui peut se faire... Par ailleurs, nous sommes en train de mettre sur pied une déconcentration très large de la gestion des personnels mais c'est aussi un problème très compliqué. Il n'est pas normal, lorsque quelqu'un est nommé professeur ou a une promotion d'échelon, que cela ne se traduise sur son bulletin de salaire que six, voire huit ou dix, mois après ! Normalement cela devrait pouvoir être fait instantanément. Cela tient au " duplicata " des instances. On s'efforce maintenant de simplifier tout cela à l'aide de l'informatique mais la procédure reste très lourde parce que la loi d'orientation stipule que toute nomination ou promotion doit in fine dépendre de l'instance nationale qu'est le CNU - Conseil national des universités. Nous pensons que cette instance nationale, qui n'existe nulle part ailleurs en Europe n'est peut-être pas... M. Alain Claeys, rapporteur spécial : Il n'a pas bien fonctionné ce comité national d'évaluation ! M. Claude Allègre, ministre : Pour l'instant, je parle du CNU mais je vais venir au comité national d'évaluation... Pour autant, je ne pense pas qu'on soit mûr, en France, pour supprimer cette instance nationale : je considère que nous ne sommes pas en état d'aller vers une autonomie complète, ne serait-ce que par ce cette culture et la citoyenneté nous font défaut. Il faut donc, selon moi, laisser les choses en l'état ! Sur le plan de l'autonomie financière, il me semble que l'on peut s'engager plus largement mais à condition toutefois de le faire progressivement et de transférer des moyens puisque l'on retombe là - excusez-moi d'être terre à terre - sur le problème de l'encadrement administratif ! Nous avons besoin d'avoir davantage de personnels de haut niveau auprès de la présidence des universités. M. Alain Claeys, rapporteur spécial : Très concrètement, nous savons ce qui relève de la responsabilité du Parlement, mais vous, en tant que ministre, vous prenez des engagements pour accorder des moyens supplémentaires en faveur de cet encadrement dans les universités ? C'est un point très important ! M. Claude Allègre, ministre : Dans les discussions que nous avons sur les problèmes de personnel technique et administratif, c'est l'une des pistes que nous suivons. C'est un travail compliqué à mener avec la fonction publique mais il est, à mon avis, essentiel ! M. Jean-Pierre Delalande, coprésident : Monsieur le Ministre, j'ai deux questions qui seront très courtes. Premièrement, que pensez-vous des droits complémentaires dont vous ne nous avez pas parlé ? Comment voyez-vous les choses compte tenu des grandes différences qui existent d'une université à l'autre ? Deuxièmement, quelle est votre opinion concernant la gestion immobilière des universités ? Ne pensez-vous pas qu'elle pourrait être simplifiée et que, notamment, les présidents d'université et leur conseil d'administration pourraient avoir davantage de lisibilité sur la longue période en ce qui concerne les constructions; Actuellement, ils doivent se livrer à un véritable parcours du combattant avec des financements plus en plus mélangés puisqu'il en vient évidemment beaucoup de l'État mais aussi des Régions et parfois des Départements quand ils estiment que les choses ne vont pas assez vite - je suis bien placé pour le savoir - ce qui rend difficile une programmation à long terme. De plus, nous avons été très surpris d'apprendre, grâce au rapport de la Cour des comptes, qu'il n'y avait pas vraiment de comptabilité qui permette l'amortissement des bâtiments. N'y a-t-il pas là des efforts importants à faire ? M. Claude Allègre, ministre : Vous m'avez posé deux questions dont la première porte sur les droits complémentaires. Je tiens d'abord à préciser que les droits complémentaires sont illégaux ! Les universités qui fabriquent ces droits se mettent en dehors de la légalité... M. Alain Claeys, rapporteur spécial : Je crois que cela figure même dans les conditions fixées par votre ministère pour avoir un contrat ! M. Claude Allègre, ministre : Oui, par conséquent, je suis formellement opposé à ces droits. Je n'ai rien à ajouter si ce n'est que je suis ministre et que le premier devoir d'un ministre est d'appliquer la loi ! Sur le problème des bâtiments, je vous répondrai très franchement et d'une manière pragmatique : dans ce pays - et cela va vous surprendre - ce sont les collectivités territoriales qui construisent le mieux et de très loin ! M. Jean-Jacques Jegou : Merci ! M. Claude Allègre, ministre : Je dis les choses telles qu'elles sont et, par conséquent, je dis que même lorsqu'il y a des financements d'État, il faut trouver, sur les maîtrises d'_uvre, des modes de contractualisation avec les collectivités territoriales. Monsieur le député, souvenez-vous que lorsque nous avons lancé l'Université 2000, un débat s'est instauré au motif qu'il n'y avait pas, dans la loi de décentralisation, obligation pour les universités etc. alors que l'intérêt des Régions et des Départements, comme vous le soulignez, a été tel qu'il a balayé les réticences et que U3M est maintenant l'un des éléments essentiels des contrats de plan ! Vous soulevez un gros problème - j'en conviens avec vous - qui est typiquement du genre de ceux qui doivent être abordés dans le cadre de la mission qui est conduite par M. Mauroy sur la poursuite de la décentralisation et sur lequel j'apporterai une collaboration technique quand j'aurai l'occasion de m'exprimer. Vous avez raison : il faut clarifier ce problème de la gestion du patrimoine ! D'un autre côté, il faut prendre garde, notamment dans les grandes villes qui comptent plusieurs universités à ne pas se trouver dans des situations absurdes où, en raison de baisses d'effectifs d'étudiants, de réaffectation, de retraites ou d'implantation de laboratoires, certains prétendraient s'approprier les locaux. Pour l'empêcher, que la gestion soit dans les mains de l'État ou de la Région, il faut prévoir des mécanismes qui permettent d'éviter que les universités ne fassent preuve d'un sens trop aigu de la propriété... J'envisage les choses de façon pragmatique ! Quoi qu'il en soit, vous avez raison de dire qu'il y a un travail technique à mener sur ce problème et je suis de ceux qui y sont complètement ouverts. M. Jean-Pierre Delalande, co-président : Dans le prolongement de votre réflexion, quand vous nous dites, ce qui m'a beaucoup frappé parce que je partage cet avis, que ce sont les collectivités locales qui construisent le mieux et que nous avons besoin de fonctionnaires, notamment dans la filière administrative, de haute qualité pour gérer nos universités, vous paraît-il possible d'aller plus loin et, par exemple, de créer une filière administrative spécifique pour la gestion des universités ? Bref, si je mène au bout mon raisonnement, est-il possible de faire en sorte que nous ayons des établissements publics universitaires avec une fonction publique spécifique ? Cela nous permettrait de maintenir les principes car je crois que tout le monde est d'accord quant à l'idée que vous avez exprimée du besoin de citoyenneté... La gestion étant terriblement lourde, terriblement difficile, l'une ses solutions ne consisterait-elle pas à diviser le problème pour mieux l'appréhender, encore une fois, en conservant les principes, et à avoir une fonction publique universitaire dans le cadre des établissements universitaires, avec une filière administrative et des mutations, comme il en existe au sein des collectivités locales ? Est-ce là une piste qui vous paraît envisageable ? M. Claude Allègre, ministre : Ma réponse va être plus générale : je suis très attaché à l'enseignement gratuit, au service public d'enseignement obligatoire dans le primaire et le secondaire, etc. mais, quand je vois aujourd'hui ce système fonctionner de l'intérieur et ce qui se fait en Europe, je me dis que nous devons lui donner des souplesses de gestion qui le rendent comparable aux autres systèmes européens, car nous ne pourrons pas continuer longtemps comme cela ! Je suis donc ouvert à toute discussion dans le sens d'un assouplissement des procédures de gestion : si la création de corps d'administration est possible, j'y suis favorable. Toutefois, je ne veux pas que l'Éducation nationale se referme sur elle-même. Depuis des années, on me propose de fabriquer une ENA de l'Éducation nationale et je réponds invariablement : pourquoi ne pas utiliser l'ENA pour former des administrateurs de l'Éducation nationale ? M. Jacques Barrot : Évidemment ! M. Claude Allègre, ministre : Je veux signifier par là que le fait de former des fonctionnaires compétents dans ce domaine ne revient pas à les enfermer. J'avoue que je découvre une Éducation nationale qui est un véritable mille-feuille avec des gens qui sont enfermés dans leurs tuyaux sans pouvoir passer d'un secteur à l'autre... Par conséquent, entre la fonction de secrétaire général d'université, de secrétaire général de rectorat, d'inspecteur d'Académie, il faut créer des passerelles à tous les niveaux ! Maintenant, que les collectivités territoriales soient associées à la discussion et à la définition de ces missions me paraît une nécessité vitale pour cette maison, mais je crois que le plan « Université 2000 » a été une bonne chose parce qu'elle a " remis des sacs de ciment "dans les universités et que l'on a reconstruit de magnifiques sites universitaires en province mais plus encore parce que, au moment de sa mise en place, certains universitaires dénonçaient la main mise des régions sur les universités, il s'avère qu'en réalité, dans toutes les régions, les universités et les collectivités territoriales discutent, collaborent, nouent des contacts. C'est formidable et je crois que nous pouvons avancer là-dessus ! M. Alain Claeys, rapporteur spécial : Sur la souplesse, je suis complètement d'accord mais un réel problème se pose concernant l'implication des collectivités locales. Il est vrai que ces dernières savent parfois mieux faire en matière de construction, mais je suis quand même beaucoup plus réservé sur leur éventuelle faculté à s'impliquer dans la gestion du personnel administratif au niveau des universités. Je ne vois pas l'intérêt qu'elles-mêmes auraient à mettre le doigt là-dedans... M. Jean-Pierre Delalande, co-président : Ce n'était pas ce que je disais... M. Alain Claeys, rapporteur spécial : Je sais ! Par ailleurs, je suis d'accord pour créer des conseils d'orientation sous réserve - car c'est un des risques du plan U3M, même si je crois qu'il sera surmonté - que les collectivités n'en arrivent pas à considérer que, puisqu'elles paient, elles peuvent faire un certain nombre de choix pédagogiques ou autres... C'est un risque qui existe et dont je sais que vous en êtes conscient mais qu'il faut avoir bien présent à l'esprit car il pourrait, à un moment ou à un autre, poser un certain nombre de problèmes ! M. Claude Allègre, ministre : Je ne suis pas très inquiet sur ce point, car je sais que les universitaires ne laisseront pas mordre sur leur autonomie pédagogique ! De plus, il s'agit de débats un peu théoriques. En pratique, en effet, lorsqu'un président de région dit qu'il serait bien d'avoir une filière de gestion, d'électronique ou de quoi que ce soit, les universitaires sont généralement attentifs et acceptent d'étudier le problème... Je crois qu'il n'y a pas de vrai danger sur ce point : on n'a pas d'exemple de véritable tentative de main mise... Il faut parler en termes de coopération et, pour ma part, je suis très partisan, dans le cadre de l'autonomie des universités, de laisser chacune d'elles tisser ses liens et voir comment les choses se passent. Soyons quand même objectifs ! Il faut appeler un chat un chat et si nous n'avions pas les collectivités territoriales, nous n'aurions pas fait U 2000, nous ne ferions pas U 3M et nous ne serions pas lancés dans la rénovation universitaire que nous poursuivons. C'est pourquoi, je tiens à rendre hommage à cet engagement qui n'entre pas dans les obligations fixées par l'État mais qui relève de la conscience citoyenne des collectivités territoriales... Personnellement, je trouve tout à fait normal qu'un président de région, dès lors que le développement économique de la région entre dans ses attributions, puisse, de temps en temps, dire au président de l'université, qu'une demande formidable est enregistrée dans tel ou tel secteur et qu'il serait intéressant d'ouvrir une formation pour y répondre, que ce soit une école hôtelière supérieure ou autre... De plus, j'y insiste, l'esprit d'indépendance est si fort chez les universitaires que s'il y avait une tentative de directive, elle donnerait lieu à une telle résistance qu'on aurait immédiatement un conflit à régler. Pour ce qui me concerne, je ne vois pas là un très grand danger ! M. Jean-Jacques Jegou : Monsieur le Ministre, depuis bientôt trois quarts d'heure, nous sommes heureux de vous entendre et ce d'autant plus que, par les paroles que vous venez de prononcer, vous vous êtes souvent montré aimable à l'endroit des collectivités territoriales, ce qui nous fait très plaisir, mais je voudrais revenir à un certain nombre de questions qui ont été posées par le Rapporteur spécial sans qu'il y soit tout à fait répondu et qui ont déclenché, tout au moins chez moi, d'autres interrogations. Je rappelle, en effet - et je ne voudrais pas jouer le rabat-joie dans cette matinée fort bien commencée - que nous sommes ici réunis dans le cadre d'une mission d'évaluation et de contrôle. Or, si nous sommes heureux d'entendre que vous partagez depuis longtemps l'opinion de nombreux parlementaires - qu'ils soient sur les bancs de l'opposition ou de la majorité - notamment sur l'aspect " mille-feuille un peu fermé " de l'Éducation nationale et de voir que vous proposez des pistes, en revanche, nous avons bien compris - sans vouloir résumer votre pensée, je ne me le permettrais pas - que si l'autonomie souhaitée n'est pas effective, cela tient au fait que l'entourage des présidents d'université ne comporte pas suffisamment de gens compétents pour pouvoir gérer correctement. M. Claude Allègre, ministre : Non, ce n'est pas ce que j'ai dit. J'ai dit que, pour que l'autonomie aille plus loin, il fallait une contrepartie de citoyenneté et donc un conseil qui implique la nation et le pays : actuellement cette citoyenneté est donnée par le ministre. Je n'ai d'ailleurs pas dit que j'allais le proposer ! J'étais partisan, dans les universités nouvelles, que l'on mène des expériences dans cette voie mais aussi longtemps qu'il n'y aura pas de garantie, je serai farouchement opposé à une gestion corporatiste. L'université n'appartient pas aux universitaires ! Étant universitaire moi-même, je tiens à le dire de manière formelle : l'université est là pour servir le pays ! La difficulté est de nature historique. Vous savez très bien la grande différence qui existe entre les universités européennes et les universités d'outre-Atlantique : les universités européennes ont été fabriquées par une assemblée de clercs qui se sont groupés entre eux pour créer une université et qui ont admis des disciples, selon une idée qui a perduré ; l'université d'outre-Atlantique, quant à elle, a été voulue par l'État qui l'a mise en place pour les besoins du pays. Naturellement, la conception républicaine correspond bien au second cas de figure. Sans vouloir vous faire un cours d'histoire républicaine, j'ajouterai que, si la révolution française a supprimé les universités et qu'elle a créé les grandes écoles qui étaient au service du pays, c'est parce que les universités étaient des instances corporatistes. Moi, je suis pour une conception républicaine de l'université et je ne veux pas d'une université qui appartienne aux universitaires. Pour l'instant, c'est l'État qui est le garant de cette conception, et c'est pourquoi je n'irai pas plus loin dans l'autonomie des universités s'il n'y pas une garantie de citoyenneté donnée par ailleurs. Cela étant, je ne dis pas que je suis opposé - nous en avions d'ailleurs fait l'expérience dans les universités nouvelles - à ce qu'il y ait des conseils au sein desquels siégerait un grand nombre d'autres personnes que des universitaires pour discuter la vie de l'université. Le second problème est aussi une deuxième question puisque vous me demandez si, dans le cadre actuel, il est possible d'aller plus loin : je réponds oui ! Il faut aider davantage les présidents d'université en les dotant d'une administration de bon niveau et en procédant à un nettoyage réglementaire mais, sur ce point - vous m'excuserez de le dire - nous sommes en train d'agir dans ce sens méthodiquement, doucement et d'ailleurs en liaison très étroite avec les présidents d'université ! M. Jean-Jacques Jegou : J'avais deux autres questions à vous poser puisque vous avez largement répondu sur l'autonomie ce qui, je crois, nous permet d'y voir plus clair. Sur le plan de la citoyenneté, préoccupation que nous pouvons partager comme l'a dit le Président Delalande, j'ai retenu une formule que vous avez prononcée, à savoir " l'enseignement gratuit pour tous ceux qui peuvent le suivre ", laquelle m'inspire cette question qui peut être celle de l'évaluation de la dépense : pensez-vous que tous ceux qui rentrent à l'université peuvent suivre l'enseignement qui y est dispensé ? Dans la foulée, je poserai ma seconde question : puisque nous avons évoqué les réserves des universités, la citoyenneté ne consiste-t-elle pas aussi à faire en sorte qu'il n'y ait pas, comme le disait Coluche, des gens qui soient " plus égaux que d'autres " et seriez-vous partisan d'une mutualisation - la question a été abordée par le Rapporteur spécial - pour faire mieux vivre des universités qui ont moins de possibilité de recettes, compte tenu des spécialités qu'elles enseignent ? M. Claude Allègre, ministre : Il y a deux questions différentes dont la première est une question déguisée et qui porte sur un point sur lequel je vais vous répondre avec une très grande netteté : je ne suis pas pour une sélection à l'entrée à l'université ; le rôle du baccalauréat permet cette sélection. Pour entrer à l'université il faut avoir le baccalauréat, et dans un pays qui a un système extrêmement élitiste qui s'appelle " les grandes écoles " - dont je dis clairement que je ne veux pas le changer - mais, où on plaide en même temps l'idée d'une deuxième chance, instaurer une sélection à l'université, dont on sait de surcroît qu'elle finirait par des épreuves de QCM en raison du nombre de candidats, serait une " boucherie " ! Je suis catégoriquement opposé à la sélection à l'entrée à l'université : que les choses soient claires ! Une fois que vous avez intégré une grande école, la scolarité est " cool " pour prendre un terme anglais, mais à l'université, la sélection est féroce. Il faut passer chaque examen et cela ne suppose aucun laxisme. Par conséquent, de ce point de vue, le système actuel me satisfait ! On fait actuellement des efforts en premier cycle pour promouvoir le travail en petites classes et améliorer le rendement du premier cycle qui n'est d'ailleurs pas si mauvais que cela, je tiens à le dire publiquement en réponse à tout ce que j'entends. Je vais vous donner des chiffres qui vous étonneront peut-être. Combien d'étudiants sont reçus après trois ans au DEUG ? 64 %. Combien d'élèves de grandes écoles sont reçus, dûment sélectionnés, après trois ans ? 75 %. La différence n'est pas si terrible ! Les choses se sont beaucoup améliorées sur le premier cycle. En Grande-Bretagne, le système est différent. Quand l'étudiant a fini sa high school, il dispose d'une année libre : c'est ainsi que M. Tony Blair, avant d'entrer à Oxford, est venu comme barman au Sofitel et a appris le français. C'est une autre manière de faire mais je pense que notre système est bon et qu'il faut mettre un terme à ce débat... Votre seconde question porte, elle, sur la mutualisation. Là, je vais être très, très clair : si les universités font rentrer de l'argent par des contrats, c'est qu'elles se donnent du mal ! Si on peut faire une certaine mutualisation sur la base de péréquations, je ne veux pas, non plus couper le dynamisme d'une université qui s'efforce d'obtenir des contrats et qui se débrouille pour faire rentrer de l'argent car cela laminerait tout... Je ne suis absolument pas d'accord pour le faire mais qu'il y ait une certaine mutualisation, je veux bien, et d'ailleurs c'est bien ce que nous essayons de faire dans la politique contractuelle ! M. Alain Claeys, rapporteur spécial : Quand on parle de mutualisation, Monsieur le Ministre, c'est au sein de l'université ! Sans entrer dans un débat technique, les réserves recouvrent une foule de choses et pas forcément les réserves au sens comptable du terme. D'ailleurs tant qu'il n'y aura pas une comptabilité analytique, nous n'aurons pas une vue très juste des réserves des universités... M. Claude Allègre, ministre : Je me permettrai de vous exposer un exemple des effets pervers de la mutualisation, sujet dont nous aurons probablement l'occasion de parler devant l'Assemblée nationale. Nous tentons actuellement de rénover le Muséum national d'histoire naturelle. Ce grand établissement prépare, comme vous le savez, des expositions et gère différents secteurs, comme le zoo. Le règlement financier dudit établissement est le suivant : quand des bénéfices sont réalisés sur le zoo, le ministère des Finances en prélève la moitié, tandis que l'autre moitié est répartie entre toutes les chaires du muséum de sorte que, finalement, le gestionnaire du zoo n'en perçoit qu'une infime partie. Le résultat, c'est que pendant des années, au sein de cet établissement, certaines personnes ne faisaient aucun effort dans le domaine des expositions, par exemple, parce qu'elles n'y trouvaient aucun intérêt ! Je ne suis pas partisan de la théorie qui prône l'uniformisation mais je suis favorable à une certaine mutualisation qui est certainement une bonne chose pour compenser les différences, à condition de ne pas aller trop loin... M. Jacques Guyard : Je suis tout à fait d'accord avec vous, Monsieur le Ministre, pour dire que l'autonomie et la déconcentration supposent à la fois la citoyenneté et une diversification des compétences aussi bien, d'ailleurs, que de l'origine des cadres dans l'université. A propos de la citoyenneté, vous avez évoqué les conseils d'orientation. Je participe à un conseil d'orientation d'une université nouvelle qui s'est maintenu et qui fonctionne avec des représentants d'entreprises, de la société civile et de collectivités. Ce conseil n'a pas d'autre pouvoir qu'un pouvoir de consultation obligatoire pour toute décision importante du conseil d'administration : je peux vous dire que ce conseil fonctionne et a une influence réelle sans porter atteinte à l'autonomie des universités en droit. Je pense donc que la réflexion mérite d'être poussée sur la généralisation de ce système ! Au fond, je crois que la déconcentration et le contrat même ne sont vraiment possibles qu'avec des universités qui disposent d'un minimum de ressources propres, c'est-à-dire ne provenant pas uniquement de l'État. Or, les droits d'inscription complémentaires étant, comme vous l'avez dit, contraires à la loi, un vrai travail doit être conduit sur l'origine des ressources propres des universités - elle est assez évidente lorsqu'il y a une forte recherche en sciences mais plus difficile ailleurs - qui peuvent aussi venir, par exemple, des étudiants étrangers que nous accueillons davantage sur des critères sociaux traditionnels que sur des critères de valeur. Cela m'amène à vous interroger sur votre position concernant l'acquisition de ressources propres par les universités et les voies d'acquisition de ces ressources que vous jugez utiles pour elles, si tant est cette acquisition vous paraisse nécessaire à une véritable autonomie universitaire... M. Claude Allègre, ministre : Eh bien, je vais vous dire quel est, effectivement, mon point de vue. La politique contractuelle que nous avons mise en place repose sur un contrat passé entre l'État et l'Université. A l'avenir, le contrat devrait, je pense, être tripartite et négocié entre l'État, les universités et les collectivités territoriales parce que le vrai partenariat aujourd'hui, s'organise à trois. Dans ce cadre, je considère que devrait intervenir une étude des ressources des établissements, y compris des ressources venant du milieu socio-économique. Je trouve tout à fait normal, lorsqu'une collectivité territoriale consent un effort pour construire tel ou tel bâtiment de U3M, qu'elle participe à la discussion générale du contrat d'orientation de l'université : cela ne me choque pas et ne signifie nullement que cela menace l'autonomie universitaire. M. Alain Claeys, rapporteur spécial : Je propose que l'on s'arrête sur cette notion de contrat parce qu'elle renvoie à un vrai débat et, partageant votre préoccupation, j'aimerais vous faire part de notre sentiment. Il y a, pour les universités, la norme - tant de mètres carrés donnent tant de dotations - et il y a le contrat. Si on regarde les contrats sur quatre ans, on constate aujourd'hui qu'il s'agit essentiellement de contrats qualitatifs, donc pédagogiques par rapport à un certain nombre d'orientations, et que très peu sont financiers. A ce jour, c'est la norme qui prend le pas sur le contrat et il y a beaucoup d'ambiguïté chez les présidents d'université qui réclament plus d'autonomie, donc une politique contractuelle, tout en acceptant volontiers le filet de sécurité que constitue la norme. On est dans cette situation et je crois qu'on ne pourra pas faire l'économie aujourd'hui d'une véritable réflexion sur ce sujet. Cette réflexion, je souhaiterais pour vous interroger, l'orienter sur trois sujets. Premièrement, s'agissant de la réforme de votre ministère, je pense que, telle que vous l'avez voulue, vous ne l'avez pas menée à son terme. Je prends un exemple concret : je considère que la Direction de l'enseignement supérieur, qui est au c_ur du contrat, a les moyens de l'élaborer mais pas de l'évaluer. Ma première question sera donc de savoir quels sont les moyens d'évaluation que le ministère peut affecter à la politique et quel rôle l'Inspection générale pourrait avoir sur ce sujet précis. Deuxièmement, s'agissant des moyens financiers, où en est votre réflexion ? Est-ce que, dans le cadre de la politique contractuelle, vous êtes prêt à transférer ce qui est de la norme aux contrats avec, éventuellement, des évaluations, ce qui n'est pas sans conséquences ? Troisièmement, pourquoi cette lourdeur de procédure aujourd'hui au niveau des contrats et pourquoi, alors qu'à une certaine époque une évaluation se faisait à mi-parcours, il n'a désormais plus lieu que tous les quatre ans ? Pour ma part, je considère vraiment, pour y avoir réfléchi et discuté avec la Cour, que ce sont vraiment là des sujets centraux pour notre réflexion. Vous avez bien défini les périmètres de l'autonomie et fait un certain nombre d'avancées, à mon avis, significatives sur des mesures concrètes ; la contrepartie résidant dans la capacité de l'État à évaluer le contrat, je considère qu'elle n'est pas totalement efficace aujourd'hui... Cela me permettra de vous dire, parce que je voulais le faire, que les responsables des trois directions que nous avons auditionnées ont parfaitement joué le jeu dans ces auditions et qu'en particulier Mme Francine Demichel nous a indiqué très franchement et clairement quel était son état d'esprit... Je tenais à le dire puisqu'elle a été parmi les premières personnes entendues. Pour ce qui nous concerne, nous considérons ces questions comme essentielles pour l'avenir. M. Claude Allègre, ministre : Votre question comporte deux aspects : le problème de la norme par rapport à la contractualisation et le problème de l'évaluation. Comme vous le savez, je veux ouvrir l'école à l'échelle locale, ouvrir l'université, ouvrir l'Éducation nationale. De même que, la semaine prochaine, se mettra en place la commission consultative que j'ai annoncée devant votre Assemblée sur la carte scolaire, qui comprendra deux rapporteurs de l'Assemblée nationale et du Sénat, des représentants des conseils régionaux, généraux et des maires ; de même, je vous propose d'avoir une réflexion avec l'Assemblée nationale et les collectivités territoriales sur les normes de la politique contractuelle de telle sorte que ce ne soit pas une question qui se discute seulement à l'intérieur de l'administration de l'Éducation nationale. Je suis prêt à créer un groupe de travail et même, à un certain moment, à l'institutionnaliser pour que la discussion soit ouverte sur ce problème. Je considère, en effet, que le système universitaire appartient à la Nation et donc je vous réponds par cette proposition en répétant que je suis prêt à mettre sur pied ce groupe de travail pour étudier les normes et les rendre claires ainsi que la répartition entre dotation normée et dotation contractuelle. Vous savez que ce problème de la répartition entre la norme et la contractualisation porte un nom : c'est le courage ! Cela signifie que se cacher derrière la règle de trois permet de pas être très brave. C'est là que se situe la question. Pour ce qui est maintenant de l'évaluation, je dirai que la France a une grande spécialité : fabriquer dans tous les coins des comités d'évaluation - c'est vrai en recherche comme partout - qui ont pour caractéristique essentielle de ne pas évaluer... M. Alain Claeys, rapporteur spécial : Mais le ministère a de belles compétences ! M. Claude Allègre, ministre : Attendez, le ministère fait un certain nombre de choses ! Je vais vous donner un exemple sur les universités et sur la recherche. Dans toutes les universités du monde, sont réalisées des pour ce qu'on appelle le " Citations index " qui est l'index de citations international des équipes de recherche. Je peux vous dire que d'après les résultats de l'enquête, la meilleure université française dans le domaine scientifique est, non pas celle de Paris mais celle de Strasbourg, suivie par celle de Nice. Eh bien, actuellement, nous ne pouvons pas publier ces résultats en raison de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) car il s'agit d'un fichier électronique que nous n'avons pas le droit de publier alors que les journaux brésiliens et américains ont le droit de divulguer ces informations dans les pages des grands quotidiens... C'est une première marque, la seconde étant que nous avons, pour la première fois, pris les départements de pharmacie pour les classer en A, B, C, ou D car il n'y a pas d'évaluation qui ne soit pas comparative... Si l'évaluation consiste à rédiger de très gentils commentaires, elle ne sert à rien ! La seule vraie évaluation est celle qui émet un jugement critique et cette évaluation-là est faite dans tous les grands pays scientifiques : en Grande-Bretagne, tous les quatre ans, tous les départements figurent dans cet index et je vous assure - et ce n'est pas pour dire que l'université d'Oxford est meilleure que telle autre - que cela a un effet formidable ! A titre d'exemple, sachez qu'en pharmacie, une université du Midi, qui m'est par ailleurs fort chère, s'est trouvée très mal placée ; j'ai cru que cela allait provoquer un tollé, un drame, que j'allais recevoir des coups de téléphone eh bien, non ! Les responsables de cette université se sont réunis et réorganisés... C'est ça l'effet de l'évaluation ! M. Alain Claeys, rapporteur spécial : Monsieur le Ministre, avant de parler de publicité, précisons les choses : ce que j'ai voulu dire c'est que j'ai le sentiment, peut-être à tort, que la Direction de l'Enseignement supérieur qui a pour tâche d'élaborer ces contrats n'a pas aujourd'hui les moyens d'évaluation nécessaires. M. Claude Allègre, ministre : Laissez-moi finir : on n'a pas les moyens parce que l'on a fabriqué un comité national d'évaluation qui échappe au ministère - je vous signale qu'il dépend du Président de la République à qui il remet ses rapports - et que nous n'avons qu'une seule chose à voir avec lui : nous le finançons ! M. Alain Claeys, rapporteur spécial : Cela coûte cher ? M. Claude Allègre, ministre : Un certain prix ! Par ailleurs, sur le plan de l'évaluation administrative, on a eu tendance - et vous le savez bien - à fabriquer des indices et à classer les universités en fonction de ces indices. Ces indices apparaissent partiellement sur le WEB, ce qui a motivé une grève a Evry dont l'université était classée en dernière position ce que les gens d'Evry ont trouvé scandaleux - pour ma part, j'ignorais même de quel indice il s'agissait puisque c'était un indice parmi les douze qui existent... Donc, si vous voulez dire qu'il faut une remise à plat, je suis d'accord à condition qu'on le fasse d'une manière discrète, en dotant d'argent nos universités de ce qu'ont toutes les universités au monde, à savoir un visiting comity qui comprend des personnes extérieures à l'université, y compris des députés, se réunit tous les trois ans et mène des évaluations. Nous voulons que toutes les universités aient un tel système... M. Alain Claeys, rapporteur spécial : Cela pourrait être fait avec le Parlement ? M. Claude Allègre, ministre : Bien sûr ! Cela peut parfaitement se faire avec le Parlement comme d'ailleurs avec la Cour. On peut envisager qu'il y ait des représentants du Parlement, de la Cour, du Conseil d'État... Cela ne fait pas de bruit mais attire l'attention du Président sur certains dysfonctionnements sans qu'il y ait besoin de faire de la publicité sur ce qui se passe... Ce système d'évaluation devrait être mis en place car au fond, nous faisons des comités d'évaluation mais nous ne consacrons pas assez d'argent à l'évaluation. Quand je vois ce que dépense une université étrangère pour l'évaluation - et j'ai appartenu à trente-six comités d'évaluation d'universités étrangères ce qui suppose des déplacements outre-Atlantique pour des séjours de travail de trois jours et j'en passe... - je mesure que ce sont des sommes énormes auxquelles une ligne budgétaire est réservée dans le budget des universités américaines. M. Alain Claeys, rapporteur spécial : Nous sommes bien d'accord, il ne s'agit pas que d'une évaluation pédagogique ou de recherche, il y a des évaluations de gestion ? M. Claude Allègre, ministre : Oui, mais attendez, je ne veux pas les dissocier : l'université sert d'abord le pays en ce qui concerne la formation des élèves et la production de recherche, et maintenant la création d'entreprises. C'est en fonction de cela qu'il y a des activités de gestion ! Personnellement, je ne vois pas l'université comme une usine à gaz qui marche sur elle-même mais comme une institution qui a une finalité. Je pense donc qu'il faut contrôler la gestion par rapport à ses objectifs s'agissant des contrats, je suis ouvert à une coopération avec le Parlement, avec les collectivités territoriales parce que je ne suis pas ingrat - je dis les choses comme elles sont - mais en même temps je suis prêt à discuter université par université ! M. Alain Claeys, rapporteur spécial : L'Agence de modernisation des universités sert-elle à quelque chose ? M. Claude Allègre, ministre : Tout à fait ! A l'origine, on a mis en place GUIGUE, qui est ensuite devenue l'Agence de modernisation. Elle est née du constat de l'impossibilité pour le ministère de l'Éducation nationale de créer et de diffuser des logiciels de gestion performants. Il y a eu des difficultés, notamment avec le logiciel Nabucco, ce qui a quelque peu irrité le ministère des Finances, mais il y a eu aussi un certain nombre de grands succès. Le rapport de la Cour fait d'ailleurs état de la qualité de produits tels que le logiciel de gestion de la scolarité. M. Alain Claeys, rapporteur spécial : Il y a aussi de grands retards ! M. Claude Allègre, ministre : Oui, mais je me permettrai de faire une remarque : quand on regarde la modernité de la gestion de nos universités par rapport à celle de l'enseignement scolaire, " il n'y a pas photo ! " M. Alain Claeys, rapporteur spécial : Là, vous nous inquiétez totalement ! (Rires.) M. Claude Allègre, ministre : Non, je veux simplement dire que les universités sont sur la voie d'une gestion moderne utilisant l'informatique, qu'elles sont reliées entre elles et que le réseau RENATER fonctionne. En même temps, et c'est l'une des grandes choses que j'ai retrouvée en revenant à l'Éducation nationale, cette Agence de modernisation a initié une véritable communauté mutualisée de gestion pour les présidents d'université. Permettez-moi de dire que j'ai noté un esprit extraordinaire de responsabilité des présidents d'université par rapport à l'époque où j'ai quitté le ministère, où les présidents d'université étaient en constante position revendicatrice vis-à-vis de l'État sans assumer les responsabilités qui étaient les leurs. Je crois que c'est grâce à l'Agence de modernisation que cet esprit est né ! Donc, oui, cette création a été très bénéfique et je crois qu'il faut continuer à appuyer cette organisation des présidents d'université. Je vous dirai maintenant, comme je l'ai dit aux présidents d'université - ils ont beau ne pas être convaincus par mon argument, ils ne m'en ont pas fait changer pour autant - que si on veut que les présidents d'université puissent s'organiser de manière plus mutualiste, il faudrait que le premier vice-président de la conférence des présidents d'université soit un ancien président et non un président en exercice, comme c'est le cas en Allemagne. Être président d'université est en effet un travail à plein temps. Il conviendrait donc qu'un ancien président d'université gère l'ensemble des affaires. Lorsque le premier vice-président de la Conférence des présidents, a, par chance, une petite université le cumul des deux fonctions est envisageable mais uniquement dans ce cas, car je vous assure qu'il s'agit d'occupations à plein temps ! Je souhaiterais d'autant plus que l'on avance sur cette voie que l'on va encourager - j'étais à Lisbonne, lundi - l'autonomisation d'une Conférence des doyens, recteurs et présidents d'université européens et que la France doit être organisée de manière à y être présente. Or, je ne vois pas comment les présidents d'université en exercice, sauf à abandonner la gestion de leur université, pourront se libérer. Imaginons, par exemple, que la France revendique et obtienne - ce qui ne serait pas illégitime - la présidence de la Conférence des présidents d'université européens, je ne sais pas comment se débrouillera le malheureux élu qui devra à la fois siéger à Bruxelles quatre jours par semaine et faire fonctionner son université... Je souhaite une telle évolution mais je ne veux pas l'imposer, même si je suis président de la Conférence de par la loi, car je préfère que les présidents progressent d'eux-mêmes dans cette direction : peut-être le Parlement a-t-il un rôle à jouer en prodiguant ses encouragements... C'est un point important parce qu'il touche la place de la France dans le concert européen. M. Pierre Hériaud : L'université française, compte tenu du nombre des universités existantes, est un ensemble hétérogène qui a été jusqu'ici globalement mal géré, voire pas géré du tout dans certains cas - c'est la nette impression que nous avons - ce qui prépare mal au défi qui nous est lancé de préparer cette université à jouer un rôle moteur dans la " société citoyenne " pour reprendre vos termes. Je ne reviendrai pas sur une question que j'avais posée précédemment pour que l'on me dise si les universités enseignaient le management des ressources humaines et la gestion des entreprises et délivraient des diplômes de très haut niveau en cette matière, mais j'aimerais savoir comment vous comptez faire, en matière de personnel, pour remédier à cette situation, s'il convient de recruter de nouveaux emplois hautement qualifiés ou s'il y a moyen d'effectuer un redéploiement des emplois existants de manière à maîtriser l'ensemble de la dépense. Pour ce qui a trait au Conseil national d'évaluation, il a, depuis de nombreuses années, réalisé des évaluations portant davantage sur les aspects pédagogiques, la qualité des programmes etc., que, me semble-t-il, sur la partie proprement gestion. Toutefois, dans certains dossiers que j'ai eu l'occasion de voir sur des grandes écoles ou autres, certaines préconisations concernaient la gestion : comment en a-t-il été tenu compte et quelle est votre vision de ce Conseil d'évaluation, de ses missions, de son rôle aujourd'hui et demain ? M. Claude Allègre, ministre : Monsieur le Député, d'abord, je ne peux pas vous laisser dire que les universités sont mal gérées ou pas gérées car ce n'est pas vrai : les universités sont de mieux en mieux gérées même si elles ont des difficultés, par suite de carences que j'ai signalées, à savoir d'une part, une sous-administration et d'autre part, une réglementation qui est peut-être mal adaptée. Je tiens vraiment à le préciser parce que ce que vous dites n'est plus vrai. Cela l'a été mais les universités mal gérées sont aujourd'hui une exception. Je voudrais ajouter que la France dépense trop peu pour son enseignement supérieur ; je ne dis pas pour son enseignement en général mais bien pour son enseignement supérieur. Elle est l'une des dernières du monde développé en termes d'investissement en faveur de l'enseignement supérieur. Par conséquent, il ne s'agit pas de redéployer mais de développer les moyens de l'enseignement supérieur que nous avons pourtant augmentés régulièrement. Il faut souligner que, par tête d'habitant, nous dépensons 2,5 fois moins que les États-Unis, moins que la Hollande, moins que les pays scandinaves et moins que l'Allemagne. Nous ne dépensons donc pas assez, il faut bien le comprendre ! Je ne vous répondrais pas la même chose si vous m`interrogiez sur l'enseignement scolaire mais c'est exact pour l'enseignement supérieur, comme vous pourrez le vérifier dans le petit formulaire que vous avez reçu et qui comprend des statistiques, assorties de comparaisons internationales. C'est là une dimension qu'il faut bien garder à l'esprit ! Puisque nous tournons autour de cette question, je crois, effectivement, que nous avons besoin d'une meilleure évaluation, au cas par cas, du rapport qualité-prix puisqu'il faut appeler les choses par leur nom ! Il faut donc évaluer la pédagogie, la création de richesses, et les coûts. Vous avez raison : il faut aller vers une amélioration du conseil ou des méthodes d'évaluation. Je vous ai proposé tout à l'heure de discuter, y compris avec le Parlement, au sein d'une instance ouverte pour tenter de mettre sur pied un certain nombre de procédures susceptibles d'améliorer les choses et je ne doute pas que les présidents d'université seront également favorables à cette proposition. M. Didier Migaud, rapporteur général : Monsieur le Ministre, nous étions tous conscients des insuffisances du Conseil national d'évaluation et c'est pourquoi le Gouvernement, après une évaluation du Conseil national d'évaluation, a proposé une modification ce qui montre qu'il y a des progrès à faire en la matière et je partage totalement votre conviction quant au retard considérable enregistré par la France en ce domaine. Il est cependant une critique qui revient de manière récurrente devant la mission d'évaluation et de contrôle, qu'il s'agisse de la police, des universités ou d'autres administrations : les services sont sous-administrés ! C'est un constat que vous venez de reprendre : l'université est sous-administrée - elle n'est pas forcément mal gérée - alors même que nous avons, en France, une administration puissante et un poids de la dépense publique, particulièrement lourd. En effet, même si vous avez pu constater, Monsieur le Ministre, que nous consentons peut-être moins d'efforts en faveur de notre enseignement supérieur que d'autres pays, force est de constater que, globalement, l'État consacre beaucoup plus de moyens dans d'autres secteurs sans pour autant atténuer ce constat de sous-administration. N'y a-t-il pas des redéploiements un peu plus importants à opérer au niveau de la dépense publique, y compris à l'échelle du ministère donc de l'Éducation nationale et de l'Enseignement supérieur ? Par ailleurs, quelle appréciation portez-vous sur la collaboration du ministère de l'Éducation nationale et du ministère des Finances dans le domaine de la gestion financière des universités ? Nous avons auditionné le Directeur de la comptabilité publique du ministère des Finances : c'était une audition intéressante mais, à la fin, nous nous demandions si les relations étaient fréquentes entre la Direction de la comptabilité publique du ministère des Finances et les présidents d'université et s'il leur arrivait de se rencontrer en dehors des informations livresques... Pourriez-vous nous dire quelle est l'appréciation que vous portez sur cette collaboration ? M. Claude Allègre, ministre : Concernant le dernier point, je crois qu'il y a eu un changement d'attitude à partir de 1992 de la part de la Direction de la comptabilité publique. Nous avons rencontré des difficultés lors de la mise en place du logiciel Nabucco mais je crois que le ministère du budget a manifesté un intérêt croissant. Il y a eu un colloque sur la gestion financière et le Directeur de la comptabilité publique est venu devant la Conférence des Présidents d'Universités (CPU), en février 2000, pour proposer un partenariat. Je vais vous dire très franchement que je crois qu'il faut que le ministère des Finances cesse d'émettre des règles tatillonnes qui empêchent l'université de fonctionner et au nombre desquelles, je retiendrai celles sur les frais de mission qui sont totalement invraisemblables : les universitaires ne sont pas des escrocs ! Je pense qu'il y a des gens, des administrateurs capables de les contrôler sans qu'il soit besoin de les pister comme des gens malhonnêtes ! Il est vraiment nécessaire que le ministère des Finances change de comportement par rapport au secteur universitaire, notamment sur les règles de gestion qui sont beaucoup trop tatillonnes. Je peux vous dire que le ministre en personne est disposé à participer à toute discussion pour simplifier les règles applicables aux universités et faire en sorte que l'on ait véritablement ce dont on parle depuis vingt ans et qui fait l'objet de nombreux votes du Parlement, je veux parler du fameux contrôle a posteriori qui n'est pas appliqué pour les universitaires. Les <..............> continuent en effet à être contrôlés a priori sur des tas de points, ne serait-ce que sur les signatures, ce qui retarde, de très nombreuses demandes. Sur ce point, un progrès considérable doit être fait ! S'agissant de l'administration centrale, je dirai, et cela vaut autant pour le ministère que pour les universités, qu'elle peut probablement décroître en nombre. J'en profite pour vous le dire j'ai fait décroître de 450 personnes cette administration. Certains me disent que je fais des déclarations, certes, mais j'agis également. Il faudrait cependant que cette administration soit revalorisée de titres de compétences. Tout le problème - et c'est encore le ministère des Finances qui est responsable - est, qu'au moment de la discussion du budget, on crée effectivement, sous prétexte de faire de la masse, des postes administratifs, mais de trop bas niveau en rognant sur ceux de haut niveau. Je ne suis pas en train de demander que les administrations des universités augmentent - certaines sont beaucoup trop copieuses - mais qu'on les étoffe en personnel de haut niveau. J'ai réussi, lorsque je dirigeais un établissement, à le faire croître d'un facteur 5, l'administration restant en nombre constant mais j'y suis parvenu en changeant progressivement le niveau des personnels administratifs pour arriver à avoir quelques administrateurs de très haut niveau : c'est l'objectif qu'il nous faut atteindre ! Concernant les redéploiements, ils sont difficiles à opérer avec une structure pyramidale : pour prendre le jargon que vous connaissez, je dirais qu'il faut " cylindriser " l'administration de l'Éducation nationale (Sourires) - vous constatez que j'ai appris aussi le volapük ED.NAT cylindriser, pyramider, curiacer, je connais cela par c_ur... (Rires ) - pour avoir une base qui soit moins large par rapport au sommet ce qui suppose d'accroître la proportion de personnel de haut niveau. M. Jean-Jacques Jegou : Je soulèverai encore un point, Monsieur le Ministre, qui me semble important. Je sais que c'était aussi au c_ur des préoccupations de notre Rapporteur spécial : dans le cadre de vos démêlés avec Bercy, que pensez-vous de la réflexion qui est celle des présidents d'université sur la fiscalité des universités ? M. Alain Claeys, rapporteur spécial : Pour aller dans le sens de mon collègue, - je reviendrai sur la formation continue par la suite - je crois que la loi sur la valorisation de la recherche est utile et nous sommes dans l'attente d'un certain nombre de décrets, en particulier pour la création des services d'activité industrielle et commerciale. Vont-ils être publiés prochainement M. Claude Allègre, ministre : La loi sur l'innovation donne la possibilité aux universités de créer des SAIC qui présentent trois avantages : isoler les activités taxables du reste des activités de service public de manière à mettre fin à l'ambiguïté qui prévalait jusqu'ici et qui conduisait à assujettir à la TVA et à l'impôt des activités de recherche fondamentale ; permettre des règles budgétaires et comptables plus souples et plus adaptées à la réalité des activités industrielles ; rendre possible le recrutement de contractuels de droit public disposant d'une vraie protection sociale afin d'éviter le recours à des associations et à la précarité. Un groupe de travail associant le ministère des Finances, le ministère de l'Éducation nationale, et des représentants des universités a été constitué afin de préparer les textes d'application, notamment en matière fiscale et de mettre à plat toutes les difficultés. Il étudiera donc toutes les conséquences de la création des SAIC en matière de TVA, d'impôt sur les sociétés ou de taxe professionnelle. Il doit rendre ses conclusions cet été et je me suis engagé à ce que les textes soient publiés avant la fin de l'année. Telle est la réponse que je peux fournir à votre question. M. Alain Claeys, rapporteur spécial : Je voudrais maintenant en venir à la formation continue qui reste centrale pour les universités : de quelle manière le ministère entend-il concrètement engager des actions de formation continue dans les universités ? Comment, sur le plan comptable et fiscal, devront-elles être traitées par les universités ? Une clarification de la réglementation est-elle prévue dans ce domaine ? M. Claude Allègre, ministre : Le développement de la formation continue est l'une des grandes priorités. Vous savez que nous avons organisé pendant deux années consécutives - cette année sera la troisième - un concours pour les projets de formation continue en direction des universités qui prennent l'engagement de rester ouvertes toute l'année et de délivrer, en formation continue, les mêmes diplômes qu'en formation initiale. Cela doit aujourd'hui intéresser une trentaine d'entre elles. Par ailleurs, la réforme des cursus universitaires, dans le cadre de l'harmonisation européenne, c'est-à-dire l'ouverture de la licence professionnelle et des masters, va permettre une mise en pratique de la loi de validation des acquis professionnels et la mise en place d'une formation continue assurant l'obtention de la totalité d'un diplôme. On avance donc et, pour vous donner un ordre de grandeur, sachez que, partis de très bas, nous avons triplé le nombre de validations diplômantes des acquis professionnels mais il faut savoir que nous nous heurtons à une très forte réticence de certains secteurs universitaires. Le scénario, pour la formation continue est toujours le même : dès qu'il s'agit de délivrer les diplômes les professeurs protestent que les étudiants n'ont pas suivi les cours - c'est une réaction typique des professeurs à laquelle je ne prétends d'ailleurs avoir échappé durant ma carrière d'enseignant... Pour le moment, les activités de formation continue ne sont pas soumises à la TVA. Mon souci est que l'on ne se retrouve pas dans une situation compliquée par suite de l'activité fébrile et débordante de la DG4 et que l'on ne " colle " à la formation continue des règles de concurrence industrielle. Actuellement, il n'y pas de textes officiels mais vous n'ignorez pas que la tactique de Bruxelles consiste à faire circuler ce qu'on appelle " des papiers de réflexion " qui s'appelle trois mois après " papiers de discussion " avant que n'apparaisse le titre de la DG4 dont tout le monde s'accorde à dire qu'il n'est qu'un sujet de discussion jusqu'au moment où, un beau matin, il se transforme en directive européenne, le commissaire chargé des affaires se trouvant, lui-même, complètement court-circuité par cette activité fébrile des gens qui s'intéressent de si près à la concurrence industrielle. Par conséquent, le problème de la formation continue, c'est que je ne voudrais la voir classée parmi les activités de prestation de services et soumise à ce titre, à la directive d'égalité de concurrence. Des bruits circulent - j'espère que ce ne sont que des bruits - qui laissent entendre que les activités de formation continue qui seraient sur Internet, mais diffusées sur le territoire national, entreraient dans cette opération et on me dit presque, qu'avec le Centre national d'enseignement à distance - CNED - qui fait de la formation continue et dont je peux vous dire qu'il est appelé à en faire encore plus, nous sommes en train de contrevenir à la directive sur la concurrence. Donc, dans ce secteur, nous voulons vraiment avancer mais nous sommes conscients qu'il y a là un vrai problème. Si je peux me permettre de faire une suggestion, je pense qu'il serait bienvenu que l'Assemblée nationale se penche sur ce problème qui est délicat et sur lequel je peux, d'ores et déjà, vous dire que le ministre de l'Éducation nationale réagira avec une extrême raideur... M. Alain Claeys, rapporteur spécial : Je me réjouis, aujourd'hui, Monsieur le Ministre, de voir que vous nous suggérez plein de travail et que vous allez nous encourager à agir. Je crois que le problème que vous avez soulevé est important, notamment en ce qui concerne l'enseignement à distance. M. Augustin Bonrepaux, Président : Monsieur le Ministre, il me reste à vous remercier d'avoir répondu avec autant de précision à toutes les questions qui ont été posées. Je pense que cela permettra à notre Rapporteur spécial de nous faire des propositions et à la mission d'évaluation et de contrôle de vous aider à mieux gérer les universités. Merci à tous. La séance est levée. (La séance est levée à 11 heures 50.)
(1) « Les trois misères de l'universitaire ordinaire » - Jean-Fabien Spitz - Le Débat - janvier/février 2000, n°108 (1) L'âge des savoirs - Pour une renaissance de l'université - Claude Allègre - Le Débat/Gallimard, 1993 (1) « La modernisation de la gestion financière dans les universités » - Agence de modernisation des universités et des établissements d'enseignement supérieur et de recherche - janvier 2000. (2) « Financement et effectifs de l'enseignement supérieur » - Ministère de l'Éducation nationale, de la Recherche et de la Technologie - 1999 (1) Système analytique de répartition des moyens () DIAN n° 1806, XIe législature. (1) Conférence de presse du 13 décembre 1999 (1) Filière technicien de recherche et de formation (2) Colloque sur le thème : « Assurer efficacement la gestion financière des établissements publics, scientifiques et professionnels » (1)« La raison d'être des réserves des universités, des fonds de roulement et crédits reportés » - Inspection générale de l'administration de l'Éducation nationale - mai 1995 (1)« Évaluation de la démarche Nabuco » -- Agence de modernisation des universités et établissements - septembre 1997 (1)« Les enjeux du budget de gestion dans les établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel » - rapport établi à la demande de l'Agence de modernisation des universités - juillet 1999. () pour une superficie totale de 14 millions de mètres carrés de bâtiments universitaires, le coût de la construction d'un mètre carré universitaire représentant environ 10.000 francs, hors crédit d'équipement (1) Mémento de la valorisation - Conférence des Présidents d'université - Réseau CURIE (Coopération des structures universitaires de relations industrielles et économiques) - janvier 1999 (1) décret n°85-1118 du 18 octobre 1985 relatif aux activités de formation continue dans les établissements d'enseignement supérieur relevant du ministre de l'Éducation nationale. (2) « L'activité économique des universités : les opérations commerciales et de recherche » - actes des 13e journées nationales de printemps (La Rochelle, 10 et 11 juin 1999) - FAC, revue de l'association des agents comptables d'université - n°22. |